Le dernier chevalier

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« Dans quelques jours, lorsque nous inhumerons monsieur Landry, plusieurs auront l’impression d’enterrer aussi le PQ. »

Je sais que c’est une coïncidence, mais difficile de ne pas y voir un signe.


Juste comme le PQ jongle avec l’idée de changer de nom et de refondre complètement son programme, le dernier des grands (avec Lucien Bouchard, qui est toujours parmi nous, mais qui a enterré ses illusions souverainistes depuis longtemps) disparaît.


Comme si on avait tourné la page sur une époque et fermé le livre.


ENTERRER SES RÊVES


Y aura-t-il un tome 2 au PQ ? Ou bien l’aventure se terminera-t-elle là, avec la débandade du 1er octobre dernier ?


Serait-ce, pour paraphraser Francis Fukuyama, la fin de l’histoire avec un petit h ?


C’est la question que tout le monde se pose.


Une chose est sûre : le PQ tel que nous le connaissons et l’avons toujours connu risque de disparaître.


Dans un murmure plutôt que dans un cri.


Dans quelques jours, lorsque nous inhumerons monsieur Landry, plusieurs auront l’impression d’enterrer aussi le PQ.


Et avec lui, leurs rêves de jeunesse.


Humez l’air du temps et regardez les infos, vous verrez : le parti fondé par René Lévesque n’a pas encore poussé son dernier soupir qu’on voit déjà les vautours de QS et de la CAQ survoler son lit et se disputer ses restes, sans aucune gêne.


DE LA HAUTEUR


Je sais que c’est l’usage de dire, chaque fois qu’une personnalité publique disparaît, qu’il n’y a plus personne comme elle.


C’est un lieu commun, un cliché. Une formule de politesse, qu’on répète parfois (trop souvent, à vrai dire) sans y croire.


Mais je vous pose la question : voyez-vous, autour de vous, actuellement, un politicien avec la prestance de monsieur Landry ?


Moi non plus.


L’homme au centre du documentaire À hauteur d’homme avait, justement, de la hauteur.


De la grandeur, de la dignité, du panache, de la noblesse.


Et quelle élégance ! Quelle courtoisie !


Chaque fois que je le croisais, dans des lancements ou des premières, la même idée me venait en tête : le Québec était trop petit pour lui.


Je l’aurais plutôt vu au Parlement européen, à discuter (en multipliant les locutions latines dont il était si friand) de l’avenir de la culture occidentale aux côtés de Jacques Delors.


Vous imaginez Bernard Landry faire des blagues grossières pour courtiser le vote des jeunes ?


Se prendre en selfie ? Étaler ses états d’âme sur Twitter ?


Faire le tour des talk-shows pour montrer son côté « givré » ?


« J’ai toujours eu une certaine idée de la France », écrivait de Gaulle dans ses mémoires.


Monsieur Landry, lui, a toujours eu une certaine idée de la politique.


La politique comme art noble, je dirais même comme chevalerie.


PAS DES VICTIMES


Monsieur Landry ne baissait pas la barre pour se mettre « à la hauteur » du peuple québécois.


Aucune condescendance, chez lui, au contraire : il aimait trop les Québécois pour les traiter comme des petites choses, des victimes, des êtres fragiles et limités.


Il n’avait de cesse de les tirer vers le haut.


Comme tous ceux de sa génération, celle des Jacques Godbout, des Jacques Laurin, des Denise Bombardier...


Je sais que c’est une coïncidence.


Mais j’ai l’impression que monsieur Landry a emporté le PQ avec lui.