Alors que la pandémie installe le chaos un peu partout, quel est le paramètre le plus inquiétant du tableau de bord économique mondial? La chute des cours du pétrole liée au Covid-19 peut effrayer, d’autant que Moscou, Riyad et Washington ne parviennent pas à s’entendre…
Quel est le paramètre le plus inquiétant du tableau de bord économique mondial? Nous n’avons que l’embarras du choix. La chute des bourses est anecdotique au regard de menaces en voie de réalisation.
Que faut-il craindre le plus ? Le surendettement des entreprises en Chine mais plus encore aux États-Unis, enfin avoué par Janet Yellen, l’ancienne présidente de le Réserve Fédérale qui incrimine, mais un peu tard, les pratiques dolosives des rachats d’actions et de versements de dividendes imposées par les grands actionnaires ? Le surendettement de maints États émergents endettés en dollars dont la faillite émerge comme un serpent de mer à chaque épisode difficile ? Ou le surendettement des États dits sûrs mais dont on ne voit pas comment ils vont pouvoir résorber leurs dettes, tout spécialement dans la zone euro ?
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Mais c’est peut-être la chute des prix du pétrole et, dans son sillage, des prix des matières premières, qui pourrait être le facteur le plus déstabilisant. Nous assistons en effet à un choc pétrolier à l’envers au regard des deux grands chocs pétroliers de 1974 et 1984.
Nous disons bien choc à l’envers et non contre-choc, comme ces réajustements du marché intervenus au lendemain des chocs proprement dits. Alors, en 1976 et 1983, la baisse des prix du brut avait soulagé les économies consommatrices d’Europe, des États-Unis et du Japon accablées par la récession économique.
Car le chaos qui s’est installé sur les marchés pétroliers et gaziers est porteur d’effets collatéraux massifs. Premièrement, sur les pays producteurs qui s’appuient sur cette ressource principale, dans le Golfe Persique, en Afrique et en Russie qui devraient être contraints à des coupes claires dans leurs dépenses publiques, au détriment de leurs productions intérieures mais aussi de leurs grands fournisseurs étrangers. Deuxièmement, sur les grandes compagnies productrices projetées vers la faillite : songeons à l’Aramco, tout juste introduite en bourse, et aux producteurs de gaz et de pétrole de schiste américains. Troisièmement, sur les créanciers de ces États et de ces compagnies.
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Il faut comprendre que la situation n’offre pas de symétrie avec les chocs de 74 et 80. Alors, les ressources en dollars des pays producteurs avaient été recyclées par le système bancaire occidental qui en avait fait ses choux gras. Alors, les pays enrichis par le profit d’aubaine issus de la hausse des prix avaient multiplié leurs dépenses sociales et leurs dépenses d’infrastructure au profit des entreprises occidentales. Tandis que la baisse des prix des carburants, d’effet marginal sur des économies européennes et américaines paralysées par la pandémie, sera facteur de déflation générale des prix…
Par dessus tout, cette baisse réduit les disponibilités en dollars, lubrifiant du système économique mondial, alimentées par les marchés pétrolier et gazier : les injections de monnaie de la Réserve Fédérale, orientées vers les acteurs financiers, n’y changeront rien.
Sans remontée des prix pétroliers et gaziers, nous courons à la déflation mondiale.