Le coronavirus pourrait accélérer la chute des transactions au comptant

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Vers l'abolition progressive de l'argent papier


Le paiement en argent comptant est en recul depuis plusieurs années et la crise sanitaire de la COVID-19 pourrait constituer un clou supplémentaire dans le cercueil de ce mode de paiement. On fait le point avec un expert.




Maître d'enseignement au Département d'économie appliquée de HEC Montréal, Germain Belzile soutient que la vague de recul de l'utilisation de l'argent comptant est amplifiée par le fait que les gens eux-mêmes ne veulent pas qu'on leur remette de la monnaie et des billets de banque.


Cela accélère les choses, dit-il. Il y a des gens qui n’utilisaient pas jusqu’à maintenant les modes de paiements électroniques qui vont découvrir cela par la force des choses, commente-t-il.


La semaine dernière, la Société des alcools du Québec (SAQ) et la Société québécoise du cannabis (SQDC) annonçaient qu'elles refuseraient dorénavant les paiements en argent comptant. Plusieurs commerces ont suivi.



Toujours la semaine dernière, la Banque du Canada soutenait dans un communiqué que la manipulation des billets de banque canadiens ne présentait pas un risque plus grand que le fait de toucher d’autres surfaces comme les poignées de porte, les comptoirs de cuisine, les rampes d’escalier, etc.


Les personnes qui manipulent des billets de banque doivent suivre les mesures prescrites par les autorités de santé publique contre la maladie COVID-19 et se laver les mains comme elles l’auraient fait dans d’autres circonstances, indiquait la Banque du Canada.


Un recul bien réel


Quelques chiffres s'imposent avant d'aller plus loin. La Banque du Canada diffuse tous les quatre ans son « Rapport d'enquête sur les modes de paiement », qui sonde les habitudes des Canadiens en la matière.


Le dernier rapport, diffusé en décembre 2018 et qui porte sur l'année 2017, montre que les paiements en espèce représentaient 33 % du volume et 15 % des transactions. En 2013, les paiements constituaient 44 % du volume et 23 % de la valeur, tandis qu'en 2009, on parlait de 54 % du volume et 23 % de la valeur.


Paiements Canada, qui est responsable des processus, des règles et de l’infrastructure de compensation et de règlement au pays, confirme le recul de l'argent comptant.



Selon les données de son rapport annuel 2019, l'argent comptant, qui représentait 21 % du volume total de transactions, a vu son volume chuter de 40 % l'an dernier.


En ce qui concerne la valeur des paiements au pays – qui était de 9,9 billions de dollars en 2019 –, les transferts électroniques de fonds ont décroché la part du lion, avec 45 %, en hausse de 45 % par rapport à 2018. L'argent comptant, qui représentait seulement 0,9 % du total, a reculé de 32 % par rapport à 2018.


Germain Belzile spécifie que le recul – autant en ce qui concerne le nombre de transactions que le total – ne touche pas seulement l'argent comptant, mais également les chèques.



C'est en chute libre depuis 20 ans. On n'utilise plus cela [les chèques].


Germain Belzile, maître d'enseignement au Département d'économie appliquée de HEC Montréal


D'ailleurs, les chèques et les effets papier, qui représentaient 3,2 % des transactions en 2019, ont dégringolé de 29 % l'an dernier.


Des billets de banque pêle-mêle.

Germain Belzile, de HEC Montréal, soutient que l'argent comptant a un coût de possession relativement peu élevé pour les citoyens et les entreprises.


Photo : iStock




L'espèce a-t-elle toujours sa place dans le système économique?


Malgré les reculs de l'argent comptant, Germain Belzile juge que l'espèce a toujours sa place dans le système économique. Quand on multiplie les transactions, cela a du sens d'avoir de la monnaie. Et nous ne sommes pas à l'abri d'une catastrophe des systèmes de paiement. S'il y a une panne de plusieurs heures ou de plusieurs journées, que fait-on si nous n'avons pas accès à de l'argent comptant?


De plus, le professeur à HEC Montréal ajoute que l'argent comptant a un coût de possession relativement peu élevé pour les citoyens et les entreprises. Le passage des transactions en espèces vers des transactions électroniques a un coût : les clients paient cela dans leurs forfaits bancaires, précise-t-il.


J’utilise encore de l’argent comptant parce que je ne veux pas qu’on répertorie tous mes achats. Le jour où l’argent comptant disparaîtra, les gens auront seulement des actifs dans des institutions financières. Les gouvernements pourraient un jour nous taxer d’une nouvelle manière, par exemple taxer la richesse et les actifs bancaires, avance M. Belzile.




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