Le dauphin fâché

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Moreau en porte-à-faux avec son chef et son parti

L’arrestation du député libéral Guy Ouellette par l’Unité permanente anticorruption est une bombe à fragmentation dont les ravages ne font que commencer. Elle éclabousse l’UPAC, l’Autorité des marchés financiers (AMF) et le gouvernement libéral. Elle ébranle aussi le leadership déjà fragile de Philippe Couillard.


Chez les libéraux, la dissidence spectaculaire du ministre vedette Pierre Moreau fait mal. En étant le seul élu à s’abstenir de voter pour une motion félicitant le président de l’Assemblée nationale pour sa défense des parlementaires contre les tactiques cavalières de l’UPAC, M. Moreau désobéit ouvertement à son chef Philippe Couillard.


Deuxième en rang à la chefferie libérale de 2013, M. Moreau dément la rumeur voulant qu’il soit un « dauphin » fâché au bord de la mutinerie. Pierre Moreau en putschiste pressé ? C’est peu plausible. Qu’il place déjà ses billes pour l’ère post-Couillard est nettement plus probable.


Désaveu


De toute manière, le vrai problème est ailleurs. Pierre Moreau s’est dissocié de tous les autres parlementaires sur la question cruciale de la défense de leurs droits. Que son geste constitue en même temps un désaveu du premier ministre en est l’inévitable conséquence.


Le simple fait qu’il ait posé ce geste témoigne surtout d’un affaiblissement marqué de l’autorité morale de Philippe Couillard sur ses troupes. À moins d’un an du prochain scrutin, le premier ministre se console sûrement de la chute vertigineuse du Parti québécois dans les sondages.


C’est pourtant du sort de son propre parti dont il devrait s’inquiéter. Le 28 octobre, un sondage Léger/Le Devoir/Globe & Mail plaçait la CAQ en tête des intentions de vote. Chez les francophones, le parti de François Legault rafle 37 % d’appuis et les libéraux, 21 % seulement.


En descente continue, depuis l’élection de 2014, le PLQ a glissé de 42 à 29 % à travers le Québec. En plus de l’usure du pouvoir, des effets nocifs de l’austérité et de l’échec des réformes Barrette en santé, les fantômes de l’ère Charest continuent à miner son gouvernement.


Craintif


Happé par l’« affaire » Guy Ouellette, M. Couillard peine à naviguer. Six longs jours de silence ont suivi l’arrestation de son député sans accusation portée. Face à l’UPAC - censée enquêter sur le PLQ -, on sent le premier ministre surtout craintif.


Même quand certains de ses députés disent avoir peur d’être « suivis » par l’UPAC parce que des citoyens leur parlent d’irrégularités possibles dans le processus d’accréditation d’entreprises à l’AMF, M. Couillard leur dit d’aller s’en plaindre à la vérificatrice générale ou à la police. C’est surréaliste.


Une telle timidité face à une crise évidente de confiance envers l’UPAC n’augure rien de bon pour la démocratie québécoise. Idem pour la dissidence de Pierre Moreau.


Communicateur redoutable et fin stratège, en se dissociant de ses pairs sur une question aussi vitale que la souveraineté des parlementaires, cette fois-ci, le « dauphin » a erré sur le plan politique.


Face à ce qui sent l’abus de pouvoir de la part de l’UPAC, le moment était à la solidarité. Malheureusement, le « dauphin » n’était pas au rendez-vous.