Laïcité: François Legault réplique à son homologue manitobain

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« Est-ce que M. Pallister va commencer à faire de la publicité en Europe pour attirer des gens à Winnipeg ? »


Le premier ministre du Manitoba aurait intérêt à mieux financer les services en français dans sa province plutôt que de se payer des publicités pour recruter au Québec, selon François Legault. Le premier ministre québécois a réagi jeudi à la campagne publicitaire lancée par son homologue en réaction à la Loi sur la laïcité de l’État.


« Je pense que M. Pallister aurait été mieux de mettre cet argent-là pour donner des services en français au Manitoba et il devrait commencer par garder ses propres joueurs de hockey, entre autres, Dustin Byfuglien, qui n’est pas capable de rester avec les Jets. Donc, moi je pense que les premiers ministres connaissent très bien ma position. J’ai eu l’occasion de l’expliquer en long et en large. »





La publicité, publiée notamment dans Le Devoir, invite les fonctionnaires québécois qui se sentent lésés par la Loi sur la laïcité de l’État à déménager au Manitoba. « Nos fonctionnaires sont fiers de promouvoir des lieux de travail diversifiés qui reposent sur l’adhésion à de solides normes éthiques et sur le respect de l’autre, peut-on lire. Qui plus est, les fonctionnaires du Manitoba sont accueillis à bras ouverts et mis à l’honneur, quelle que soit leur religion ou leur culture. Au Manitoba la diversité est respectée et valorisée. » La publicité décline ensuite 21 raisons de déménager dans cette province de l’Ouest, comme sa communauté francophone, le prix abordable de ses maisons, la présence d’équipes de la Ligue canadienne de football et de la Ligue nationale de hockey, ses activités culturelles et ses étés très chauds.


« Nous respectons les libertés et les droits de la personne, et nous n’avons pas une police de l’habillement », a affirmé le premier ministre manitobain à La Presse canadienne mercredi.


Brian Pallister, un progressiste-conservateur, n’a jamais caché son dégoût face à l’interdiction du port de signes religieux en vigueur au Québec pour certains employés de l’État comme les juges, les procureurs et les enseignants.


« On sait que la loi au Québec est plus modérée qu’en France, qu’en Suisse, qu’en Belgique, qu’en Allemagne, a remarqué M. Legault. Est-ce que M. Pallister va commencer à faire de la publicité en Europe pour attirer des gens à Winnipeg ? » Il a dit ne pas craindre que des Québécois s’installent au Manitoba.


Le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, a invité M. Pallister à se mêler de ses affaires. « Je trouve ça particulièrement opportuniste, mais en même temps, je suis pas mal sûr que le Québec est beaucoup plus attractif que peuvent l’être Winnipeg et le Manitoba. »


La publicité payée par le gouvernement manitobain a été publiée le même jour que la diffusion d’une lettre ouverte de M. Bérubé aux Albertains dans le Calgary Herald. Il défend la part que le Québec reçoit en péréquation, critiquée à maintes reprises par le premier ministre Jason Kenney, en pointant la politique fiscale de l’Alberta qui n’a pas de taxe de vente ni de paliers d’imposition en fonction du revenu.


« Qui défend les intérêts du Québec ? a-t-il demandé en mêlée de presse. Moi, je trouve que la défense du gouvernement du Québec est faible. Moi, je siège à l’Assemblée nationale du Québec pour défendre les intérêts des Québécois, et quand on se fait attaquer on réplique. »


Le Manitoba n’est pas la première province à critiquer la Loi sur la laïcité de l’État. L’Assemblée législative de l’Ontario a adopté une motion à l’unanimité lundi pour exiger l’abrogation immédiate de cette législation qui « contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés ».


Le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, a dit craindre que l’offensive publicitaire du premier ministre manitobain, Brian Pallister, « alimente le discours nationaliste conservateur » de la CAQ. « En posant des gestes comme cela, ce que le Manitoba fait, c’est de nourrir le discours de la Coalition avenir Québec et du Parti québécois qui parle de la question de la laïcité comme d’un débat Québec-Canada, alors que ce n’est pas ça du tout. C’est un débat au Québec, entre Québécois, sur quelle conception on a de la laïcité », a-t-il déclaré dans une mêlée de presse.


Le député solidaire dit vouloir demeurer en retrait de « ce genre de “guéguerres” politiques là. » « M. Legault veut défendre son projet de loi, qu’il le fasse ! » a-t-il lancé.


M. Nadeau-Dubois a aussi rappelé que l’Assemblée nationale a déploré, à plus d’une occasion, les décisions prises par d’autres provinces, et ce, par le biais de motion. Un exemple : en décembre 2018, le Parlement québécois a adopté une motion visant à exprimer la solidarité des élus québécois à l’égard des Franco-Ontariens et de la députée ontarienne Amanda Simard, qui avait claqué la porte du gouvernement Ford.


Enfin, l’élu de Gouin n’est pas d’avis que cette querelle interprovinciale soit de nature à raviver la flamme indépendantiste au Québec. « Ça sape au Québec les bases de la renaissance du mouvement indépendantiste, qui doit être une renaissance basée sur l’élargissement du mouvement et l’inclusion de la diversité », a-t-il soutenu.


Avec La Presse canadienne et Marco Bélair-Cirino




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