Il semble exister une certaine confusion quant aux règles constitutionnelles qui régissent l’exercice par la Gouverneure générale de la prérogative royale de dissolution de la Chambre des communes. Ces règles sont les suivantes.
En vertu des conventions qui s’appliquent à notre monarchie constitutionnelle, le souverain ne peut exercer ses pouvoirs que sur l’avis de ses conseillers. Il ne peut jamais exercer aucun pouvoir unilatéralement, c’est-à-dire sans l’avis de ses conseillers. Ces conseillers, à leur tour, doivent avoir la confiance de la Chambre des communes. Le seul pouvoir, donc, que conserve le souverain, c’est celui de changer ses conseillers qui n’ont plus la confiance des Communes par des conseillers qui sont susceptibles de l’avoir. S’il ne peut trouver de tels nouveaux conseillers, il doit suivre l’avis de ses conseillers en place.
À l’issue des dernières élections, les conseillers actuels du souverain n’ont pas obtenu la majorité des députés aux Communes et, par conséquent, n’ont pas acquis l’assurance d’obtenir ou de conserver la confiance de la Chambre. Ils sont restés en place parce que, formant le parti ayant le plus de députés, ils semblaient les plus susceptibles d’avoir la confiance des Communes.
Si le gouvernement actuel perd la confiance des Communes, il peut recommander à la Gouverneure générale, soit d’accepter sa démission et de choisir d’autres conseillers, soit de dissoudre le Parlement. La Gouverneur générale n’est pas obligée de suivre ces recommandations (puisque ses conseillers n’ont plus la confiance des Communes), mais, pour ce faire, elle doit se trouver d’autres conseillers susceptibles d’obtenir cette confiance. Si elle ne peut trouver de tels nouveaux conseillers, elle doit suivre l’avis de ses conseillers actuels.
Ainsi s’expliquent les efforts que font actuellement les partis d’opposition pour mettre sur pied une alliance qui pourrait donner à la Gouverneure générale une raison suffisante de leur confier la responsabilité de former un nouveau gouvernement susceptible d’obtenir la confiance de la Chambre des communes. Si elle devait réussir, cette alliance comprendrait un gouvernement de coalition entre les Libéraux et les Néo-démocrates, appuyé de l’extérieur par le Bloc québécois. La coalition elle-même rassemblerait 114 députés et représenterait 44% des électeurs, contre 143 députés et 38% des électeurs pour les Conservateurs.
Si la coalition est formée et que le gouvernement est défait, il est clair que la Gouverneure générale aura le loisir de ne pas acquiescer à la dissolution du Parlement avant de s’être assurée qu’il n’y a pas de possibilité véritable de se trouver d’autres conseillers capables d’obtenir la confiance stable des Communes. Et, à cette fin, il serait légitime qu’elle rencontre d’abord les chefs de la coalition et du Bloc québécois. Car il faut se rappeler qu’après deux gouvernements minoritaires, les électeurs viennent tout juste de refuser de donner aux Conservateurs la majorité qu’ils réclamaient et pour laquelle ils avaient déclenché les élections à l’encontre de la loi qu’ils avaient eux-mêmes fait adopter sur des élections à date fixe.
Enfin, il faut souligner que de telles règles sur l’exercice de la prérogative royale s’appliquent aussi bien à la prorogation de la Chambre des communes (qui met fin à une session parlementaire) qu’à sa dissolution (qui met fin au Parlement et déclenche des élections). Cela ne semble pas avoir été compris par les commentateurs, mais pourrait se révéler important si le gouvernement voulait éviter de perdre la confiance de la Chambre des communes en recommandant à la Gouverneure générale de mettre fin à la session en la prorogeant. La question peut donc se retrouver sur la table de la Gouverneure générale bien avant lundi prochain.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé