Démocratie québécoise

Le cas Michaud

Un déni de justice qu’on ne peut laisser se perpétuer

Chronique de Richard Le Hir

Je ne sais pas qui conseille Pauline Marois dans cette affaire, mais, manifestement, elle est bien mal entourée. Pourtant, en s’en tenant à quelques règles et principes de base, elle aurait pu se tirer d’un fort mauvais pas, sans même avoir l’air de porter un jugement sur les propos qui valurent à Yves Michaud de se voir condamner par l’Assemblée Nationale. Car le nœud de l’affaire est là : ce n’est pas ce qu’a dit Michaud qui est le plus gros et le plus grave problème, c’est la façon dont l’Assemblée Nationale a choisi de traiter ses propos.

Comme tout corps publique qui doit prendre une décision susceptible d’avoir une incidence sur les droits d’une personne, l’Assemblée Nationale est tenue de respecter certaines règles élémentaires de justice naturelle, entre autres, le droit pour cette personne d’être entendue, d’être représentée et de pouvoir présenter une défense pleine et entière, etc.

En l’occurrence, Yves Michaud, une personnalité publique de renom qui a connu une carrière distinguée au service de l’État québécois et qui jouissait aux moments des faits qu’on lui reproche de l’estime et de l’admiration d’une partie importante de la population, s’est vu traité comme un malpropre par l’Assemblée Nationale et a vu son nom souillé dans la boue sans qu’on lui donne la moindre chance de venir s’expliquer sur ceux-ci.

Peu importe ce qu’a pu dire Yves Michaud et ce qu’on peut en penser, le comportement de l’Assemblée Nationale en cette occasion fut totalement ignoble, et ironie maudite, il rappelle justement les procédés du fascisme contre les juifs.

Dans cette affaire, la responsabilité de Lucien Bouchard est particulièrement lourde. En sa qualité de juriste et d’avocat, il ne pouvait pas ne pas savoir que le geste que poserait l’Assemblée Nationale en condamnant Yves Michaud se trouverait à transgresser tous les fondements de la justice. Et, en ce qui le concerne, en laissant faire et en couvrant une violation aussi caractérisée des droits d’Yves Michaud, non seulement se trouvait-il à trahir son serment d’office en tant qu’avocat et auxiliaire de justice, mais il aggravait singulièrement son cas du fait de ses responsabilités envers Michaud comme envers tout autre citoyen québécois en tant que premier ministre.

Comme la condamnation d’Yves Michaud fut adoptée à l’unanimité après le vote de chacun des députés à l’appel de leur nom, non seulement tous les députés présents se sont-ils rendus coupables d’une infamie, non seulement le premier ministre de l’époque, Lucien Bouchard, porte-t-il dans cette affaire une responsabilité aggravée, mais ce vote se trouve-t-il à avoir jeté l’opprobre sur l’Assemblée Nationale et soulevé de très sérieux doutes sur sa capacité à assurer la protection des droits des Québécois et sa crédibilité dans ce rôle.

Et en tardant à corriger la situation, l’Assemblée Nationale ne fait qu’aggraver son cas. À cet égard, le premier ministre Jean Charest, garant de l’intégrité des institutions québécoises pendant toute la durée de son mandat, porte également une part de responsabilité, et ce, quels qu’aient pu être les propos d’Yves Michaud.

La solution pour Pauline Marois est donc de présenter une nouvelle motion pour que l’Assemblée Nationale revienne sur la condamnation d’Yves Michaud et s’excuse auprès de lui pour ne pas avoir respecté les règles élémentaires de justice naturelle à son endroit.

Yves Michaud n’est ni un monstre, ni un anti-sémite, et la diabolisation d’Yves Michaud par l’Assemblée Nationale pour des propos qui AU PIRE ne constituaient qu’une maladresse constitue une très vilaine tache sur la démocratie québécoise que nous devrions nettoyer au plus vite. On ne condamne pas quelqu’un pour une maladresse, tout au plus l’invite-t-on à tourner plusieurs fois sa langue dans sa bouche avant de parler. S‘il fallait condamner tous ceux qui ne prennent pas toutes les précautions oratoires nécessaires dans le feu d’un échange, l’Assemblée Nationale s’userait vite à la peine et ne pourrait servir à rien d’autre...

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- Merci M. Bouchard - Un dernier service avant de partir SVP

Denis Gaumond, 16.1.01 - «Il n’y a pas faute à voter ainsi. Il semble cependant qu’il y ait crime d’en parler.»

- "La déclaration de démission de M. Bouchard laisse même entendre, à la face du monde, qu'il quitte parce qu'existe au sein du mouvement indépendantiste un courant extrémiste, intolérant, peut-être antisémite. Cela est si exorbitant, si dévastateur, si inapproprié qu'il faudrait reprendre au sujet de M. Bouchard l'expression de « propos inadmissibles »."

- Laurent Laplante

- B'nai Brith va-t-elle trop loin?
_ Voir 1-7.3.01 - «Certains juifs critiquent ses méthodes - B’nai Brith vient de publier son fameux rapport sur les incidents antisémites au Canada. Surprise : l’Affaire Michaud n’y figure pas. C’est pourtant l’organisme qui est à l’origine de cette crise. ROBERT LIBMAN, directeur du chapitre québécois, trouve-t-il qu’on est allé trop loin?»


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12 commentaires

  • Fernand Lachaine Répondre

    6 décembre 2010

    Il est surprenant qu'aucun intervenant mentionne le nom de l'ANUS MISERABILIS (qui passe selon Le Devoir une très mauvaise annus miserabilis) dans l'affaire Michaud.
    Pourtant il était l'instigateur de cette affaire à l'Assemblée Nationale.
    Dernièrement il a répété à plusieurs reprises que l'Assemblée Nationale n'est pas un tribunal populaire et pourtant, c'est lui en 2000 qui s'est fait l'avocat de la Couronne pour condamner Yves Michaud.
    Une tache noire indélébile laissée par Charest.
    Fernand Lachaine

  • Archives de Vigile Répondre

    6 décembre 2010

    Dans l'affaire Michaud, je serai le mouton noir. Je ne suis pas d'accord avec ce que le monde actuel dit au sujet de l'affaire Michaud. On me dira n'importe quelle bêtise, mais je maintiens ma position. Le Robin des Banques aurait semé plus de désordres qu'il en aurait réglés. Comment se fait-il que le pq n'a pas jugé bon de faire le post-mortem après le référendum ? Il nous a fallu attendre jusqu'en 2002 pour apprendre pas des documents laissé dans une poubelle, ce qui s'était passé le soir du vote.
    Bien que je n'ai pas en amour de Sainteté M. Fournier, je pense que cette affaire doit resté comme elle est.
    Je suis d'accord avec Mde Marois point à la ligne
    Roch gosselin

  • Archives de Vigile Répondre

    5 décembre 2010

    L’affaire Yves Michaud.
    Le livre
    http://www.vigile.net/local/cache-vignettes/L433xH593/25-michaud-2-df1bb.jpg
    Et en complément de lecture
    Les juifs n’ont pas le monopole de la souffrance.

    http://www.ameriquebec.net/actualites/2010/01/14-les-refugies-palestiens.qc

  • Archives de Vigile Répondre

    4 décembre 2010

    Si, il y a une chose qu'on ne doit pas critiquer au Québec se sont les ethnies, que l'on aie raison ou tord cela ne fait aucune différence. C'est un sujet tabou, comme la question national d'ailleur. Rappelez-vous Pierre Bourgault, conseiller spécial de Jacques Parizeau, c'était fait tassé en 1995 par nul autre que :Jacques Parizeau, pour un article de Bourgault dans le journal sur les votes ethniques. Et Parizeau lui-même à dit au soir du référendum de 1995:"l'argent et les votes ethniques", même si ils avaient raison tout les deux. C'est un sujet tabou et personne ne doit en parlé. Les autres ethnies peuvent le dire de nous, les anglais peuvent le dire aussi, mais grand Dieu pas nous!!!
    Je soulevait une réalité au Québec un peu caricaturale. On se chicane entre nous à propos de dictats qui sont imposés par d'autres.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 décembre 2010

    Monsieur Le Hir
    Votre texte me ramène à l'époque de cette bavure de l'Assemblée nationale à l'endroit de monsieur Michaud, bavure que je n'ai jamais digérée. Je me rappelle, qu'à cette époque, qu'il devait y avoir une élection partielle dans le comté de Mercier et que monsieur Michaud voulait s'y présenter comme candidat pour le PQ. Je suis persuadé que Lucien Bouchard a tout fait pour lui barrer la route étant donné que monsieur Michaud a toujours été un grand nationaliste et un fervent défenseur de la langue française. J'ai gardé des découpures de journaux dans lesquelles, à un congrès du PQ, au début des années 2000, monsieur Michaud ne comprenait pas pour quelle raison que les cégeps québécois offraient le choix de la langue aux étudiants nouvellement immigrés au Québec.
    Selon lui et je suis d'accord avec lui, c'était pousser ces étudiants du côté anglophone. Monsieur Michaud était trop dérangeant pour Lucien Bouchard et les instances du PQ; ils ont choisi ce moyen ignoble pour le tasser et pour l'empêcher de se présenter dans le comté de Mercier, j'en suis persuadé. Depuis cette bavure, j'ai débarqué du PQ qui, pour moi, est un ramassis de politiciens fédéralistes qui croient encore aux Rocheuses de Jean Chrétien. Ce parti ressemble à l'ancienne Union Nationale avec la souveraineté utilisée comme attrape-nigaud au lieu de l'ancienne autonomie de l'Union Nationale.
    André Gignac indépendantiste au "boutte"!

  • Gilles Verrier Répondre

    4 décembre 2010

    Après s'être excusée d'avoir blâmé Yves Michaud pour l' exercice de son droit fondamental à la parole, Pauline Marois aurait pu enchaîner en demandant qu'une commission parlementaire soit créé pour faire la lumière sur les circonstances qui ont amené l'Assemblée nationale à se laisser manipuler. Il n'y a pas de doute que l'AN a cédé mommentanément sa liberté délibérative habituelle à des forces extérieures puissantes, des forces qui ne semblent pas aimer la liberté. Pour longer encore les murs dix ans plus tard, Pauline Marois montre qu'elle est toujours à demi-terrorisée à l'idée de toucher à cette affaire. La persistance et l'intransigeance dans l'injustice commise à l'endroit d'Yves Michaud finit par marquer les esprits. Pauline Marois doit bien se douter qu'elle risque de subir un sort comparable si jamais elle s'avisait de prononcer elle aussi des phrases «maladroites». Plutôt que de monter au créneau pour défendre la liberté, elle a choisi l'auto-censure.
    Ce blâme contre Yves Michaud dépasse le cas d'un individu. Le Parlement a introduit en décembre 2000 un risque nouveau pour le citoyen qui désire exprimer librement ses opinions. C'est grave.
    GV

  • Claude G. Thompson Répondre

    4 décembre 2010

    Monsieur Le Hir.
    Vous touchez ici à l'essentiel. Voilà pourquoi je suis déçu de l'attitude de madame Marois. Il n'est pas question pour moi de remettre en doute la légitimité de sa position à la tête du PQ.
    Ce qui me dérange c'est qu'elle ne prenne pas fait et cause pour un règlement dans la dignité de "l'affaire Michaud", dans le cadre spécifique autour duquel vous en décrivez l'avènement. Au lieu de cela, elle se contente de faire un constat plutôt impersonnel de l'inéquitable traitement dont a été victime monsieur Michaud, comme si elle n'avait rien eu à y voir.
    Comme vous l'écrivez très justement:
    “Comme la condamnation d’Yves Michaud fut adoptée à l’unanimité après le vote de chacun des députés à l’appel de leur nom, non seulement tous les députés présents se sont-ils rendus coupables d’une infamie, non seulement le premier ministre de l’époque, Lucien Bouchard, porte-t-il dans cette affaire une responsabilité aggravée, mais ce vote se trouve-t-il à avoir jeté l’opprobre sur l’Assemblée Nationale et soulevé de très sérieux doutes sur sa capacité à assurer la protection des droits des Québécois et sa crédibilité dans ce rôle.”
    Ainsi, nous attendons-nous à des excuses bien senties, comme l'on fait certains d'entre eux, et à la présentation d'une motion en ce sens.
    Celle de monsieur Kadhir pouvait, le cas échéant, être amendée. Rien n'empêchait donc l'opposition officielle de proposer un ou des amendements afin de la rendre plus conforme à leur vision des choses.
    L'attitude mesquine et hypocrite du ministre Fournier n'a rien pour nous surprendre et est tout à fait caractéristique de la façon de faire libérale. Se précipiter sur l'idée d'un "piège à con" n'excuse rien et ne fait que déplacer la question de son véritable sens.
    Les dix dernières années, nous sont une démonstration probante des problèmes inutiles dans lesquels on finit par s'enliser en refusant de faire face à nos turpitudes.
    Claude G. Thompson

  • Gaston Deschênes Répondre

    4 décembre 2010

    Excellente argumentation: quels que soient les propos, l'Assemblée a erré. C'est ce que le juge Beaudouin a dit, et personne ne l'a accusé de nationalismne ethnique!
    Gaston Deschênes

  • Archives de Vigile Répondre

    4 décembre 2010

    Le B'nai B'rith un "organisme de charité " !!
    Non mais, il n'y a pas de limite à se foutre de la geule des Québécois !!
    Le B'nai B'rith et le lobby sioniste, principaux agents de l'instauration du multiculturalisme au Canada, depuis 1914 :
    B’nai B’rith, régionalismes et protection des groupes ethniques dans le nouvel ordre mondial
    http://www.egalitereconciliation.com/B-nai-B-rith-regionalismes-et-protection-des-groupes-ethniques-dans-le-nouvel-ordre-mondial-4470.html
    Canadian Jews and Multiculturalism
    http://www.jcpa.org/JCPA/Templates/ShowPage.asp?DRIT=5&DBID=1&LNGID=1&TMID=111&FID=623&PID=0&IID=1926&TTL=Canadian_Jews_and_Multiculturalism:_Myths_and_Realities

  • José Fontaine Répondre

    4 décembre 2010

    J'ai eu l'occasion de parler longuement à Yves Michaud et je suis convaincu qu'il ne s'agit pas d'un antisémite. Cela ne m'étonne pas que les organisations juives ne signalent pas cet incident qui aurait été antisémite et ne l'a jamais été. Il en va de même des déclarations de Parizeau au soir du référendum manqué. Cela me frappe d'autant plus qu'après cette imputation injurieuse visant Parizeau, un unitariste belge de renom et professeur d'université a pu écrire que tout nationalisme est proche de l'antisémitisme, ce qui est d'une absurdité profonde. On ne définit pas le nationalisme que l'on vise quand on fait fond sur de telles généralités qui entraîne la pensée dans le n'importe quoi.

  • Archives de Vigile Répondre

    4 décembre 2010

    Ça c'est une véritable lettre d'excuse :
    http://www.vigile.net/Lettre-d-excuse-de-Claude?var_mode=calcul
    La SEULE jusqu'à maintenant.
    En attendant les autres qui ne viendront pas, je vous propose de vous détendre en regardant ces deux vidéos qui dressent le portrait de ces crapules qui se sont attaqué à Michaud et auxquels Marois est associée en affaire et à l'évidence en esprit :
    L'Europe n'a pas appris à être multiculturelle
    http://www.youtube.com/watch?v=4UDDAZVWu8Y
    Defamation
    http://www.mecanopolis.org/?s=defamation

  • Archives de Vigile Répondre

    4 décembre 2010

    Nous n'entendrons pas M. Bouchard s'excuser d'avoir été injuste envers M. Michaud en profitant de la leur qu'il provoquait chez SES députés pour les mener par le bout du nez comme des esclaves dociles, prêts à tout, incluant voter n'importe quoi, comme s'ils étaient des adjoints de Staline.
    Si M. Bouchard s'ouvre la trappe, ce sera pour dire qu'il a bien fait de provoquer diriger ce blâme en décembre 2000, comme l'infâme Fournier, vilain sépulcre blanchi, du PLQ, vient de se féliciter de son geste du temps.