La sexualité dans l’islam : une arme politique

Laïcité — débat québécois


Toutes les religions sont obsédées par le sexe dont elles redoutent la puissante force d’attraction. Il est leur pire ennemi parce qu’il éloigne de Dieu et ruine l’intérêt pour l’autre monde. Limiter le plaisir sexuel à la stricte reproduction et condamner tout ce qui s’en écarte, telle est l’intention fondamentale. Il faut donc voir les religions comme un formidable dispositif de contrôle de la sexualité, particulièrement de celle des femmes, qui occupe une position centrale quant à la reproduction.
Mais si toutes les religions visent à encadrer la sexualité, elles diffèrent néanmoins dans leur conception de celle-ci et des moyens mis en oeuvre pour la subjuguer. Ainsi le christianisme a développé à travers les épîtres de St-Paul un profond mépris pour la chair au point de préférer la chasteté et le célibat au mariage.
Je donne pour exemples dans St-Paul, Épître aux Romains 8, 13 «Car si vous vivez selon la chair, vous mourrez. Mais si par l’Esprit vous faites mourir les oeuvres du corps, vous vivrez.» Et dans sa première Épître aux Corinthiens, St-Paul affirme que le célibat est plus digne que le mariage parce qu’il attache sans partage au Seigneur. Il faudra attendre la Réforme avec Luther au XVIième siècle pour que l’incitation au célibat et à la vie monacale cède la place à une valorisation du mariage et que l’idéal féminin de la religieuse soit remplacé par celui d’épouse et de mère.
L’islam, pour sa part, voit la sexualité comme une chose naturelle garantissant la continuité de l’espèce humaine. Cette vision positive de la sexualité tranche avec celle du puritanisme catholique et fait même de la jouissance sexuelle un élément indispensable à la bonne entente du couple. C’est du moins ce que certains intellectuels aiment à souligner lorsqu’ils parlent de la sexualité dans l’islam.
Toutefois, on ne peut s’empêcher de penser aux femmes voilées, à l’interdiction qui leur est faite d’épouser un non-musulman, à la ségrégation des sexes, à la lapidation des femmes adultères en Iran, au Pakistan, au Soudan et encore récemment en Afghanistan où une femme soupçonnée d’adultère a été exécutée sauvagement par son mari, au Mali où un couple adultère vient d’être lapidé il y a quelques jours, à la pendaison publique des homosexuels en Iran, à l’excision des fillettes en Égypte, à cette Soudanaise, Lubna Ahmad al-Hussein, condamnée en 2009 à quarante coups de fouet pour avoir porté un pantalon. Bien difficile de voir dans tout cela un islam ouvert à la sexualité.
J’ai donc voulu examiner cette question de la sexualité dans l’islam à partir des textes qui constituent les trois sources principales de l’islam, à savoir le Coran, la Sunnah et la Charia. Le livre de Youssef Qaradhawi, Le licite et l’illicite en Islam écrit, puis réédité en 2005, pour les musulmans d’Europe, sera mis à profit. Il réfère à la fois au Coran et aux hadiths. Qaradhawi est l’une des personnalités religieuses les plus influentes de l’islam sunnite. Il est le guide spirituel des Frères musulmans dont l’organisation s’est donnée pour but d’imposer la charia à travers le monde. Il tient une émission hebdomadaire sur la chaîne d’al-Jazeera qui est suivie par des milliers de musulmans partout dans le monde.
Je réfèrerai également à l’Umdat al-Salik, un manuel de droit islamique écrit au XIVième siècle, dont Tariq Ramadan qualifie son auteur, Ahmad ibn Naqib al-Misri, de grand juriste de l’islam. Ce manuel classique de charia est reconnu par l’Université al-Azhar d’Égypte qui est le siège du sunnisme et dont l’autorité religieuse est reconnue mondialement. L’Umdat al-Salik est aussi endossé par l’International Institute of Islamic Thought (IIIT), une organisation d’exégètes associée aux Frères musulmans, basée aux États-Unis. Voilà pour les références.
Le destin de tout musulman est de se marier et d’avoir des enfants. Ceci n’est pas un choix personnel. Dans l’islam, procréer est un devoir, non une liberté. L’islam n’aime ni les célibataires qui pourraient s’adonner à la fornication, ni ceux qui délaissent les femmes et font voeu de chasteté, ni les homosexuels qui forniquent entre eux et gaspillent leur sperme en pure perte. Seule l’hétérosexualité dans le cadre du mariage est licite.
«Mariez ceux qui ne le sont pas encore; vos serviteurs probes à vos servantes; s’ils sont pauvres, Dieu les rendra riches; car Dieu est immense, et il sait tout.» Coran 24, 32. Qaradhawi est encore plus explicite : «L’islam s’est tenu en deçà de la libération totale de l’instinct sexuel qui n’impose aucune limite et lien. C’est pour cela qu’il a interdit la fornication... Il a combattu la tendance opposée, à savoir refouler l’instinct naturel. Aussi a-t-il incité au mariage et interdit tout voeu de chasteté. Il n’est pas permis au musulman de se détourner du mariage, alors qu’il en est capable....»
Quant à la condamnation de l’homosexualité, elle apparaît d’abord chez les Juifs dans le Lévitique, 20, 13: «L’homme qui couche avec un homme comme on couche avec une femme : c’est une abomination qu’ils ont tous deux commise, ils devront mourir, leur sang retombera sur eux»
Elle sera reprise dans le Coran, à travers le récit de Loth où elle est la qualifié de turpitude et d’action honteuse : «Aurez-vous commerce avec des hommes parmi toutes les créatures, abandonnant les femmes que Dieu a créées pour vous? En vérité, vous êtes un peuple criminel» Coran 26, 165-166
Et comment doit-on punir ces criminels? Pour Qaradhawi : «Cet acte vicieux est une perversion de la nature, une plongée dans le cloaque de la saleté, une dépravation de la virilité et un crime contre les droits de la féminité...... Les savants en jurisprudence ne furent pas d’accord sur le châtiment....Est-ce que les deux partenaires reçoivent le châtiment du fornicateur? Est-ce que l’on tue l’actif et le passif? Par quel moyen les tuer? Est-ce avec un sabre ou le feu, ou en les jetant du haut d’un mur?
Cette sévérité qui semblerait inhumaine n’est qu’un moyen pour épurer la société islamique de ces êtres nocifs qui ne conduisent qu’à la perte de l’humanité.»
Dans l’Umdat al-Salik, c’est la lapidation qui est recommandé pour les homosexuels. Rien de moins. Certains se souviendront peut-être des islamistes invités l’automne dernier à Montréal par la Muslim Association of Concordia et qui prônaient la lapidation des homosexuels. Saviez-vous que le Umdat al-Salik se retrouve sur les rayons de la bibliothèque de cette association, ici à Montréal, à environ un kilomètre du Village gai?
Aujourd’hui, les pays où les homosexuels sont passibles de la peine de mort sont l’Afghanistan, l’Arabie Saoudite, l’Iran, la Mauritanie, le Soudan, la Tchétchénie et le Yémen. Tous des pays musulmans. Doit-on s’en étonner? Quant aux Juifs, malgré l’interdit deutéronomique, ils ne tuent pas les homosexuels, même que certains homosexuels Palestiniens se réfugient en Israël pour échapper à la prison, la torture ou la mort.
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Bref, on marie les célibataires et on tue les homosexuels pour limiter la sexualité à la reproduction mais pas n’importe laquelle, c’est-à-dire une reproduction d’enfants musulmans. Une reproduction fondée sur l’appartenance religieuse et le pouvoir patriarcal. Et c’est à cela que la vie des femmes musulmanes sera assujettie.
Voici comment un des fondateurs du Front Islamiste du Salut, le FIS algérien a résumé le rôle de la femme : «...Elle ne quitte pas son foyer pour se consacrer à la grande mission de l’éducation des hommes. La femme est une productrice d’hommes. Elle ne produit pas de biens matériels mais cette chose essentielle qui est le musulman...»
Produire des enfants musulmans. C’est donc à cette exigence décisive que le destin et la sexualité des femmes musulmanes seront intimement liés. Apartheid sexuel, virginité, crime d’honneur, excision, fidélité, lapidation, voilement, polygamie, répudiation constituent dès lors le périmètre à l’intérieur duquel ces femmes devront vivre.
Nous avons l’habitude d’aborder chacun de ces éléments comme s’ils étaient isolés, séparés les uns des autres. Je vous propose de les voir plutôt comme reliés entre eux, comme faisant partie d’un tout, d’un ensemble, comme une stratégie efficace ayant pour but d’instrumentaliser le corps des femmes à des fins reproductives. De cette façon, nous comprendrons mieux comment chacun de ces éléments est bien sûr synonyme d’oppression pour les femmes mais aussi, et c’est cela qui nous échappe habituellement, comment chacun de ceux-ci est indispensable pour garantir la filiation et maximiser le poids démographique des musulmans.
On n’opprime pas les femmes simplement pour les opprimer. Si on le fait c’est parce qu’elles jouent un rôle capital du point de vue de la reproduction. Et s’il y a l’excision, le voilement, l’exigence de virginité, la lapidation et toutes ces violences, c’est parce que les hommes veulent les contraindre à procréer tout en s’assurant de la légitimité de leur descendance.
L’élément-clé de cette politique et que l’on a tendance à négliger est celui qui veut qu’une femme musulmane ne puisse épouser un non-musulman. Cela ne s’applique pas à l’homme qui peut marier une juive ou une chrétienne puisque de toutes façons, les enfants auront la religion du père. Cette interdiction de mariage enferme dès le départ la femme dans la communauté musulmane en mettant sa sexualité au service de la Oumma. Bref, on réserve les génitrices exclusivement aux musulmans afin ne pas perdre la progéniture dans le but d’agrandir et de consolider la Oumma. «Ne donnez point vos filles aux idolâtres tant qu’ils n’auront pas cru.» Coran 2, 220. Qaradhawi ajoute que cette interdiction jouit du consensus de tous les musulmans.
Voilà pourquoi il est difficile et même parfois dangereux pour les jeunes filles de fréquenter ou d’épouser un non-musulman parce qu’elles s’exposent, comme ce fut le cas des soeurs Shafia, à être victimes de crime d’honneur. Une fois les femmes interdites aux non-musulmans, ne reste plus qu’à exercer un étroit contrôle de leur sexualité à l’intérieur de la communauté pour que l’homme puisse s’assurer que son champ ne soit pas arrosé par un autre et que les enfants de sa femme soient aussi les siens.
La femme devra donc être vierge au mariage, ce qui explique l’engouement actuel de plusieurs femmes musulmanes pour la réfection de leur hymen, sans compter que celle qui ne l’est pas risque la répudiation ou même parfois d’être victime d’un crime d’honneur. Précisons que dans l’Umdat al-Salik, il est écrit qu’il ne doit pas y avoir de représailles contre les meurtriers dans le cas d’un père ou d’une mère qui tue ses enfants ou ses petits-enfants. Ce qui signifie que selon la charia, les auteurs d’un crime d’honneur jouissent d’une totale impunité.
Une fois mariée, la femme doit être fidèle. C’est la seule façon pour un homme de s’assurer du lignage de ses enfants. Écoutons Qaradhawi :

«L’enfant est le secret de son père. Il porte ses caractéristiques, il est dans sa vie la source de sérénité de son âme et il est après sa mort la prolongation de son existence.... C’est pour cela que Dieu a interdit l’adultère et a prescrit le mariage afin de sauvegarder les liens de parenté.... de permettre à l’enfant de connaître son père et au père de connaître ses filles et ses fils. C’est par le mariage que la femme appartient exclusivement à son mari qu’il lui est interdit de tromper, ni d’arroser son champ avec l’eau d’un autre.»

La femme qui commet l’adultère risque d’introduire un bâtard dans la famille et mérite le pire des châtiments; la lapidation. On mentionnera que la lapidation n’existe pas dans le Coran. C’est exact. La lapidation pour adultère se retrouve dans le Deutéronome 20, 22-23 : «Si l’on prend sur le fait un homme couchant avec une femme mariée, tous deux mourront... vous les conduirez jusqu’à la porte de cette ville et vous les lapiderez jusqu’à ce que mort s’ensuive.» Par contre, le Coran prescrit la flagellation : « Vous infligerez à l’homme et à la femme adultère cent coups de fouet à chacun. Que la compassion ne vous entrave pas dans l’accomplissement de ce précepte de Dieu, si vous croyez en Dieu et au jour dernier. Que le supplice ait lieu en présence d’un certain nombre de croyants.» Coran 24, 2. Avouez que ceci est tout de même dissuasif. De son côté, Qaradhawi affirme qu’il est permis de tuer un musulman qui a commis l’adultère. Nous retrouvons également la même permission dans l’Umdat al-Salik.
La non-mixité et le voilement des femmes auront aussi pour fonction de préserver la virginité et la chasteté des femmes, empêchant celles-ci de se retrouver aux côtés des hommes et par le voile de se soustraire à leur regard. Qaradhawi mentionne « qu’il est interdit de rester en tête-à-tête avec une femme que l’on a le droit d’épouser.» Il ajoute : « que la femme doit se voiler devant les hommes qu’elle peut épouser et devant les femmes non-musulmanes. Ses parties intimes correspondent à la totalité de son corps, sauf le visage et les mains.» Les femmes étant considérées comme une source de tentations, il s’agit ici de restreindre au maximum les occasions de séduction. Elles doivent donc cacher leur corps et ne se dévoiler qu’en présence de personnes avec qui elles ont un lien de parenté et qu’elles ne pourraient marier. Le Coran précise même devant quelle catégorie de gens la femme peut se découvrir. «Commande aux femmes qui croient de baisser leurs yeux et d’être chastes, de ne découvrir de leurs ornements que ce qui est en évidence, de couvrir leurs seins de voile, de ne faire voir leurs ornements qu’à leurs maris ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, à leurs fils ou aux fils de leurs maris, à leurs frères ou aux fils de leurs frères,...» 24, 31. Qaradhawi va même jusqu’à spécifier les parties intimes qui peuvent être dévoilées devant cette parenté; «l’oreille, le cou, les cheveux, la poitrine, les bras et les jambes. Pour ce qui est du dos, du ventre, du sexe, des fesses et des cuisses, il n’est permis de les montrer à aucune femme et à aucun homme, à part le mari.»
De telles précisions maniaques révèlent à quel point on craint la liberté sexuelle des femmes et que le voile qu’on leur impose est de toute évidence lié à leur sexualité et au désir des hommes. La preuve en est que le Coran qui recommande le voilement, autorise aussi les femmes ménopausées à se dévoiler.
Mais l’un des moyens les plus brutal pour contrôler la sexualité des femmes est de limiter leur jouissance sexuelle en mutilant leurs organes génitaux. Selon un rapport de l’UNICEF datant de 2005, on estime qu’entre 100 et 140 millions de fillettes et de femmes ont subi une mutilation génitale. Les pays où plus de 85 % des femmes sont excisées sont le Mali, la Guinée, la Sierra Léone, l’Égypte, le Soudan, l’Éthiopie et la Somalie. Il faut se rappeler le rapport Hite publié aux États-Unis dans les années 70 qui révélait que la grande majorité des femmes n’atteignent l’orgasme que par stimulation clitoridienne. Imaginez alors ce que signifie l’excision d’une fillette et c’est sans compter les conséquences sur sa santé physique qui s’ensuivront sa vie entière.
Certains vous diront que nulle part dans le Coran, il n’est fait mention de l’excision et que c’est une pratique anté-islamique qui a sa source dans l’Égypte ancienne. Bien mince consolation pour ces fillettes qui continueront d’être mutilées. Mais le Coran n’est pas l’unique source de l’islam et c’est dans la Sunnah que nous retrouvons des hadiths recommandant l’excision. Qaradhawi, justifie ainsi les mutilations génitales féminines : «Réduisez la taille du clitoris mais n’excédez pas la limite car ceci est meilleur pour la santé des femmes et préféré par les maris». Dans l’Umdat al-Salik, au chapitre de la purification, on soutient que l’excision partielle du clitoris est obligatoire, alors que certains la considèrent même comme une courtoisie envers le mari. Traditions, culture ou religion? Le moins que l’on puisse dire c’est que l’islam semble s’approprier cette tradition.
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Mutilations génitales et châtiments corporels sont des moyens mis en oeuvre pour préserver la virginité et la chasteté des femmes pour garantir le lignage. À cela s’ajoute, une conception misogyne du mariage et de la sexualité, où la polygamie et la répudiation sont le privilège des hommes.
Voilà pourquoi un homme peut répudier sa femme sans justifier sa décision alors que la législation islamique pose des conditions bien précises au divorce des femmes. En Iran, en 1979, le droit au divorce n’a été accordé qu’aux hommes dans le but de protéger la famille.
D’un point de vue reproductif, la polygamie est beaucoup plus rentable que la monogamie, permettant à un homme de maximiser le nombre d’enfants qu’il peut avoir. Combinez à cela le mariage précoce des filles qui ne peuvent qu’épouser un musulman et vous obtenez ainsi de meilleures chances d’augmenter le poids démographique de tous les musulmans.
«Si vous craignez d’être injustes envers les orphelins, n’épousez que peu de femmes, deux, trois ou quatre parmi celles qui vous auront plus (sic). Si vous craignez d’être injustes, n’en épousez qu’une seule ou une esclave.....» Coran, 4, 3.

Écoutons Qaradhawi vanter la polygamie islamique : «Plusieurs communautés avant l’Islam autorisaient à l’homme de se marier avec un grand nombre de femmes pouvant atteindre les dizaines voire des centaines, sans imposer des conditions et sans y mettre une limite. Quand vint l’Islam, il imposa un maximum de quatre épouses à la condition que le mari soit équitable entre ses épouses dans l’alimentation, l’habillement, le logement, le lit.» L’homme doit donc entretenir ses femmes mais il doit aussi satisfaire ses épouses.
Dans l’Umdat al-Salik, il est écrit qu’un mari doit faire l’amour à chacune de ses femmes plus ou moins toutes les quatre nuits, de façon à la satisfaire pour qu’elle demeure chaste. Et dans le Coran, 33, 49 : «Tu peux à ton gré accorder ou refuser tes embrassements à tes femmes. Il t’est permis de recevoir dans ta couche celle que tu en avais rejetée, afin de ramener la joie dans un coeur affligé. Tu ne seras coupable d’aucun péché en agissant ainsi; mais il serait plus convenable qu’elles fussent toutes satisfaites, qu’aucune d’elles n’eût à se plaindre, que chacune reçût de toi ce qui peut la contenter....» Également dans le Coran 2, 223 : «Les femmes sont votre champ. Cultivez-le de la manière que vous l’entendrez, ayant fait auparavant quelque acte de piété....» Puis dans l’Umdat al-Salik, on dit qu’il est obligatoire pour une femme de laisser son mari avoir du sexe avec elle aussitôt qu’il lui demande et qu’un mari possède le plein droit de jouir du corps de sa femme, de la tête jusqu’aux pieds, sauf pour les rapports anaux qui sont interdits. Il lui est même permis de l’amener avec lui lorsqu’il voyage. Ce dernier point se passe de commentaires.
La femme ici est la propriété d’un seul homme, pour ne pas dire son esclave sexuel. Qaradhawi est bien clair là-dessus lorsqu’il dit : «Si on n’avait pas interdit la fornication et obligé la femme à être la propriété d’un seul homme à la fois, jamais la famille ne serait née.... et la société n’aurait jamais vu le jour».
Cet extrait illustre à quel point la femme est le socle sur lequel repose la Oumma et combien sa liberté sexuelle et son droit à la maternité libre constituent pour l’islam la plus dangereuse des menaces. Libérez la femme et tout s’effondrera.
Dans l’islam, la progéniture est un bien précieux qui appartient au père et dont la femme n’est que la productrice. L’intérêt pour l’enfant est à ce point que la répudiation doit tenir compte de certaines restrictions et ne peut se faire qu’à la condition de respecter un délai de viduité. C’est-à-dire qu’un homme ne peut répudier sa femme qu’après un certain temps, le temps de trois menstrues afin de s’assurer qu’elle n’est pas enceinte de lui. Dans le Coran, 65, 1, il est écrit : O Prophète! ne répudiez vos femmes qu’au terme marqué; comptez les jours exactement. Avant ce temps vous ne pouvez ni les chassez de vos maisons, ni les en laisser sortir, à moins qu’elles n’aient commis un adultère prouvé.....» «Attendez trois mois avant de répudier les femmes qui n’espèrent plus d’avoir leur mois, et si vous en doutez. Accordez le même délai à celles qui ne les ont point encore eus. Gardez celles qui sont enceintes jusqu’à ce qu’elles aient accouché....» Coran, 65, 4. Dans l’Umdat al-Salik, on va même jusqu’à préciser qu’une femme enceinte condamnée à la lapidation ne peut être exécutée qu’une fois son enfant sevré. Toutes ces restrictions illustrent à quel point l’enfant est le bien suprême et que les femmes sont considérées comme des génitrices au service de la communauté.
En conclusion, j’insiste sur l’importance de privilégier une vision d’ensemble, une vision systémique et de considérer chaque élément non pas séparément mais bien comme étant lié entre eux. Une telle approche permet alors de mieux comprendre comment chacun de ces éléments concourt à instrumentaliser la sexualité en vue de la procréation, particulièrement celle des femmes, dont le corps, le désir et la vie sexuelle sont mis en laisse pour les contraindre à la maternité et assurer un taux élevé de fécondité.
Cet assujettissement des femmes est essentiel au maintien de la Oumma et à son expansion démographique. Il en est même sa condition de possibilité. Agrandir la Oumma par le ventre des femmes. Voilà pourquoi il leur est interdit d’épouser un non-musulman.
Cette discrimination basée sur la religion est à ce point capitale qu’elle a été autorisée dans un document juridique international, à l’article 5 de la Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam voulant : «...qu’aucune entrave relevant de la race, de la couleur ou de la nationalité ne doit empêcher le droit au mariage.» La discrimination religieuse étant ici implicitement admissible. Cette déclaration a été ratifiée par les cinquante-sept pays musulmans, membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI), ayant des représentants à l’ONU.
Cette stratégie de reproduction n’a rien à voir avec une quelconque ouverture à la sexualité mais doit plutôt être comprise dans une perspective politique; celle d’un mode efficace et insoupçonné de conquête de l’islam.
Et si la liberté sexuelle des femmes musulmanes est, encore aujourd’hui, durement niée et réprimée, c’est parce qu’elle constitue une menace directe, profonde et colossale à la réalisation de ces visées politiques.


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