Le Canada, «l'autre» nation

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?

Dans son [éditorial du 1er mars->18326], André Pratte blâme certains souverainistes d'utiliser l'expression «l'autre nation» pour désigner le Canada. Cette «habile tactique» laisserait entendre que «les Québécois seraient sous la coupe d'une nation étrangère dont les intérêts sont systématiquement différents des nôtres».
Mais si le premier ministre Harper lui-même a reconnu que les Québécois formaient une nation, le Canada doit bien être l'autre, ou alors je n'y comprends plus rien! Peut-il y avoir deux nations en une seule et le Canada serait-il une sorte d'équivalent politique du mystère de la Sainte Trinité?

L'éditorialiste en chef de La Presse émettait ces critiques dans le cadre du retentissant débat sur les plaines d'Abraham. Depuis que la Commission des champs de batailles nationaux a décidé sagement d'annuler la reconstitution de la bataille de 1759, la discussion s'est reportée sur la propriété de cet immense parc urbain qui appartient à Ottawa.
Un courant d'opinions s'est formé qui réclame le transfert de cette propriété au Québec ou à sa capitale. M. Pratte s'y oppose avec force, parlant de «nettoyage politique», une expression qui rappelle désagréablement un certain nettoyage ethnique qui a sévi en Europe dans un passé récent. D'ailleurs, «(...) qui a eu à se plaindre, demande l'éditorialiste, de la gestion du parc des plaines d'Abraham par le fédéral au cours des années?».
C'est vrai: depuis un siècle, les pelouses semblent avoir toujours été bien tondues, les allées bien sablées et les haies taillées avec soin.
Serait-il trop audacieux d'affirmer que le gouvernement du Québec serait capable d'en faire tout autant?
Cependant chacun sait que le fond de la question n'est pas là. Il se trouve dans la charge symbolique des plaines d'Abraham, qui est énorme. Un lieu qui a été si intimement lié à notre histoire, où notre destin collectif a tourné d'une façon si dramatique et douloureuse, devrait-il continuer d'appartenir à un ordre de gouvernement qui se trouve le successeur direct de l'ancienne puissance conquérante?
Cette situation constitue, à mon avis, une sorte d'affront, et les années ne lui ont rien enlevé de sa virulence.
Mais laissons de côté, si vous le voulez, tout l'aspect historique de l'affaire. Comment réagirait l'opinion publique canadienne, selon vous, si Québec, par exemple, acquérait d'importants terrains jouxtant le parlement fédéral? Poser la question, c'est y répondre.
Yves Beauchemin
L'auteur est écrivain.
Photo: Bernard Brault, La Presse


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