Le cabinet de Normandeau visé par l'UPAC

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Ce n'est que le début

Sous le gouvernement Charest, le cabinet de la ministre Nathalie Normandeau était au coeur d'un complot criminel qui a permis à de grandes entreprises comme Roche et ses partenaires de s'acheter les faveurs du gouvernement en inondant le Parti libéral de contributions illégales, croit l'Unité permanente anticorruption (UPAC).
C'est ce qui ressort des déclarations assermentées d'enquêteurs de l'Escouade Marteau, le bras armé de l'UPAC, rédigées pour obtenir des mandats de perquisition à la permanence du PLQ en juillet 2013. Elles étaient jusqu'ici frappées d'un interdit de publication, mais un juge vient d'autoriser leur dévoilement à la suite de démarches initiées par plusieurs médias, dont La Presse. Elles ne contiennent que des allégations, qui n'ont pas été testées en cour. Personne n'est accusé dans ce dossier pour l'instant.
>> À lire: le PQ exige des explications
Les documents révèlent que beaucoup de gens sont passés à table. Un grand nombre d'entrepreneurs, ingénieurs, politiciens, fonctionnaires et membres du personnel politique libéral ont fait des déclarations aux policiers, parfois brèves, parfois très longues. Ensemble, ils ont révélé les dessous du stratagème allégué. Celui-ci aurait été mis en place alors que Nathalie Normandeau était ministre des Affaires municipales.
Deux enquêtes
Dans le cade d'une enquête baptisée Lierre, les enquêteurs se concentrent surtout sur l'octroi d'une subvention de 11 M$ par le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l'Occupation du territoire (MAMROT) à la municipalité de Boisbriand, afin que Roche et Infrabec y construisent une nouvelle usine de traitement des eaux.
Mais dans le cadre d'une enquête parallèle baptisée Joug, les policiers lèvent aussi le voile sur le fonctionnement du système de financement politique utilisé par Roche et d'autres firmes de génie-conseil. La Presse a déjà révélé le 26 mars dernier que le projet Joug s'intéressera aussi à des dons versés au Parti Québécois.
«Avec intégrité, rigueur et honnêteté»
Par voie de communiqué, Nathalie Normandeau a expliqué qu'après avoir entendu tous les points de vue sur le projet d'usine de traitement des eaux de Boisbriand, à l'époque, elle avait décidé de trancher et qu'elle assume pleinement cette décision.
«Durant toute ma carrière, jamais je n'ai été manipulée par qui que ce soit, peu importe le poste que j'occupais. Je n'aurais jamais accepté qu'une telle situation se produise. J'ai toujours assumé mes fonctions avec intégrité, rigueur et honnêteté», a-t-elle dit.
«J'ai toujours eu tous mes dossiers à coeur dont celui de la relance de Boisbriand. J'étais très sensible à la situation sociale et économique de la municipalité à l'époque alors que Boisbriand se remettait de la fermeture de l'usine GM. J'ai toujours été convaincue que cette aide financière allait redynamiser l'économie de la ville par le projet du Faubourg Boisbriand», a-t-elle ajouté.
Révélations
Les documents obtenus aujourd'hui révèlent notamment que selon la police :
- La ministre Nathalie Normandeau et au moins un autre décideur politique ont enfreint les règles d'octroi de subventions dans le dossier de l'usine de Boisbriand.
- L'octroi de la subvention de 11 M$, que les fonctionnaires avaient jugé inadmissible, est «le résultat d'un financement politique soutenu depuis 2005 et d'un exercice d'influence politique par différents intervenants auprès de la ministre Nathalie Normandeau et du Parti libéral du Québec».
- La subvention du MAMROT était conditionnelle au fait que la Ville de Boisbriand utilise la technologie proposée par la firme Roche, pas celle du concurrent BPR.
- Un fonctionnaire est allé au bureau de Roche et de Boisbriand pour arranger la subvention à la demande du cabinet de Nathalie Normandeau, ce qui est contraire aux pratiques normales.
- Les objectifs de financement imposés aux ministres par le Parti libéral auraient forcé le recours aux dons de la part d'entreprises, ce qui est interdit par la loi.
- Outre le financement politique organisé dans les 125 circonscriptions, la permanence du PLQ avait imaginé un « 127e comté » où elle comptabilisait l'argent collecté au palier national. Des témoins ont déclaré que le « financement sectoriel » auprès de gros donateurs y était comptabilisé.
- Une ancienne adjointe administrative du MAMROT a déclaré à la police que tous les employés autour d'elle devaient verser 200 $ par année au PLQ.
- Des preuves relatives à une lucrative activité de financement de Nathalie Normandeau sont mystérieusement disparues de restaurant Louis-Hébert de Québec.
- L'entrepreneur Lino Zambito a payé des billets de cocktails de financement libéraux pour les maires et mairesses de Boisbriand (Sylvie St-Jean), St-Joseph-du-Lac (Alain Guindon), Rosemère (Hélène Daneault) et Catherine Collin (Sainte-Anne-des-Plaines).
- Nathalie Normandeau et un représentant de son cabinet ont profité de ces activités de financement pour remettre aux maires et mairesses des enveloppes confirmant l'octroi de subventions dans leurs municipalités respectives.
- L'ancien chef de cabinet de Nathalie Normandeau a déclaré que la ministre savait que les entreprises s'occupaient de son financement politique.
- Un employé du développement des affaires chez Roche a expliqué que sa firme versait des dons au PLQ à travers Violette Trepanier et au PQ à travers Ginette Boivin. Toutes deux étaient responsables du financement dans leur parti respectif.
- Les dons politiques faisaient partie du modèle d'affaire de Roche et ses dirigeants s'arrangeaient pour détruire les preuves incriminantes à ce sujet, car ils savaient la manoeuvre illégale.
Certaines de ces informations avaient déjà été mises à jour par l'émission Enquête de Radio-Canada, mais la police a amassé beaucoup de preuve additionnelle dans son enquête.
Le PLQ et Roche réagissent
La porte-parole du PLQ, Gabrielle Collu, a assuré à La Presse que le parti a toujours reçu des dons d'individus uniquement. Elle n'a pas voulu commenter le fait que l'enquête de l'UPAC démontre que les entreprises utilisaient massivement des prête-noms pour contourner cette règle.
« Nous souhaitons avoir la vérité sans compromis. Le Parti libéral du Québec, c'est près de 150 ans d'histoire et 55 000 membres à travers la province. Personne n'est au-dessus des lois, et c'est pour ça qu'on collabore à l'enquête. Si un jour des gens sont accusés, ils devront répondre de leurs actes », dit-elle.
La firme Roche a aussi assuré qu'elle collabore à l'enquête et que plusieurs personnes ont quitté l'entreprise depuis l'époque des faits allégués. « Si des accusations ont à être déposées, qu'elles le soient », a affirmé la porte-parole Marie-Christine Saint-Pierre.


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