Langue: Marois prend sa revanche sur l'aile pure et dure

PQ - XVIe congrès avril 2011



Pas moins de 93,08% des délégués péquistes ont exprimé à Marois leur confiance samedi au congrès du Parti québécois, à Montréal. La chef du Parti québécois a réaffirmé son leadership dimanche après-midi lorsque les délégués ont infirmé la décision prise plus tôt d'appuyer l'interdiction de l'anglais dans l'affichage commercial.
Photo: Reuters


Tommy Chouinard La Presse - Dans une volte-face spectaculaire, une vaste majorité de délégués péquistes ont infirmé la décision prise cet avant-midi d'appuyer l'interdiction de l'anglais dans l'affichage commercial.
C'était le branle-bas de combat dans les hautes instances du parti après la victoire-surprise de l'aile pure et dure en matinée. Résultat: Une militante qui avait voté en faveur de la proposition sur l'affichage unilingue français est finalement allée au micro pour proposer de reprendre le débat et le vote. Les deux tiers des délégués ont accepté.
Au lendemain d'un appui à son leadership sans précédent, la chef Pauline Marois s'est présentée au micro pour convaincre les délégués qui lui avaient jeté une douche froide en matinée de reconsidérer leur position.
«Je ne souhaite pas qu'on s'engage dans un autre débat juridique. On a été débouté jusqu'à l'ONU sur cette question», a-t-elle affirmé.
«Je comprends l'inquiétude sur le recul de la langue française», a-t-elle ajouté. Mais le congrès a déjà adopté des «mesures structurantes majeures», comme appliquer la loi 101 au cégep. «Je vous demande de rejeter cette proposition» sur l'affichage unilingue français.
Pierre Dubuc, rédacteur en chef de L'Aut'journal et membre du SPQ Libre -qui n'est plus un club politique au sein du PQ-, est revenu défendre sa proposition. Un membre du Réseau de résistance du Québec est venu lui prêter main-forte. Mais la zizanie soulevée par le vote de la matinée avait déjà fait grand bruit dans les médias. Et, au moment du vote, une forte majorité de délégués ont rejeté la proposition controversée.
Suprise générale en matinée
C'est en effet à la surprise générale que l'aile plus radicale du Parti québécois avait remporté toute une victoire au congrès, plus tôt dans la matinée. Par une courte majorité, les 1700 délégués avaient appuyé l'idée d'interdire l'anglais dans l'affichage commercial.
Les députés Pierre Curzi et Louise Beaudoin s'étaient empressés de convoquer les journalistes après le vote pour «atténuer l'effet provocateur que pourrait avoir» l'adoption de cette proposition. La mesure, qui «pourrait être perçue comme étant radicale» selon M. Curzi, ne se retrouvera pas dans une plateforme électorale, avait-il alors dit.
«S'ouvrir les veines là-dessus, je pense qu'il n'y a personne qui a vraiment envie qu'on refasse une guerre linguistique sur ça, avait lancé Pierre Curzi. On ne veut pas rouvrir un débat sanglant sur cet aspect-là de la langue. Il y a des efforts considérables à faire sur des aspects plus structurants», comme appliquer la loi 101 au cégep, une mesure qui a reçu un appui massif des délégués.
La proposition était défendue par Pierre Dubuc, de l'Aut'Journal.
En vertu de cette proposition avant qu'elle ne soit renversée en après-midi, cela aurait signifié un retour à l'unilinguisme français advenant l'élection du PQ. Un gouvernement péquiste serait revenu «aux dispositions initiales de la loi 101 en matière d'affichage». On aurait donc éliminé la nette prédominance du français prévue à la loi 86, adoptée en 1993 par le gouvernement Bourassa. Celui-ci ne voulait pas renouveler la clause dérogatoire à laquelle il avait eu recours en 1988, à la suite d'un jugement de la Cour suprême.
En 1993, les militants péquistes avaient voté en faveur du retour à l'affichage unilingue, une mesure qui avait été inscrite au programme du parti. Mais le chef de l'époque, Jacques Parizeau, ne l'avait pas incluse dans sa plateforme électorale. Il avait plutôt opté pour une enquête sur la situation du français.
Avant l'assemblée plénière dimanche matin, le député Sylvain Simard soulignait d'ailleurs qu'il y a une distinction entre le programme adopté au congrès et une future plateforme électorale.
Une proposition qui divisait
Samedi, en atelier, les délégués péquistes avaient appuyé à l'unanimité l'interdiction de l'anglais dans l'affichage. Dans les coulisses, on disait que l'état-major du PQ avait laissé passer la proposition pour ne pas froisser les militants alors que se déroulait le vote de confiance sur le leadership de Pauline Marois. Celle-ci a passé haut la main le test, avec un appui record pour un chef du PQ, 93,08%.
À l'assemblée plénière, Pierre Dubuc, Marc Laviolette et Luc Thériault -ancien député de Masson- avaient plaidé en faveur du retour à l'unilinguisme français dans l'affichage.
Plusieurs députés s'étaient placés au micro contre. «Cette proposition risque de diviser», au moment où le PQ cherche à convaincre les Québécois de réaliser la souveraineté, avait plaidé Maka Kotto. Il faut penser au «pays d'abord», avait-il ajouté. Le député de Drummond, Yves-François Blanchet, avait appuyé la mesure controversée en atelier samedi avant de changer d'avis dimanche en matinée après «réflexion». Mais la position des députés n'a alors pas pesé assez lourd dans la balance.
Par ailleurs, les délégués péquistes ont appuyé massivement l'application de la loi 101 dans les cégeps, les écoles de formation professionnelle et d'éducation des adultes. Un gouvernement péquiste imposerait également une épreuve uniforme de français, un test obligatoire pour obtenir un diplôme, dans les cégeps anglophones.
Dossier de la souveraineté: victoire mitigée
Les tenants d'une démarche plus claire vers la souveraineté ont quant à eux remporté une victoire plutôt mitigée en fin de semaine. Les délégués péquistes ont appuyé dimanche l'idée d'utiliser les fonds publics pour réaliser des études sur la souveraineté et en assurer la diffusion.
Mais samedi, une proposition plus contraignante pour la chef, celle visant à créer une «commission de préparation à la réalisation de la souveraineté», avait été écartée par les délégués lors d'un atelier.
Ces mesures faisaient partie de la proposition de Crémazie, défendue par la députée Lisette Lapointe, l'épouse de Jacques Parizeau.
Dimanche, en assemblée plénière, elle a défendu l'idée qu'un éventuel gouvernement péquiste prenne «les moyens techniques et juridiques nécessaires pour parachever les études, préciser les projets et en assurer la diffusion dans le public».
«Si on veut avoir la légitimité pour utiliser les fonds publics, il faut l'écrire clairement», a-t-elle plaidé. L'ancien chef syndical et militant dans Beauharnois, Marc Laviolette, a défendu le même point de vue.
Les députés qui s'étaient opposés à la proposition en atelier, Sylvain Simard et Stéphane Bédard, ne se sont pas présentés au micro cette fois.
Les péquistes veulent que le don maximum à un parti politique soit abaissé à 100$ par année. À la fin de l'année dernière, le gouvernement Charest a fait adopter un projet de loi faisant passer la contribution maximale de 3000$ à 1000$. Le financement des partis politiques deviendrait essentiellement public sous un gouvernement péquiste.


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