La stratégie de la CAQ

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« [...] plusieurs électeurs soupçonnent encore aujourd’hui l’ex-ministre péquiste — et auteur du budget de l’an 1 — d’avoir un « plan caché » pour mener le Québec à l’indépendance [...] »

Novembre 2017. L’organisatrice en chef de la campagne de la CAQ, Brigitte Legault, se tient sur la scène. Les quelques centaines de militants rassemblés dans la salle des conférences de l’Hôtel Delta de Sherbrooke ont les yeux rivés sur l’écran géant derrière elle. La « coaliste » y apparaît. Malgré la présence d’une poignée de journalistes, Mme Legault s’affaire aussitôt à montrer les ressorts de l’« arme secrète » virtuelle dont le coût d’achat était « dans les sept chiffres ».



Celle-ci permettra, espère-t-elle, de cibler le plus rapidement possible un million de sympathisants — ou « clients », selon la directrice générale de la formation politique — en vue des prochaines élections générales, le 1er octobre prochain.



L’application Web renferme notamment la liste électorale remise par le Directeur général des élections du Québec, couplée à des informations sur les électeurs qui ont appuyé une pétition ou visité le site Web de la CAQ, ainsi que des scripts « testés ». Il s’agit d’une mine d’informations pour les bénévoles de la CAQ, qui peuvent appeler sans gêne des électeurs aux quatre coins du Québec.



La « coaliste » permet aussi à la CAQ de pallier un nombre inférieur de militants comparativement au Parti québécois et au Parti libéral du Québec. Grâce à cet outil rodé durant les partielles de Gouin et de Louis-Hébert, « au moins trois ou quatre fois moins » de personnes sont nécessaires pour rejoindre le même nombre d’électeurs potentiels, selon le président de la formation politique, Stéphane Le Bouyonnec.



Un stratège de premier plan de la CAQ relativise l’importance des « machines électorales » dans l’issue d’élections générales. « Une organisation peut faire pencher la balance dans une course serrée », indique-t-il. Cela dit, elle ne peut toutefois pas faire tourner le vent.



Le plein de candidats




D’ailleurs, la CAQ a le vent en poupe depuis l’automne. « C’est tellement plus facile de recruter des candidats intéressants », mentionne M. Le Bouyonnec dans un entretien avec Le Devoir. « Cette année, ils déposent leur CV par la porte avant. »



Les candidats qui porteront les couleurs de la CAQ dans les circonscriptions où l’État impose sa présence — notamment dans l’Est-du-Québec, où les gouvernements du PLQ et du PQ ont permis la concrétisation des parcs éoliens et de la cimenterie McInnis malgré la désapprobation de la CAQ — éprouveront plus de difficulté à tirer leur épingle du jeu, convient-on.



Dans ces régions hostiles, le parti de François Legault mise sur des personnalités ayant, dans leur circonscription, une notoriété plus grande que celle de la CAQ. « [Ces nouveaux] porte-parole de la CAQ vont nous permettre de pénétrer des secteurs auxquels on n’osait pas rêver il y a un an », lance M. Le Bouyonnec. Le problème, c'est que la plupart d’entre eux souhaitent demeurer dans l’ombre jusqu’à l’été, précise-t-il.



« Compétence » et « persévérance »

Pour remporter les prochaines élections, la CAQ mise sur son chef, François Legault, une équipe prête à gouverner et « trois, quatre idées fortes ». « D’ailleurs, les "Bigs datas" et les nouvelles technologies de communication font partie intégrante du développement des plateformes électorales », souligne le professeur de science politique Éric Montigny.



S’il ne dégage « pas nécessairement [de] charisme » irrésistible, François Legault incarne néanmoins la « compétence » et la « persévérance » dans l’esprit des électeurs, estime la CAQ.



Malgré cela, plusieurs électeurs soupçonnent encore aujourd’hui l’ex-ministre péquiste — et auteur du budget de l’an 1 — d’avoir un « plan caché » pour mener le Québec à l’indépendance, plus de huit ans et demi après avoir tourné le dos au Parti québécois.



Les « Join us ! » lancés par M. Legault aux anglophones n’ont pas engendré une vague d’appuis à la CAQ. Dans cet esprit, les membres influents fondent peu d’espoir sur la prise d’une circonscription dans le « West Island ». Au mieux, la CAQ pourrait faire une percée en Estrie grâce à une désaffection des anglophones du PLQ, estime-t-on. La circonscription de Brome-Missisquois, qui est représentée à l’Assemblée nationale par le libéral Pierre Paradis depuis 1980, est dans sa mire.



Du coup, la CAQ entend mettre la gomme pour faire le plein de circonscriptions francophones, y compris au Saguenay–Lac-Saint-Jean et en Abitibi-Témiscamingue. « Le vote se joue chez les francophones. »

 


> La suite sur Le Devoir.



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