Le débat gauche-droite n’existe plus

Notre blocage résulte du monopole néolibéral

Chronique de Pierre Gouin

Pour élaborer une stratégie gagnante il faut établir un bon diagnostic. Je veux présenter mon interprétation du clivage entre la gauche et la droite, un sujet abordé notamment par Pierre Cloutier dans un texte publié le 25 mai sur Vigile : Le stérile et enfantin débat gauche-droite qui nous nuit tant.
Quand on parle du débat gauche-droite qui divise les indépendantistes on pense surtout à Québec solidaire comme représentant de la gauche. Mon premier commentaire est que QS comme parti n’est pas indépendantiste puisqu’il donne clairement la priorité à son orientation gauchiste. Pour moi, le temps et l’énergie dépensés à rechercher une alliance stratégique avec ce parti sont gaspillés. Le défi est plutôt de convaincre les indépendantistes qui adhèrent à QS de revenir au moins temporairement à un parti ou à une coalition indépendantiste et la balle est donc plutôt dans le camp du PQ.
Dans le contexte politique qui prévalait jusqu’aux années 2000, le PQ a pu naviguer plus ou moins au centre en conservant une aile gauche. Il y a vingt ans, les travailleurs et les syndicats tiraient les gouvernements vers la gauche, d’une part, les entreprises tiraient les gouvernements et vers la droite, d’autres part, et un équilibre était maintenu parce que les deux parties y trouvaient leur intérêt.
Avec la mondialisation l’économie a été dominée progressivement par les multinationales et la haute finance, qui peuvent mettre tous les pays en concurrence, et pour qui la nécessité de se plier à des compromis avec la gauche n’existe plus. La pression est forte sur tous les États pour réduire les impôts, remplacer les services publics par des activités privées qui génèrent des profits et tolérer davantage de pauvreté pour faire une pression à la baisse sur les salaires. Les gouvernements sont en partie coincés.
Cette espèce de capitalisme est vouée à l’échec et appelée à disparaître. Au bout du compte, il faut suffisamment d' humains avec des revenus suffisants pour consommer tout ce que les humains peuvent produire. Les profits, quelle que soit leur ampleur, ne peuvent pas soutenir l'existence d'une production de masse efficace.
Les failles du système se manifestent déjà dans les crises actuelles. Quand les contribuables doivent renflouer les banques, quand les américains élisent un Barack Obama, quand un des plus riches investisseurs américains prônent des hausses d’impôt pour les plus riches, le système est déjà ébranlé. Il est possible d’y résister dès maintenant, il suffirait d'oser. Au Québec, les entrepreneurs locaux qui dépendent de la prospérité générale ne sont pas nécessairement gagnants dans le nouveau capitalisme mondial et on peut penser que la droite économique traditionnelle serait ouverte à la reprise d’un vrai débat sur le partage de la richesse.
Concrètement, les questions à débattre sont simples. Le parti Québécois avait mis sur la table pour l’élection des propositions raisonnables mais révolutionnaires dans l’optique néolibérale. Depuis l'élection, des reculs sur à peu près tout, dont certains tellement insignifiants quant aux économies en cause qu'ils apparaissent comme des offrandes à un dieu néolibéral. Est-ce que le gouvernement péquiste a peur, est-il dépassé par la complexité de la situation ou bien est-ce que ses décisions reflètent la position idéologique de la majorité de ses membres?
Quoiqu'il en soit, la rigidité néolibérale affichée par le PQ le prive d'un large appui populaire. On l'a vu lors des manifestations du printemps 2012, il existe dans la population une forte volonté de résister au chantage du capitalisme mondial. Dans cette optique les promesses du PQ à l'époque ont peut-être simplement servi à désamorcer une crise et permis au système de se perpétuer.
Je suis d'accord, les indépendantistes convaincus devraient mettre en veilleuse pendant un certain temps d'autres convictions politiques. Je supporterais sans hésiter un projet indépendantiste proposé par un gouvernement Marois qui aurait accepté toutes les conditions des maîtres néolibéraux. Une fois le pays acquis, il serait alors temps de créer un parti révolutionnaire intégré à un mouvement international. Ce scénario n'est pas impossible. Les comploteurs néolibéraux pourraient calculer un jour que l'indépendance du Québec servirait mieux leurs intérêts et ils ont les moyens médiatiques de lui créer des conditions favorables.
On ne peut cependant pas s'attendre à ce que la majorité de la population soit aussi déterminée et accepte un projet d'indépendance dans un contexte politique aussi effrayant que celui découlant de la totale impuissance de l'État perçue actuellement. Le défi de renverser cette conjoncture défavorable n'appartient pas uniquement au PQ et toutes les stratégies indépendantistes visant à rallier la population doivent tenir compte de cette problématique.


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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    30 mai 2013

    Votre discours aurait un sens, si le néo-libéralisme n'était pas une idéologie de droite, mais comme elle réside à droite, en la rejetant vous vous situé à gauche.
    Autrement dit, vous admettez que la droite est un blocage et que son rejet en serait la solution, donc la gauche serait la solution, mais comme il n'y a que QS qui l'incarne actuellement, vous vous refusez le droit d'y adhérer sous prétexte qu'il ne serait pas indépendantiste.

  • Archives de Vigile Répondre

    30 mai 2013

    Cela fait quelque décennies que le PQ demande aux indépendantistes de gauche de mettre en veilleuse leurs convictions de gauche et vous renouveler cette demande encore une fois en croyant qu'ils vont revenir. Tu rêve en couleur.

  • Archives de Vigile Répondre

    30 mai 2013

    Une véritable indépendance requière une capacité d'autarcie.
    Notre structure économique ne le permet pas.
    >>>Mais,<<<
    notre structure économique peut s'effondrer avec l'économie mondiale. Dans le malheur, il faut saisir la chance. On ne pourra pas compter sur les autres pour se remettre debout si tous nous voisins sont couchés. Nous devrons nous rebâtir localement et nous défendre dans un environnement hostile.
    C'est là que l'autarcie se fera. Pour l'instant, il faut investir pour amortir la chute autant que l'on peut.
    ------------------------
    Que veut dire le néo-libéralisme ?
    Le libéralisme ne laisse pas de place au monopole. C'est le laissez-faire. Or la surfinanciarisation de l'économie tue le laissez-faire. Les cours boursiers sont manipulés et faussent l'économie réel pour le bénéfice de certains acteurs.
    Nos scandales de la Construction et du CSUM ne sont que des haricots devant ceux de la Finance Internationale.
    http://www.rollingstone.com/politics/news/everything-is-rigged-the-biggest-financial-scandal-yet-20130425
    Les discours gauche-droite sont des distractions au même titre que le sexe des anges.

  • Marcel Haché Répondre

    30 mai 2013

    Votre analyse est très intéressante en ceci qu’elle interpelle toute la mouvance indépendantiste et non pas seulement la mouvance péquiste.
    Je crois que la balle est dans notre camp, malgré la très grande force des ennemis de l’indépendance. D’un strict point de vue politique, en se laissant toujours manipulée par une vieille gauche, le mouvement indépendantiste n’arrive pas à créer un pont, un passage par lequel une partie de l’électorat fédéraliste pourrait changer d’idée.
    Il existe un électorat capable de changer d’idée. Certes, ce n’est pas le plus grand électorat, mais s’il se déplaçait, il a déjà cette admirable capacité de sauver les nations… Faut-il préciser qu’il est inutile de le rechercher dans l’électorat du West Island ?