Le calme dans la tempête

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« Nous n’avons pas à assumer l’examen de conscience du Canada ni à payer pour ses crimes. »


Ce matin, j’ai lu le magnifique billet de mon collègue Michel Hébert intitulé Le syndrome du colon silencieux, qui met, non seulement très bien, mais aussi très joliment en perspective la fraude historique que les «élus-vedettes et les vedettes-élues» tentent de nous rentrer dans le cerveau.  


Je me permets de faire rebondir une petite réflexion sur son texte, car si bien nommer le problème est une chose, il faut faire gaffe de ne pas y voir une fatalité devant laquelle on ne peut être qu’impuissants.      


De fait, ce n’est pas l’intellectuelle qui s’adresse à vous aujourd’hui, mais la femme, la fille, la soeur, la cousine, l’amie, la citoyenne et surtout la compatriote. Celle qui, comme vous, se sent profondément abusée dans son identité et dans son histoire, jour après jour, sous cette pluie d’accusations (de plus en plus loufoques) qui entend nous accabler de tous les torts, à commencer par ceux des autres. J’ai envie de prendre un instant pour vous parler directement, chers Québécois. Vous parler comme si nous étions simplement assis devant un bon thé.      


Rendons-nous d’abord à l’évidence : ceux qui se déchaînent sur le Québec n’ont même pas conscience de projeter sur nous leur mal-être des trois cents dernières années. De nous utiliser comme bouc émissaire afin de nettoyer les très vilaines taches que l’on ne saurait voir chez le plus beau, le plus merveilleux et le plus postcolonial des pays du monde.      


Sauf qu’il demeure un fait indéniable : nous n’avons pas à assumer l’examen de conscience du Canada ni à payer pour ses crimes. Le travail de reconstruction qui nous attend est déjà suffisamment vaste. Nous ne méritons pas cette facture immonde. Il ne s’agit pas de fantasmer le Québec à travers la lunette de l’angélisme, mais avec un regard réaliste, vraisemblable et historiquement juste et honnête.     


Faire de la place dans le grand récit pour les réalités jusqu'ici méconnues de ceux et celles qui ont constitué et qui constituent le Québec d'hier et d'aujourd'hui, j’ai rien contre, même que c’est anthropologiquement génial, mais pas si c’est pour nous faire passer pour des monstres. Pas si c’est pour nous faire passer pour des assassins et des pilleurs d’enfants autochtones.     


Mais comment se reconstruire? Comment réapprendre? Ils ont piégé nos écoles, ils dominent l’espace médiatique et ont les belles faveurs de bien des partis. Que nous reste-t-il, à part s’abandonner à l’hypnose?     


Le calme, chers amis. Il nous reste le calme. Pas l’aplaventrisme, pas baisser la tête et encore moins fermer les yeux, mais le calme. Le calme digne, le calme fort. 


Celui qui permet de réfléchir, de poser les bons gestes et de surtout pas se laisser disparaître dans la tourmente.    


Car lorsqu’on se calme, même si on n’a pas de grandes connaissances, même si on n’est pas au moindre fait du moindre événement historique ou politique, on sent inévitablement monter en nous la certitude que nous ne sommes pas ce qu’ils s’acharnent à dire de nous. Notre mémoire est là, bien vivante. Elle nous court dans les veines, même si nous avons oublié les dates et les noms, même si elle est savamment tenue en otage depuis des dizaines d’années, elle est là, prête à se rallumer.     


Car toute notre histoire, toute notre identité et ce que nous sommes au plus profond de nous-mêmes se sont inscrits en douce au coeur de chaque génération, malgré tout ce qu’ils ont pu tenter, par le biais de toutes les éducations que nous avons reçues en dehors de celle dite «officielle» qui a corrompu nos archives et qui nous désinforme aujourd’hui.      


Nous ne sommes pas obligés de continuer de prêter l’oreille à ces crieurs de mensonges et à ces caricaturistes incultes. Ce ne sont que des épouvantails à la solde de ceux qui nous tiennent en joug. Nous devons apprendre à nous faire confiance. Regardons nos instincts les plus basiques. Portons-nous en nous de vieux réflexes esclavagistes, conquérants ou exterminateurs? Outre ceux qui prennent leur pied à s’en imaginer, parce que ça les définit à défaut de quelque chose de plus honorable, vous vous rendrez compte que non, nous n’avons pas ça en nous. Par contre, au Canada anglais...     


Bien des augures semblent annoncer que le prochain Siècle des Lumières sera ici. Il ne nous reste plus qu’à les allumer. Mais pour pouvoir craquer la grande allumette, nous devons d'abord nous calmer, prendre une grande respiration et dire ça suffit.     


Et ça, très chers Québécois, de souche et de coeur, c’est le premier, le plus grand et le plus beau geste que nous pouvons poser pour le Québec et surtout pour nous-mêmes.