La police en hijab ou les mauvaises idées de Valérie Plante

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Les Québécois veulent une assimilation culturelle des nouveaux arrivants

Il n’aura pas fallu beaucoup de temps à Valérie Plante, la mairesse de Montréal, pour se montrer favorable à la proposition de Marvin Rotrand qui veut voir le SPVM s’ouvrir aux signes religieux ostentatoire. En gros, il veut qu’un policier montréalais puisse arborer un turban sikh et une policière un hidjab. Certains sont surpris: ils voulaient tellement admirer Valérie Plante qu’ils ne l’imaginaient pas se soumettre ainsi au dogme du multiculturalisme canadien.


Mais il n’y a rien là de surprenant, pour peu qu’on connaisse ses idées sur la question. En fait, elle ne se soumet pas au multiculturalisme: elle nous l’impose. C’en est une promotrice zélée, bien qu’elle le maquille en simple «promotion de la diversité», qu’il faudrait mettre en valeur contre le «racisme systémique» de la société québécoise. Elle adhère même à la thèse loufoque qui fait de Montréal un territoire mohawk non-cédé, comme si les Québécois étaient de trop chez eux et devaient s’excuser d’avoir construit ce pays – en gros, malgré quatre siècles d’histoire, le Québec serait toujours illégitime. Elle semble engagée dans un rituel pénitentiel interminable pour expier ce que certains, hantés par des fantasmes idéologiques, appellent le «privilège blanc» des Québécois francophones.  


L’argument est répété sans cesse: il serait nécessaire de prendre ce virage pour marquer une ouverture à l’endroit de la diversité. En se montrant favorable au voile islamique, la police de Montréal ferait preuve de bonne foi envers la communauté musulmane, que certains s’imaginent discriminée. Ainsi, c’est en s’appropriant publiquement les codes et les coutumes des populations immigrées qu’on parviendrait vraiment à les intégrer. Comment ne pas y voir un autre exemple de l’inversion du devoir d’intégration qui fonde la doctrine multiculturaliste? On sous-estime étrangement l’intransigeance et peut-être même le fanatisme de ceux qui ne veulent participer à la vie publique qu’à condition d’imposer leurs signes religieux ostentatoires. Ils font pourtant preuve d’un absolutisme identitaire et religieux qui devrait nous inquiéter en refusant le moindre compromis lorsque vient le temps d’afficher publiquement l’ardeur de la leur foi, comme s’ils refusaient de s’adapter aux mœurs occidentales. Nous ne voulons voir là qu’un zèle individuel de personnes très religieuses: en fait ce sont des communautarismes qui instrumentalisent la logique des droits pour occuper l’espace public et y faire une démonstration de force. Dans le cas présent, on veut nous obliger à normaliser le voile islamique, comme s’il allait de soi. Ce geste relève moins de la tolérance que de la soumission.


Mais ces évidences peinent à être entendues dans l’espace public tellement les élites médiatiques assimilent toute résistance au multiculturalisme à de la xénophobie. Fondamentalement, nos sociétés devraient toujours pousser plus loin leur ouverture aux exigences supposées de la «diversité» et qui ne s’enthousiasmera pas pour cette logique sera accusé d’intolérance et de crispation identitaire. Et nos sociétés ont de moins en moins le droit de défendre leur identité, leur conception du monde commun et même leur conception du monde. On s’en souvient peut-être mais en 2008, les recommandations du rapport Bouchard-Taylor, exigeant notamment l’interdiction des signes religieux ostentatoires chez les employés de l’État en situation d’autorité avaient été jugé sur le moment terriblement insuffisantes. On reprochait au rapport Bouchard-Taylor son minimalisme politique et plus encore, son diagnostic de la crise des accommodements raisonnables, dans laquelle il voulait surtout voir un révélateur de la crispation identitaire de la majorité francophone devant la diversité. Peu à peu, on a voulu nous faire croire que Bouchard-Taylor représentait un monument de sagesse intellectuelle auquel tous devaient se rallier, pour bâtir au Québec un consensus modéré. Désormais, on décrète que les recommandations de Bouchard-Taylor sont excessives. En moins d’une décennie, le minimum vital est devenu un symbole de radicalisme politique et le simple bon sens passe désormais pour outrancier. Répétons-le : pour la mairesse Plante, on comprend qu’un Québec ouvert est un Québec qui accepte qu’on voile ses policières. Tel devrait être le nouveau test de tolérance de notre société.


Qu’on me permette d’insister: depuis dix ans, les Québécois ont beaucoup débattu de la question des accommodements raisonnables. Mais ce débat n’a rien donné: palabres, palabres et palabres! Notre société a multiplié les controverses sans parvenir à affirmer une proposition forte qui définirait un modèle d’intégration spécifique au Québec, le dégageant des contraintes du multiculturalisme canadien, au nom duquel on nous colonise idéologiquement. On peut y voir un symbole de l’impuissance politique québécoise: nos institutions peinent à traduire en décisions fortes les préférences pourtant claires de la population, qui globalement, témoignent d’une adhésion au principe de la culture de convergence, pour reprendre un concept attaché à Fernand Dumont. Les Québécois, au fond d’eux-mêmes, adhèrent à une idée qu’il faudrait remettre de l’avant : à Rome, fais comme les Romains. Mais lorsqu’ils le disent, on les sermonne. Une société s’épuise à tourner en rond. Et la mouvance idéologique «inclusive», elle, demeure hyperactive. Devant la paralysie du gouvernement, elle travaille à faire de Montréal le laboratoire d’un multiculturalisme de plus en plus radical, à la canadienne, pourrait-on dire, ce qui accélère sa sécession mentale et culturelle d’avec le reste du Québec. Il faut dire non au voile à la police de Montréal.