Éric Bédard est un de nos historiens les plus importants. Professeur d’université et auteur d’une œuvre substantielle consacrée à l’histoire du Québec, il conjugue la recherche la plus rigoureuse avec le souci de diffuser la connaissance historique au grand public, qu’il refuse de regarder de haut. Ce vrai chercheur est un vrai pédagogue.
C’est aussi un intellectuel essentiel qui intervient dans nos grands débats publics, soit pour les éclairer à la lumière de ses connaissances, soit pour avancer certaines propositions qu’il croit nécessaires pour notre pays.
Culture
C’est justement ce qu’il a fait il y a quelques jours, dans un texte paru dans La Presse. Conscient que le gouvernement Legault devra trouver un nouveau « grand projet » pour incarner son nationalisme, Bédard lui en propose un très audacieux : transformer intégralement Télé-Québec.
Il s’agirait de la refonder en lui donnant un mandat culturel, au sens large. Bédard rêve ainsi de voir la chaîne donner un authentique service d’information, de produire des documentaires et des émissions de débat vraiment pluralistes, avec des animateurs cultivés.
En gros, Télé-Québec deviendrait une véritable télévision de service public.
La proposition, il faut le dire, a reçu un accueil plus qu’enthousiaste. Comme si elle répondait à un manque. Et c’est sur cela que je voudrais insister.
Il y a évidemment de bonnes émissions dans notre système télévisuel et radiophonique. On ne saurait le congédier mentalement d’un coup. Mais il y a le sentiment agaçant d’un manque. Les Québécois savent se divertir eux-mêmes, ils savent aussi produire des téléséries et téléromans d’une immense qualité.
Mais nous négligeons collectivement la dimension « intellectuelle » de l’existence. Peut-être parce que nous la croyons ennuyante.
À tort.
Pour le dire d’une formule consacrée, notre époque redécouvre la quête de sens. Nous avons besoin, plus que jamais, de comprendre les grandes évolutions collectives. Et pour cela, l’histoire, la philosophie, la littérature, la politique ou l’histoire de l’art peuvent nous éclairer.
J’ajoute qu’il y a même moyen d’être intéressant sans jouer la carte ludique, comme si le téléspectateur était un enfant qu’il fallait à tout prix distraire pour capter son attention. Il nous faut dépasser la formule du clip et retrouver le plaisir de prendre son temps. Ne serait-ce pas une mission idéale pour la télévision publique ?
Débats
Certains critiques, néanmoins, ont voulu y voir une proposition « élitiste ». Ils se trompent. Dans le vaste paysage télévisuel, une telle chaîne ne viendrait pas remplacer les autres, mais les compléter. Elle viendrait diversifier le paysage télévisuel et créer un espace médiatique nouveau où certaines préoccupations souvent laissées de côté parce que jugées insuffisamment « grand public » pourraient s’exprimer.
En fait, je suis convaincu d’une chose : une telle chaîne trouverait son public. Évidemment, il y aurait un petit noyau de fidèles dès le départ, mais peu à peu, ils seraient de plus en plus nombreux à s’y aventurer. Qu’on offre au public la possibilité de la culture : il découvrira qu’il manquait d’oxygène depuis longtemps. Espérons que le gouvernement Legault portera attention à cette belle proposition !