Le château de cartes

3c9e43f90aa423ed3253f2863a50ad00

«Les fronts communs des provinces contre Ottawa ont toujours eu la solidité d’un château de cartes. Et le plus souvent, le Québec s’est retrouvé isolé»






Jacques Parizeau, qui en connaissait un bout sur le sujet, disait que négocier les paiements de transfert avec le gouvernement fédéral consistait simplement à décider si on voulait être mangés frits, rôtis ou bouillis. Comme tous ses prédécesseurs, l’actuel ministre des Finances, Carlos Leitão, fait à son tour l’expérience de ce cannibalisme qui est une des caractéristiques du merveilleux monde des relations fédérales-provinciales canadiennes.


 

« Nous jugeons que l’approche fédérale est un peu déplorable », a déclaré M. Leitão dans un bel élan d’euphémisme. Toutes ses réserves d’optimisme semblent maintenant épuisées : le gouvernement fédéral ne modifiera pas d’un iota sa position sur le transfert canadien en santé (TCS), qui augmentera désormais à un rythme bien inférieur à la croissance des coûts des services de santé que les provinces doivent assumer. Il devra donc planifier son budget en conséquence.


 

Après la Colombie-Britannique, il y a dix jours, M. Leitão s’attend maintenant à ce que l’Alberta rejoigne à son tour le club des provinces qui se sont laissé acheter par Ottawa, comme l’a dit son collègue de la Santé, Gaétan Barrette. « Mais les deux provinces centrales demeurent unies », a souligné le ministre des Finances dans un ultime sursaut d’espoir. Pour combien de temps encore ?


 

Il est difficile de croire qu’il est réellement surpris. Les fronts communs des provinces contre Ottawa ont toujours eu la solidité d’un château de cartes. Et le plus souvent, le Québec s’est retrouvé isolé pendant que les autres provinces se ralliaient à leur gouvernement « national ». Peu importe, tel le castor, on reconstruit inlassablement le château.


 

 


Alors que le gouvernement Couillard vient de forcer le retour au travail des avocats et notaires de l’État par une loi spéciale, l’intransigeance d’Ottawa sur le TCS devrait l’inciter à réfléchir à la notion de « bonne foi » dans une négociation. Le gouvernement fédéral lui a servi la médecine qu’il a lui-même administrée aux juristes de l’État. Pour justifier la loi spéciale, le président du Conseil du trésor, Pierre Moreau, a fait valoir que « le droit de négocier n’est pas un droit infini ». C’est aussi ce qu’on a décidé à Ottawa.


 

L’ancien ministre des Finances de Pierre Elliott Trudeau Allan MacEachen avait résumé de la façon suivante le premier chapitre du cours de fédéralisme 101 : « Dans un régime fédéral, le pouvoir politique d’un gouvernement est déterminé par sa situation financière. » Autrement dit, au plus riche la poche.


 

Il ne faut pas chercher plus loin l’explication de l’échec des multiples tentatives d’encadrer, sinon d’éliminer, le « pouvoir de dépenser » du gouvernement fédéral, qui lui permet de s’ingérer dans des domaines qui relèvent exclusivement de la compétence des provinces.


 

Daniel Johnson père avait très bien expliqué il y a plus de cinquante ans les conséquences de ces intrusions pour le Québec : « Les programmes conjoints constituent un obstacle à la libre croissance de la collectivité québécoise. Ils lui imposent des priorités d’action susceptibles de bousculer celles qu’elle établirait autrement, sans compter qu’ils réduisent son autonomie budgétaire réelle. »


 

« Il y a donc, de façon générale, incompatibilité entre le régime des programmes conjoints et la poursuite, par la nation canadienne-française, de ses objectifs essentiels », avait déclaré l’ancien premier ministre lors d’une conférence fédérale provinciale tenue en 1966.


 

 


Le débat sur le TCS illustre parfaitement les propos de M. Johnson. Les conditions qu’Ottawa a imposées aux provinces sont bel et bien susceptibles de bousculer leurs propres priorités d’action, et la diminution du pourcentage des coûts de santé assumé par Ottawa a pour effet de diminuer leur autonomie budgétaire, dans la mesure où une part croissante de leurs revenus est accaparée par la santé.


 

La Loi canadienne sur la santé est une contradiction en soi dans une fédération dont la Constitution reconnaît aux provinces une compétence exclusive sur la santé. Plutôt que de forcer les provinces à se conformer à ses dispositions, sous peine de sanctions financières, le gouvernement fédéral devrait leur transférer les points d’impôt correspondant aux sommes qu’il investit en santé.


 
> Lire la suite de l'article sur Le Devoir



Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé

-->