Laïcité et immigration: le gouvernement Legault impose le bâillon

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« Ce n’est pas aux tribunaux à définir comment les rapports entre les religions et l’État s’organisent. »


Le gouvernement Legault limitera le temps de parole des parlementaires pour faire adopter à toute vapeur ses projets de loi sur la laïcité et l’immigration au cours de séances spéciales de l’Assemblée nationale en fin de semaine.


Québec blâme depuis plusieurs jours ce qu’il qualifie d’«obstruction» des libéraux en commission parlementaire. «C’est à mon grand désarroi que nous utilisons la procédure législative d’exception. Mais au Québec il faut avancer, il faut surtout apporter des changements que le Québec souhaite», a commenté le leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barrette, vendredi matin.


Son gouvernement souhaite aller de l’avant avec sa réforme de l’immigration qui permettra, selon lui, de mieux arrimer les nouveaux arrivants aux besoins des entreprises.


De son côté, le projet de loi sur la laïcité interdira les signes religieux aux employés de l’État en position d’autorité, incluant les enseignantes. «Il y a un signal qui est envoyé avec ce projet de loi, a commenté le premier ministre Legault. Les Québécois souhaitent depuis 11 ans qu’on légifère pour interdire les signes religieux pour les personnes en autorité. Je pense que de laisser traîner le débat, il y aurait des risques pour la cohésion sociale.»








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Suspendre l’application de la charte


Pour réussir à interdire les signes religieux aux policiers, juges, procureurs, gardiens de prison et enseignants, Québec devra utiliser la clause dérogatoire pour soustraire sa loi à l’application des chartes québécoise et canadienne des droits et libertés. La future loi imposera également que les services publics soient donnés et reçus à visage découvert.


Le ministre Jolin-Barrette se défend toutefois de suspendre ainsi des droits individuels. «Le projet de loi sur la laïcité assure un équilibre entre les droits individuels et les droits collectifs, dit-il. On assure de faire en sorte que les Québécois aient droit à des services publics qui sont laïcs. Ça, c’est fondamental. C’est un équilibre entre la liberté de religion et les droits de la nation québécoise.»


«Ce n’est pas aux tribunaux à définir comment les rapports entre les religions et l’État s’organisent. C’est aux parlementaires, c’est un principe de souveraineté parlementaire, poursuit M. Jolin-Barrette. Les Québécois ont élu un gouvernement qui souhaite s’assurer de faire en sorte que la laïcité de l’État soit inscrite dans nos lois et nous allons aller de l’avant.»


Amendements


Malgré cela, le ministre a été incapable de citer un seul cas de services donnés ou reçus à visage couvert dans la dernière année.


M. Jolin-Barrette fait valoir que le projet de loi sur l’immigration est en étude détaillée depuis environ 55 heures, tandis que celui sur la laïcité est scruté par les parlementaires depuis près de 30 heures. «Les députés d’opposition ont eu l’occasion de déposer des amendements, mais on a constaté un blocage de la part du Parti libéral», dit-il.


Même s’il estime que l’étude détaillée du projet de loi 21 a assez duré, le ministre Jolin-Barrette a lui-même déposé un important amendement cette semaine afin de définir ce qu’est un signe religieux au sens de la loi. Il proposera d’ailleurs d’autres ajustements «techniques» au cours de la fin de semaine.


Contestations judiciaires


Pour Québec solidaire (QS), le gouvernement Legault fait fausse route en utilisant le bâillon. «Penser que cette loi-là et son adoption sous bâillon va mettre fin au débat sur la laïcité c’est se tromper sur toute la ligne, a commenté Gabriel Nadeau-Dubois. D’abord parce que ce projet de loi là, il va être très, très, très dur à appliquer. Ensuite parce que c’est un projet de loi qui va générer, c’est certain, une multitude de contestations judiciaires.»


Le leader parlementaire de QS rappelle également que les groupes qui militent pour l’interdiction des signes religieux ont déjà annoncé la volonté d’aller encore plus loin. «Alors, loin de mettre le couvercle sur la marmite, ça ouvre la porte à ce que, dans les prochaines années, des groupes et des individus continuent à se faire entendre pour interdire toujours plus», prédit-il.


De son côté, le chef intérimaire du Parti québécois affirme que l’utilisation du bâillon constitue un symbole «épouvantable», même si sa formation appuie le principe du projet de loi. «Donc, nous, on souhaiterait davantage faire du temps jusqu’à tant que là, bon, on a fait le tour du projet de loi, les gens qui sont pour voteront pour puis les gens qui sont contre voteront contre», a commenté Pascal Bérubé.