Le bébé avec l’eau du bain

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Une plaque à l'honneur de Maisonneuve retirée : la rectitude politique empoisonne le Québec

Cette semaine, la BMO Banque de Montréal est passée à l’acte et a retiré 2 plaques commémoratives qui se trouvaient sur son édifice localisé à la Place d’Armes, au cœur du Vieux-Montréal.



La raison de ce retrait ? Les plaques étaient offensantes pour les Premières Nations puisqu’on y racontait que Chomedy de Maisonneuve aurait tué un chef iroquois de ses propres mains lors d’un affrontement.



Occasion manquée



Le texte de la plaque offensante avait en effet de quoi bouleverser. Sur celle-ci, on pouvait lire : 



À proximité de cette place à laquelle l’on donna par la suite le nom de place d’Armes, les fondateurs de Ville-Marie affrontèrent les Iroquois qui furent vaincus. Au cours de la bataille, en mars 1644, Paul Chomedey, sieur de Maisonneuve tua le chef indien de ses propres mains.



Ce n’est pas d’hier que cette plaque faisait jaser. Michael Rice était étudiant quand il s’est plaint pour la première fois du texte présenté. Lors des célébrations du 375e anniversaire de Montréal, les pressions se sont accentuées.



Aujourd’hui, Michael Rice regrette que la plaque ait été retirée. Dans une entrevue accordée à l’émission As it Happens sur les ondes de CBC (la transcription est ici), Rice explique qu’au lieu de retirer la plaque, on aurait du en ajouter une autre pour expliquer dans quel contexte la bataille entre Iroquois et fondateurs de Montréal a eu lieu. 



La nouvelle plaque aurait aussi pu rectifier l’erreur de la première plaque qui laisse entendre que c’est à mains nues que Chomedey de Maisonneuve aurait tué l’Iroquois. Pourtant une sculpture située tout près montre de Maisonneuve en action, fusil en main, ce qui est beaucoup plus réaliste.



Pour Michael Rice, l’occasion de mettre l’histoire en contexte, de l’expliquer et de l’enseigner a été complètement ratée.



Effacer au lieu de s’efforcer



Malheureusement, la solution choisie par la BMO n’est pas unique en son genre. Plusieurs autres monuments ont été retirés par souci de respect alors qu’un effort de contextualisation aurait été bien préférable.



Quand on choisit de faire disparaître un événement douloureux, on choisit aussi de renier une part de l’histoire.



Plutôt que de cacher un passé douloureux, ne serait-il pas mieux de s’en servir pour enseigner correctement une histoire souvent détournée au profit des vainqueurs ? Ce que demandait Michael Rice à l’origine aurait permis d’expliquer les événements en donnant une voix égale aux Premières Nations et à leurs conquérants.



Pas besoin de chercher très loin pour trouver d’autres occasions manquées de discuter sainement et sereinement d’un passé douloureux. Demandez à Robert Lepage si ça lui sonne une cloche.



Une réflexion collective s’impose. Non seulement sur la manière de contextualiser un passé brutal, mais également sur la pertinence de réécrire l’histoire à postériori. 



Chaque fois qu’on amende le passé ou que l’efface, on perd une occasion de tirer des leçons, de discuter des perspectives et de présenter un contexte historique aux générations futures.



Par surcroit, il est aussi essentiel de se demander jusqu’où on doit reculer pour demander réparation pour des actes terribles subis par des individus et des communautés entières. Y a-t-il prescription pour les blessures subies il y a 100 ans ? 300 ans ? 1 000 ans ? 



Combien de temps les uns devront-ils porter l’odieux des gestes de leurs ancêtres ? Pendant combien de temps des générations sont-elles justifiées de s’approprier les blessures de leurs ancêtres ?