La péréquation? Cela a toujours été un instrument pour contenter le Québec!

0f6917f88ce63ba8b3a19026431fc595

Legault a déjà dénoncé l'instrumentalisation de la péréquation par les fédéralistes

Ce n’est pas moi qui le dit, c’est un chroniqueur du Canada anglais, Ted Morton de la Calgary School of Public Policy et de la Manning Foundation. Dans un texte publié hier dans le Calgary Herald, Morton traite d’un bouquin récemment publié aux Presses de l’Université de Toronto sur le fédéralisme fiscal et la péréquation.


Ce qui est intéressant dans le texte de Ted Morton c’est qu’il aborde un élément souvent oublié, discret ou tu de la politique fiscale et de la péréquation au Canada, son instrumentalisation à des fins de politique partisane.


Surtout par les fédéralistes québécois.


Morton rappelle que le programme de péréquation a été fondé en 1957 « afin de briser l’isolation fiscale et institutionnelle du Québec ».


Toutefois, dans son texte, Morton insiste pour établir un lien entre la montée du mouvement indépendantiste au Québec dès le début des années soixante et la croissance du programme de péréquation. Un programme qui, selon lui, serait fait sur mesure pour « gâter » le Québec en quelque sorte. Extrait :




« Au moment où l’agitation séparatiste prenait de l'ampleur au Québec dans les années 1960, le gouvernement libéral a augmenté le nombre de sources de revenus pour inclure 50% des redevances sur les ressources non renouvelables et a ajouté à la formule du calcul de la péréquation des provinces productrices de pétrole et de gaz comme l'Alberta et la Saskatchewan.


Ces changements ont fait augmenter la taille du bassin de péréquation versée aux provinces démunies, le Québec recevant la plus grande part.


Au cours des années 1970, la flambée des prix du pétrole a fait de l'Alberta la province la plus riche du Canada par habitant. Les libéraux de Trudeau ont profité de l'occasion pour augmenter le montant des transferts de péréquation en introduisant une nouvelle distinction arbitraire dans la formule de péréquation entre «revenus de base» et «revenus additionnels» (tirés du pétrole et du gaz).


Mais il n'y a aucune mention du Programme énergétique national (PEN) de Trudeau, sans doute le plus important programme de transfert interprovincial de recettes de l'histoire du Canada. Ce n'est pas une coïncidence si cette augmentation de la péréquation a coïncidé avec la victoire des séparatistes du Parti québécois aux élections de 1976 au Québec. »



Et plus loin, Ted Morton en revient au bouquin qu’il cite en début de texte afin d’en tirer une citation sur l’instrumentalisation politique de la péréquation. Un passage intéressant :



« La péréquation a surtout permis d’aider les fédéralistes du Québec à se battre contre l'indépendance. [...] Les arguments économiques en faveur du maintien du Québec au sein Canada ont souvent mis en évidence des références, parfois explicites et parfois implicites, au programme de péréquation comme instrument capital pour le financement des programmes sociaux de cette province. »


Ted Morton est de ces commentateurs du Canada anglais pour qui le Québec fait figure de caillou dans le soulier. Un agacement qui dure depuis longtemps. Son argumentaire ne tient compte d’aucune donnée qui pointe vers ce que donne le Québec à la fédération. On sent une pointe de cynisme dans sa conclusion :


« Je suppose que rien de tout cela ne devrait vraiment nous surprendre. Pour ma génération, la question du Québec a été explicite ou implicite dans presque tous les conflits électoraux ou de politique institutionnelle fédérale depuis que nous avons atteint l'âge de voter. Du PEN dans les années soixante-dix, au rapatriement, la constitution [1982], Meech et Charlottetown dans les années quatre-vingt; de la gestion de l'offre (produits laitiers, œufs et poulets) au développement de l'industrie aérospatiale et Bombardier; et maintenant, en s’opposant aux oléoducs et en imposant des taxes sur le carbone, il y a toujours une quatrième dimension à la politique fédérale. »



Un portrait plus nuancé


Bien sûr, la réalité est beaucoup plus nuancée que ce portrait dressé par un commentateur qui fait partie de ceux qui préfèreraient presque de « débarrasser » du Québec. Je plaisante à peine.


Un des textes les plus intéressants pour expliquer les tenants et aboutissants du calcul de la péréquation demeure celui qu’a publié l’économiste Pierre Fortin dans L’Actualité de juin 2014. Clair, concis et écrit dans une langue qui permet au profane de bien saisir pourquoi le Québec reçoit des milliards en péréquation.


En gros, Pierre Fortin avance que « c’est parce que la richesse des provinces pétrolières est hors norme et que la vraie richesse du Québec est sous-estimée ».


Notamment, selon l’économiste, car « presque tout coûte moins cher au Québec que dans les six autres provinces non pétrolières » et que « le calcul des paiements de péréquation ne tient pas compte de ces différences de prix entre les provinces. Il s’appuie sur leur revenu monétaire pur, dont le PIB par habitant est l’indicateur synthétique. Comme le revenu monétaire (le PIB par habitant) est beaucoup plus bas au Québec, la formule fédérale se trouve à sous-estimer sa vraie richesse et à lui accorder une compensation d’autant plus importante. »


Politisation du débat sur la péréquation


Au cours des derniers jours, le débat sur la péréquation a refait surface au Québec. Le chef de la CAQ François Legault en fait un argument de campagne électorale en adoptant, à peu de chose près, la même indignation qui agite les gens de l’Ouest canadien comme Ted Morton. Le chef de la CAQ trouve « gênant » que le Québec retire autant de péréquation.


François Legault insiste sur le fait que « le Québec n’a jamais été aussi dépendant économiquement et financièrement du reste du Canada ». Il pourrait aller en glisser un mot aux gens de la Davies à Québec qui attendent encore leur juste part des contrats d’approvisionnement du Canada justement. Le coût de la dépendance.


Là où je me bidonne un peu, c’est quand on considère que François Legault compte dans ses rangs quelqu’un qui pourrait lui faire la pédagogie sur tout ce que « perd » le Québec dans le marché de la péréquation.


Et je vais même être bon prince en lui permettant de faire l’écoute ici, tout simplement, de la présentation convaincante qu’avait faite son conseiller Stéphane Gobeil intitulée « Un gouvernement de trop ».




La meilleure manière de mettre fin complètement au débat et de couper court aux manifestations de mépris comme celle de Ted Morton c’est de cesser complètement ce programme de péréquation. Ainsi, les gens de l’Ouest n’auront plus l’impression (fausse et fallacieuse) de nous faire la charité.


La meilleure manière de mettre fin complètement à la péréquation, c’est de faire l’indépendance. Mais ça, François Legault le sait fort bien. À son époque de caribou, il en faisait lui-même une explication assez intéressante...




On notera à partir de 4:59, la critique que fait François Legault des «fédéralistes qui instrumentalisent le débat sur la péréquation»...