Petite réflexion sur l'art de l'immodestie

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Sortir du syndrome du « né pour un petit pain »


Un jour, il y a de ça plusieurs années maintenant, un homme a eu la bonne idée de m'enseigner l’art de l’immodestie. Avant de développer plus avant sur ce que c’est, partons d’abord, vous et moi, d’une même définition. Le dictionnaire nous apprend seulement que l’immodestie réfère à un manque de pudeur et de réserve. Culturellement, c’est le synonyme d'une odieuse indécence qui fait affront à une autorité supérieure quelconque, terrestre ou divine. En bref, qu'il s’agit toujours d’une faute qui s’accompagne d’un jugement et d’une punition. Pourtant, plus je m’y penche, plus il m’apparaît évident que c’est un concept beaucoup plus nuancé, qui ne saurait se réduire qu'à un seul péché. Bien au contraire, je crois que dans une mesure certaine, l’immodestie est quelque chose qui nous est essentiel.  



À mesure que je découvrais ses surprenantes ramifications à travers les aléas de ma vie, j’ai réalisé que l’immodestie, à la base, ce n’était que la conscience inébranlable de qui nous sommes. C’est elle qui ne nous fait plus jamais attendre de sauveur en qui placer toute notre confiance, alors nécessairement laissée à la merci de l’abandon et de cette déception terrible qui conduit inéluctablement à l’apostasie de notre foi en nous et en l’avenir. 



Cela dit, ce serait mentir que de prétendre que l’immodestie est un concept incorruptible, car sans intelligence, elle devient bêtise. Sans humilité, elle devient arrogance et sans respect et bienveillance, elle devient tyrannie. L’histoire sature d’exemples d’immodestie portée à leur paroxysme meurtrier. 



L’apprentissage de l’art de l’immodestie, c’est-à-dire de précisément la cultiver avec intelligence, respect et humilité (car rappelons que de s’assumer ne veut pas dire se croire tout-puissant et tout permis), nous ouvre les portes d’un monde nouveau et inespéré : celui où on cesse de douter perpétuellement de sa valeur. En le découvrant, l’immodestie m’est alors apparue comme la main jardinière qui s’occupe à planter le grain fertile d’une identité forte, saine et fière, d’où germe ensuite l’inaliénable droit d’être, qui ne hurle jamais pour se faire entendre ou respecter. 



Dans ce contexte, à mes yeux, le véritable synonyme d’immodestie est dignité, car c’est ce bel orgueil qui confère sa droiture à notre échine et qui nous fait parler quand c'est le temps de le faire. C’est lui qui nous rappelle à notre héritage, à nos espérances et à nos valeurs, et qui, lorsque flanqué de raison et de bienveillance, nous confère l’art de conjuguer avec l’immodestie des autres, puisqu'il serait spectaculairement idiot, avouez, que de penser qu'elle leur serait moins essentielle qu’à nous tous. Pour tout dire, cette précieuse symbiose, je la crois être le gage du succès de cette diversité qui nous importe tant.  



Terminons sur une question toute bête : à quoi ressemblerait le Monde, selon vous, si ses grands acteurs n’avaient pas fait montre d’immodestie? Les monuments, les exploits et les avancées, qui parent les nations comme autant de bijoux, n’en sont-ils pas le symbole et le témoin? Maintenant, je me demande à quoi ressemblera le Québec à mesure qu’il embrassera son immodestie légitime?  



Je ne saurais vous dire, chers amis, à quel point il me tarde de le découvrir. 






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