Le comment

Élection Québec 2012


Le comité sur la souveraineté dont Pauline Marois a annoncé la création dimanche est bien différent de celui qu'elle avait refusé aux contestataires menés par Lisette Lapointe lors du congrès d'avril 2011.
Ils réclamaient en réalité un comité de surveillance, composé à égalité de députés et de membres du conseil national, qui aurait dû faire rapport périodiquement de l'état de ses travaux aux instances du PQ. Le contrôle de la stratégie référendaire aurait échappé complètement à Mme Marois.
La chef péquiste a maintenant les coudées franches. Les deux députés qui feront partie du comité, Alexandre Cloutier et Véronique Hivon, sont des fidèles, et aucun mécanisme de reddition de comptes n'est prévu.
Certains ont déploré la faible représentation des femmes et l'absence de représentants des communautés culturelles. En un sens, cela devrait rassurer ceux qui doutent toujours des intentions de Mme Marois. La composition du comité indique clairement que son objectif n'est pas de se pencher encore une fois sur le pourquoi de la souveraineté, ce dont d'éventuels États généraux pourront toujours se charger, mais plutôt sur le comment.
Moins spectaculaire que la présence d'artistes vedettes, celle de hauts fonctionnaires comme Carl Grenier et Marcel Leblanc n'en est pas moins significative. En 1995, le premier avait travaillé à la préparation des négociations avec le reste du Canada dans l'éventualité d'un oui. Le second était responsable du fameux plan O destiné à soutenir le cours des obligations québécoises.
La présence de l'incontournable Jean-François Lisée en inquiétera sans doute plusieurs. Lisée était un des principaux stratèges du oui en 1995, mais il est aussi l'auteur de Sortie de secours, qui proposait la tenue d'un référendum sur le rapatriement d'une série de pouvoirs. Il n'y a cependant pas d'autre indice permettant de croire que Mme Marois envisage actuellement cette avenue.
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Cela laisse néanmoins entier le problème des «conditions gagnantes», qu'il faudra bien réunir d'une manière ou d'une autre. Si bien préparé qu'il puisse être, un troisième référendum sur la souveraineté ne saurait être envisagé sans la certitude de pouvoir le gagner. Les deux premiers ont coûté suffisamment cher au Québec.
Pour le sociologue-chroniqueur Mathieu Bock-Côté, la souveraineté est «une excellente réponse à une question qui se pose de moins en moins». La formule est ingénieuse, mais la réalité est peut-être plus mouvante qu'il n'y paraît.
On disait la même chose après le référendum de 1980. Bien avant la signature du traité de Maastricht et la formation de l'Union européenne, Robert Bourassa avait entrepris de convaincre les Québécois que les souverainistes cherchaient à les entraîner sur une voie contraire au sens de l'Histoire, mais l'échec de l'accord du lac Meech leur a soudainement fait voir les choses autrement.
La question nationale est-elle réellement en voie d'être évacuée au profit d'une nouvelle polarisation entre la gauche multiculturalisme et la droite libertarienne? À voir le «désir de changement» s'exprimer tour à tour dans l'ADQ et le NPD, on a plutôt l'impression d'un profond désarroi. Le PQ, dont Bernard Drainville craignait la disparition il y a tout juste cinq semaines, peut maintenant envisager un retour au pouvoir.
«Pourquoi les trudeauistes d'Ottawa se trouvent-ils désormais des affinités avec les souverainistes du Québec? Est-ce parce que les premiers ont changé d'idée, ou parce que les seconds ont dilué leur idéal et leur projet?», demande Bock-Côté.
Il n'y a peut-être aucun rapport. Malgré leurs différends fondamentaux sur la question nationale, les souverainistes ont toujours été en accord avec les positions progressistes de Pierre Elliott Trudeau et de ses disciples. Ils ont applaudi le bill omnibus de 1969, qui décriminalisait l'homosexualité, comme la création du registre des armes à feu. Ils détestaient la Loi sur la clarté, mais approuvaient les initiatives de Stéphane Dion pour lutter contre les changements climatiques.
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La solution réside peut-être dans ce que Bock-Côté appelle les «fondamentaux» de la question nationale: langue, mémoire, désir de survivre. La «gouvernance souverainiste» a ses défauts, mais elle pourrait permettre de vérifier dans quelle mesure le Canada anglais est prêt à accepter ces «fondamentaux».
Dès son élection, Mme Marois décréterait vraisemblablement que la participation du Québec au Conseil de la fédération en fait une province comme les autres, ce qui est incompatible avec le statut de nation qui lui a été reconnu par la Chambre des communes.
Le programme adopté en avril 2011 prévoit qu'un gouvernement péquiste ferait adopter une «nouvelle loi 101», qui s'appliquerait au cégep et invoquerait la clause nonobstant, ainsi qu'une constitution québécoise, qui affirmerait notamment le droit à l'autodétermination. Il instaurerait du même souffle une citoyenneté québécoise, qui conditionnerait l'exercice de certains droits à la connaissance du français.
Tout cela serait parfaitement compatible avec les dispositions de la Constitution canadienne, mais la réaction des Canadiens eux-mêmes pourrait être très négative. Certains y verront à coup sûr une sombre manoeuvre visant à provoquer une crise. Et si c'était le désir d'assurer la pérennité d'un Québec français qui constituait une insupportable provocation?


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