Le climat et la fin du pétrole

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Pas de pénurie de pétrole en vue : les écologistes rêvent en couleur s'ils croient en une apocalypse pétrolière imminente


Malgré les nombreux rappels du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) au sujet de l’accélération et des manifestations du réchauffement climatique, la communauté internationale éprouve des difficultés à mettre en place une stratégie efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) contribuant au réchauffement climatique. Selon BP Statistical Review of World Energy, les énergies fossiles — c’est-à-dire pétrole, gaz naturel et charbon — ont fourni 85,2 % de l’énergie primaire consommée à l’échelle mondiale en 2017, et la part du pétrole, sur lequel reposent encore presque exclusivement tous les modes de transport, fut de 34,2 %. Ces chiffres montrent l’ampleur et la complexité de l’effort requis pour baisser les émissions de GES provenant des énergies fossiles.


Dans un texte publié dans Le Devoir le 27 décembre 2018, M. Ghislain Rocheleau affirme que, en dépit de notre faillite à réduire les émissions de GES, « les ressources pétrolières s’épuisant à un rythme accéléré, nous pourrions être poussés, bien malgré nous, à nous passer du pétrole dans les prochaines décennies ». Il fait sienne la position avancée par M. Harvey L. Mead, ancien commissaire au développement durable au Québec. Messieurs Rocheleau et Mead appuient leur position sur une étude réalisée par des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT), D. Meadows et coll., « The Limits to Growth », 1972, dans laquelle les auteurs prévoyaient la fin imminente du pétrole. La croissance exponentielle de la consommation de cette ressource entraînerait inévitablement son épuisement à cause de sa disponibilité limitée dans la croûte terrestre.


Réserves en hausse


La thèse des chercheurs du MIT a été présentée il y a maintenant 46 ans et il est approprié de considérer l’information fournie par l’histoire pour en analyser la justesse. Selon BP Statistical Review of World Energy, la production mondiale du pétrole est passée de 62,9 millions de barils/jour en 1980 à 92,6 en 2017, soit une augmentation de 47 % ; au cours de la même période, les réserves pétrolières ont crû de 683,5 à 1696,0 milliards de barils, soit une hausse de 148 %. La croissance des réserves a été trois fois plus élevée que celle de la production. Le rapport réserve/production était de 30 ans en 1980 et il est maintenant de 50 ans. Ce rapport nous indique que compte tenu des réserves, de la technologie et des prix actuels, le rythme actuel de production pourrait être maintenu durant les 50 prochaines années.


L’analogie du nénuphar dont la croissance double la superficie couverte chaque année est inappropriée pour illustrer l’épuisement du pétrole, car elle ne prend pas en considération la façon dont le marché incorpore une rareté grandissante, c’est-à-dire par une hausse du prix du bien concerné. Avant les crises pétrolières de 1973 et de 1979, le prix annuel moyen du baril de pétrole en dollars américains de 2017 était de 14,5 $ ; en 2017, il était de 54,2 $, soit une progression de 273 %. Cependant, son évolution a suivi un parcours en montagnes russes entre ces deux années. Il a atteint une pointe de 109,6 $ en 1980 pour chuter à 19,1 $ en 1998, pour ensuite s’élever à un sommet absolu de 121,2 $ en 2011 et finalement retraiter au niveau actuel. Il est très difficile de mesurer une hausse soutenue de long terme du prix du pétrole à travers ces mouvements en dents de scie. Tout comme le ratio réserve/production, l’évolution du prix du pétrole n’indique pas une pénurie imminente.


Le GIEC recommande de réduire les émissions de GES de 45 % d’ici 2030 par rapport à leur niveau en 2010 et d’avoir des émissions nettes nulles en 2050 pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C ou moins. La tâche est énorme et il ne faudra pas attendre l’épuisement du pétrole pour régler le problème de réchauffement climatique. Il sera vraiment trop tard.



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Jean-Thomas Bernard2 articles

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Professeur au Département d'économique de l'Université Laval et membre du Groupe de recherche en économie de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles





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