Laïcité: la CSDM a tenté de recenser les enseignants portant des signes religieux

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Il faudrait poursuivre le fichage des fondamentalistes qui enseignent à nos enfants


La Commission scolaire de Montréal (CSDM) a demandé aux directions d’école de lui fournir le nom des enseignants qui portent des signes religieux, malgré son intention de ne pas appliquer la Loi sur la laïcité de l’État avant l’automne 2020. Un geste dénoncé par l’Association montréalaise des directions d’établissements scolaires (AMDES), d’autant plus que la CSDM avait dénoncé le gouvernement lorsque des fonctionnaires avaient tenté d’obtenir la même information l’hiver dernier.


« Ça a choqué », a réagi la présidente de l’AMDES, Hélène Bourdages, qui a reçu de nombreux appels et de nombreux courriels de ses membres. « La séquence était choquante et elle l’est encore. »


Le Devoir a obtenu copie d’un mémo que l’administration de la CSDM a fait parvenir aux directions scolaires le 21 juin, lors de la dernière journée des classes au primaire. Deux jours plus tôt, les commissaires avaient fait connaître leur intention de reporter d’un an et demi l’application de la loi à laquelle ils s’opposent.


« Comme vous avez pu le constater, la nouvelle loi sur la laïcité fait couler beaucoup d’encre depuis les derniers jours, peut-on lire. Ayant l’intention d’avoir un portrait plus juste de la situation, la direction générale souhaite avoir l’information suivante : quel est le nom des enseignants qui portaient des signes religieux visibles dans votre établissement, et ce, avant le 27 mars dernier. » Le mémo demande également aux directeurs d’ajouter les noms des suppléants réguliers à leur liste qu’ils devaient envoyer avant le début des vacances estivales.


« Une commande du central de cette façon, à cette date-là, c’était vraiment malvenu », a souligné Mme Bourdages, en ajoutant que les directions d’école avaient « bien d’autres choses à faire » ce jour-là.


« C’est tout à fait étrange que la commission scolaire qui, dit-on, va remettre en question l’application de la loi soit la première à faire une liste », a ajouté celle qui représente 660 directeurs et directeurs adjoints.


La CSDM semble donc être la seule commission scolaire du Québec à avoir tenté de recenser les membres de son personnel enseignant qui portent des signes religieux. L’AMDES a confirmé que les deux autres commissions scolaires montréalaises, soit celle de la Pointe-de-l’île et Marguerite-Bourgeoys n’avaient pas donné de directives semblables aux directeurs d’école. Même son de cloche à la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement qui représente la plupart des commissions scolaires à l’extérieur de Montréal.


La présidente de la CSDM, Catherine Harel Bourdon, était en vacances jeudi et donc indisponible pour répondre aux questions du Devoir. Le porte-parole de la CSDM, Alain Perron, a tenté de fournir une explication. « Selon notre compréhension de la loi, nous avons demandé un état de situation à nos directions sur le port d’un signe religieux au sens de la loi, a-t-il justifié par écrit. Toutefois, nous attendons une confirmation du ministère sur l’interprétation du droit acquis. »


La loi sur la laïcité de l’État, adoptée sous bâillon le 16 juin dernier, interdit le port de signes religieux aux enseignants et aux directeurs des écoles publiques. Il inclut toutefois une clause de droit acquis pour les employés embauchés avant le dépôt du projet de loi.


Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a demandé à la CSDM d’annuler sa requête. « La CSDM semble avoir grossièrement mal interprété la loi », a fait savoir son attaché de presse, Francis Bouchard. « Nous n’endossons en aucun cas une telle démarche. »


« Une telle demande est d’ailleurs tout à fait inutile, dans la mesure où tout enseignant ayant été embauché avant le dépôt du projet de loi, soit le 27 mars 2019, dispose d’office du droit acquis prévu par la loi, qu’il porte un signe religieux ou pas, a-t-il ajouté. Une commission scolaire n’a donc qu’à se fier à la date d’embauche de l’enseignant, dont elle dispose déjà dans ses dossiers, pour savoir si celui-ci dispose du droit acquis ou pas. »


 

Pas de recensement

 

M. Bouchard a indiqué que le ministre Roberge avait rappelé cet élément à Mme Harel Bourdon lors d’une rencontre le 28 juin. « De notre côté, nous réitérons qu’il n’est pas question de demander un recensement des enseignants et enseignantes qui pourraient porter un signe religieux », a-t-il signalé.


L’attaché de presse du ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, le parrain de la loi, a également souligné que le gouvernement n’avait « jamais fait une demande de cette nature » et que « le droit acquis concerne les employés embauchés avant » son dépôt à l’Assemblée nationale.


L’AMDES invite la CSDM à appliquer la loi par l’entremise de son département des ressources humaines qui, selon elle, devrait aviser les nouveaux enseignants qu’ils ne pourront pas porter de signes religieux. Mme Bourdages dit d’ailleurs avoir décelé une manœuvre politique dans la requête de la Commission scolaire.


Malgré la colère des directions d’écoles, la majorité ont répondu à la demande de la CSDM qui a envoyé trois rappels pour s’assurer d’obtenir les informations rapidement. Quelques directions rebelles n’auraient pas répondu, selon l’AMDES qui doute de la fiabilité de la liste.


L’initiative de la CSDM survient dans un contexte tendu causé par la Loi sur la laïcité, mais également par l’intention du gouvernement de présenter un projet de loi cet automne pour abolir les commissions scolaires.









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