La recette Sanders

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De quoi nous faire regretter le temps où, au Québec, le nom Sanders était systématiquement associé au poulet frit du colonel éponyme





Qu’ils sont nombreux à vouloir être le «Bernie Sanders du Québec». Gabriel Nadeau-Dubois n’est que le dernier en date.


Au début de sa campagne à la direction du PQ en juin 2016, Jean-François Lisée avait carrément affirmé: «J’aime à penser que je suis le Bernie Sanders de la course.» Le candidat à la chefferie expliqua à l’époque qu’il voyait dans ce politicien démocrate un modèle. Un homme aux «cheveux blancs», «audacieux», «qui parle à la jeunesse», «qui a des idées pour transformer les choses». (Contrairement à Sanders cependant, Lisée comptait gagner... ce qu’il fit.)


Alexandre Cloutier aussi se voulait un émule de Sanders. Lorsque certains lui avaient reproché de souligner les fêtes et moments forts de la vie des communautés culturelles, il avait répondu: «Eh bien quoi! Sanders le fait.»


Ils l’ont l’affaire, les Américains !


Cette passion pour la recette Sanders rappelle le début de la campagne électorale québécoise de novembre-décembre 2008 où les chefs de l’époque s’étaient tous réclamé d’Obama, qui venait de remporter une victoire historique, et voilà qu’on nous promettait «l’espoir», et on nous lançait des «oui, on est capables!».


En économie, on a l’habitude de dire que lorsque les États-Unis attrapent la grippe, le Canada et le Québec éternuent. Il semble que, de nos jours, ce soit la même chose en politique; même chez ceux qui seraient prompts, comme GND, à dénoncer l’impérialisme américain.


Il y a toutefois quelque chose de cocasse avec l’actuelle «sandersophilie». Une des principales sources d’inspiration de Bernie Sanders, c’est précisément... le Québec.


Les universités accessibles, un financement politique réglementé, l’assurance maladie, l’intervention de l’État dans l’économie pour aider les travailleurs, etc. En 1981, Sanders a même assisté à un conseil national du Parti québécois. Un proche du politicien vermontois, l’avocat John Franco, a confié l’an dernier à une reporter de La Presse que le sénateur du Vermont «s’est inspiré des idées du Parti québécois et de celles des néo-démocrates canadiens».


Un pléonasme


Bref, être «le Bernie Sanders du Québec» a quelque chose du pléonasme. Une sorte de référence qui se mord la queue. Car une grande partie de ce que Sanders réclame pour les États-Unis, le Québec l’a déjà mise en place.


Même lors de cette période qu’Amir Khadir et Gabriel Nadeau-Dubois considèrent comme les années de plomb du néo-libéralisme péquiste, sous Lucien Bouchard, le Québec a fait croître son État providence d’une manière qui fait pâlir d’envie les pro-Bernie au sud de la frontière: assurance médicament, centres de la petite enfance, perception automatique des pensions alimentaires, équité salariale, etc. Le projet des congés parentaux était lancé à cette époque aussi.


Le résultat, c’est un État lourd, que certains dénoncent quotidiennement, mais, comme le rappelait Claude Villeneuve en ces pages, c’est aussi une espérance de vie meilleure, moins de criminalité. Entre autres parce que le fossé entre les riches et les pauvres est beaucoup moins grand qu’au sud de la frontière.


On peut penser, comme GND, que l’État du Québec n’est pas encore assez généreux, qu’il pourrait faire beaucoup plus. En tout cas, c’est son droit de vouloir promouvoir ce projet. Comme c’est le droit de ceux qui le trouvent suffisamment développé de ne pas en rajouter.


Mais dire que Bernie Sanders est une source d’inspiration et affirmer en même temps qu’il faut «sortir la classe politique qui nous gouverne depuis trente ans, car elle a trahi le Québec», a quelque chose non seulement d’injuste, mais de contradictoire.







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