La valeur du savoir

Conflit étudiant - grève illimitée - printemps 2012



Le débat est mal parti. Je parle de celui qui fait rage autour des frais de scolarité.
D'un côté, les partisans de la hausse nous disent que les universitaires sont privilégiés. Les étudiants devraient le savoir, leur formation garantit leur avenir économique. Ils devraient payer davantage. Et le système manque d'argent. Tout a un coût, rien n'est gratuit.
De l'autre, les partisans du gel soutiennent que la démocratisation de la formation universitaire formera des travailleurs mieux qualifiés, et plus riches, tout simplement. Limiter l'accessibilité aux études supérieures serait absolument contreproductif et, finalement, antiéconomique.
On voit à quel point la logique économique se prétend seule à bord. Peu importe l'angle sous lequel on l'envisage, la question de l'éducation serait d'abord une question de gros sous. Comme si le bien commun n'était qu'une question d'argent.
Pourtant, ce qui est en jeu, c'est le rôle de l'université. Doit-elle être vue simplement comme un centre de recherche au service de l'économie de marché? Ou doit-elle aussi être considérée comme l'institution gardienne d'un savoir d'autant plus précieux qu'il n'est pas «utilitaire» au sens strict?
Je formule autrement. L'université doit-elle être en relation directe avec le marché? Et produire des diplômés en fonction des besoins des entreprises? Ou n'a-t-elle pas une fonction plus fondamentale dans une société, et plus encore dans une société démocratique?
Ce qui est en jeu, c'est le rôle du savoir. Celui-ci est-il seulement instrumental? On se moque souvent de la philosophie, de l'histoire, de la littérature. On présente les sciences humaines comme des «sciences vacances». Comme si ce n'était que du pelletage de nuages.
Ce mépris relève de l'inculture grossière. Car si ce savoir n'est pas monnayable, il n'en demeure pas moins fondamental et devrait être à tous les universitaires, peu importe le diplôme qu'ils auront. Parce qu'il porte une réflexion sur le sens de l'existence. Sur la condition humaine, si on préfère.
Ce n'est pas sans raison qu'on parlait autrefois des humanités. Elles forment l'âme humaine. Elles préparent l'homme à ne pas se vautrer exclusivement dans le matérialisme, à éviter que l'existence ne se dissolve dans la seule vie quotidienne.
Je ne dis évidemment pas que l'université doit s'affranchir de la logique économique. Nous vivons dans la société qui est la nôtre. Je dis qu'elle ne devrait pas s'y soumettre absolument. Qu'il faudrait garder à l'esprit que la culture n'est pas qu'une marchandise. Tout simplement.
Cette chronique reflète le point de vue de l'auteur et non celui de 24H.


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