Après une semaine de pressions formulées à l'enseigne de la retenue, la Maison-Blanche a bouleversé le rythme comme le contenu de celles-ci en optant pour une stratégie beaucoup plus frontale à l'endroit du président Hosni Moubarak. Dans la journée de jeudi, le président Barack Obama a mené, non pas une offensive, mais bel et bien des offensives, qui plus est simultanées. Et ce, avec un objectif clair comme de l'eau de roche: le changement de régime auquel aspirent les Égyptiens doit commencer aujourd'hui et non demain.
Ce changement de ton, quelque peu brusque, a pour cause un froissement empreint d'une certaine vanité. Dans la matinée de mercredi, Moubarak a refusé de recevoir l'émissaire spécial d'Obama, Frank G. Wisner. Ce camouflet, le président égyptien l'a justifié en évoquant l'intervention publique du président américain, à ses yeux nulle et non avenue. Son excès de vanité? Lors d'un entretien accordé à la télévision américaine, le despote du Caire est allé jusqu'à marteler que, lui parti, le chaos s'installerait à demeure. Après tant d'autres, Moubarak aura donc sorti des boules à mites le «après moi le déluge».
Après avoir fermé la porte à Wisner, par ailleurs ami personnel de Moubarak, il y a eu une conversation au sommet qui s'est accompagnée de conversations latérales. Le vice-président américain, Joe Biden, s'est entretenu avec le vice-président égyptien, Omar Souleiman. Le ministre de la Défense, Robert Gates, a discuté avec son homologue Mohamed Tantawi. À ces exercices pour ainsi dire intra-muros s'en est greffé un autre, celui-là extra-muros: la secrétaire d'État Hillary Clinton a appelé des dirigeants des pays voisins pour qu'ils interviennent auprès de Moubarak.
Aux uns et aux autres, la Maison-Blanche a exprimé son désir de voir Moubarak remplacé par une troïka formée du ministre de la Défense, du chef des armées et de Souleiman dans le rôle de patron. Washington voudrait que ces derniers amorcent illico un processus de réforme constitutionnelle allant dans le sens d'une instauration de l'État de droit, du pluralisme démocratique, d'élections libres, etc. Pour ce faire, Obama invite Souleiman et ses proches à faire en sorte que les divers courants opposés au régime actuel, y compris les Frères musulmans, participent à cette réforme.
Échaudés, c'est le moins que l'on puisse dire, par des années de répression, des représentants de la confrérie des Frères musulmans ont eu pour réponse immédiate l'expression d'une crainte: il se pourrait fort bien qu'on leur tende un piège. Ici, il faut préciser qu'en tant que chef des services de renseignement depuis 1993, Souleiman a été évidemment à la pointe du combat contre eux. Quoi d'autre? Il est réputé pour avoir toujours été proche des Américains.
En ce qui concerne maintenant Mohamed el-Baradei, le visage mais non le chef de l'opposition, on est confronté pour ainsi dire à un imbroglio: Souleiman dit avoir invité les animateurs du soulèvement à une ronde de dialogues; el-Baradei, que les divers courants ont choisi comme porte-parole et éventuel négociateur en chef, dit ne pas avoir été contacté. Bref, il semble que tant et aussi longtemps que Moubarak se cramponnera, l'expectative régnera avec son cortège de violences.
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