Le CUSM a payé 1 M$ pour deux locaux vides

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Les PPP, loin d'être toujours efficaces

En pleine période de compressions budgétaires, le Centre universitaire de santé McGill a payé près de 1 million $ à un consortium dirigé par SNC-Lavalin pour deux locaux inutilisés dans son nouveau mégahôpital.


Ce gaspillage de fonds publics découle de l’entente de partenariat public-privé (PPP) entre l’hôpital et Groupe infrastructure santé McGill (GISM). Ce consortium dirigé par la firme d’ingénierie SNC-Lavalin gère l’hôpital construit au coût de 1,3 milliard $ pour les 26 prochaines années.


Cette entente prévoit que quatre locaux d’une superficie totale de 800 m2, dans l’aire commerciale, sont réservés pour le Centre universitaire de santé McGill (CUSM).


Un demi-million


Le Centre universitaire de santé McGill paie plus de 300 000 $ par année pour deux locaux vides, dont celui-ci qui n’a servi que d’entrepôt pour des matériaux du nouvel hôpital.


Puisque le CUSM ne gère pas l’aire commerciale, il a signé en novembre 2015 un bail de 537 464 $ par année avec GISM pour louer ces locaux.


Six mois plus tard, l’établissement a trouvé preneur pour deux des quatre locaux, qu’il a sous-loués à la Fondation du CUSM et à la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants (voir autre texte).


Les deux autres locaux sont encore vides deux ans et demi après la signature du bail. Tout au plus, ils ont servi à quelques reprises pour de l’entreposage et comme salle d’exercice temporaire pour le personnel du site Glen.


Ils devraient abriter une pharmacie d’ici quelques mois. Ce sera alors aux propriétaires de la pharmacie d’assumer le coût du loyer.


Aux frais des contribuables


En attendant, les contribuables ont dû débourser environ 330 000 $ par année pour ces locaux vides. Ces derniers sont adjacents au tunnel Vendôme actuellement en construction et qui reliera l’hôpital à la station de métro. 


Ce n’est pas la première fois que des dépenses au CUSM font la manchette. En 2015, notre Bureau d’enquête révélait que l’hôpital avait déboursé 409 $ pour déplacer un distributeur à savon et 26 500 $ pour installer 26 téléviseurs.


« Le CUSM a l’obligation de payer le loyer pour les quatre espaces de location dont il est responsable », reconnaît la porte-parole de l’établissement, Gilda Salomone. Elle précise que le montant couvre le loyer ainsi que les taxes et frais communs.


Il a fallu plus d’un mois à notre Bureau d’enquête pour obtenir les détails au sujet de ces locaux de la part du CUSM et de son partenaire privé. Il a toutefois été impossible de consulter le bail, qui contient des informations commerciales jugées « sensibles ».


Le président de la Fédération de la santé et des services sociaux, Jeff Begley, a été estomaqué par ces nouvelles révélations.


« Je suis bouche bée »



PHOTO HÉLOÏSE ARCHAMBAULT


Jeff Begley

Président syndical


« Je vous avoue que je suis bouche bée », dit le président du syndicat affilié à la CSN qui dénonce depuis des années les PPP en santé.


C’est d’autant plus surprenant, selon lui, que ces dépenses ont eu lieu dans un contexte de coupes budgétaires à l’hôpital. Des unités de soins ont été fermées et des postes n’ont pas été comblés depuis 2015 en raison des compressions budgétaires. L’an dernier, l’établissement a réalisé le plus important déficit au Québec avec 23 M$ de perte.


« C’est indécent. Qui paie pour ça ? Ce sont les patients et le personnel qui n’ont pas le luxe d’avoir un contrat blindé », dit-il.


Selon lui, il faut considérer la possibilité de résilier le contrat de PPP qui doit s’étendre jusqu’en 2044.




♦ Le coût du loyer payé par le CUSM est indexé de 7 % par tranche de cinq ans.



LES LOYERS DES RESTOS VONT AU CONSORTIUM


Selon le contrat de partenariat public-privé, SNC-Lavalin et son partenaire Innisfree doivent réserver 800 m2 de l’aire commerciale au CUSM. La balance, soit 31 locaux commerciaux, est sous la responsabilité exclusive du partenaire privé pour 30 ans.


C’est donc le groupe dirigé par SNC-Lavalin qui loue les espaces aux restaurants, boutiques et autres commerces. C’est également lui qui empoche les revenus tirés de l’aire commerciale. 


Selon nos informations, il en coûterait entre 70 et 85 $ du pied2 pour louer certains de ces espaces commerciaux. Le prix est toutefois gardé secret pour des raisons commerciales. 


« On perd sur les deux bouts. L’hôpital ne peut pas toucher de revenus de ces commerces-là. Pour SNC-Lavalin, c’est gagnant-gagnant, et pour l’hôpital, c’est perdant-perdant », soutient Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux.


Sept des 30 locaux sous la responsabilité de SNC-Lavalin sont présentement vides en attendant de trouver des locataires. Les responsables cherchent notamment un opticien et un nettoyeur.



UNE FACTURE SALÉE POUR LES FONDATIONS


La Fondation du CUSM et celle de l’Hôpital de Montréal pour enfants doivent verser chaque année plus de 200 000 $ pour avoir un local dans le nouvel hôpital flambant neuf.


Selon les informations obtenues par notre Bureau d’enquête, la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants paie 120 000 $ par année, incluant les frais communs et les taxes. En plus de ce local, elle loue aussi un espace dans le centre commercial Alexis Nihon où est situé son siège social. 


La Fondation du CUSM paie pour sa part une somme de 85 000 $ par année en loyer. Dans les deux cas, l’argent est versé à l’hôpital, qui remet l’argent au Groupe infrastructure santé McGill.