La marmite multiculturelle

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Avec Couillard, on va attendre longtemps


Notre marmite multiculturelle fait jaser et camper bien des positions. Le Parti libéral voudrait qu’on maintienne le couvercle hermétiquement fermé.

Conscient du fait que cette solution l’avantage électoralement, il n’hésite pas à montrer un doigt accusateur et fusiller ses adversaires avec les mots intolérance, xénophobie, qui sont devenus les nouvelles cordes de pendaison sociale dans les sociétés multiculturelles.

Pourtant, en 2013, M. Couillard avait promis, une fois élu, de faire une priorité de l’enchâssement du principe de neutralité religieuse de l’État dans la Charte québécoise des droits.

Trois ans plus tard, on attend encore et, pendant ce temps, toutes les formations politiques instrumentalisent à différents degrés l’immigration à des fins partisanes.

Échaudé par son séjour récent sur le bûcher multiculturel à cause de la charte de 2014, le Parti québécois s’approche de la marmite avec beaucoup d’ambivalence. Il sait d’une part que toute démarche viable et durable vers l’indépendance ne peut se passer d’une bonne partie des jeunes et des immigrants, qui sont très frileux sur les questions identitaires. Mais il est tout aussi conscient que les francophones sont beaucoup plus divisés sur son option que sur la nécessité de barrer la route à une certaine forme d’intégrisme revendicateur. Est-ce qu’on peut reprocher aux gens qui ont connu la Grande Noirceur de penser qu’accepter la liberté de conscience, ce n’est pas de s’effacer pour permettre à une minorité d’extrémistes, réfractaires aux changements, d’exister sans compromis ?

Entre son envie de séduire plus large et le besoin de consolider sa base, le dilemme du PQ est entier. M. Legault, lui, avance vers le chaudron avec la ferme intention d’ouvrir le couvercle et de jouer dans le bouillon, qu’il juge avoir besoin de quelques corrections pour ne pas laisser ce goût de plus en plus amer dans la population.

En effet, avec la stratégie libérale du couvercle fermé, la pression ne cesse de s’accumuler, et depuis 10 ans, l’immigration s’est imposée comme thème majeur à chaque élection. Si on avait appliqué Bouchard-Taylor tout juste à la fin des travaux, les chances d’avoir un déchirant psychodrame collectif auraient été bien plus faibles. Sur ces enjeux-là, c’est justement quand il n’y a pas de problème qu’il faut légiférer pour ne pas faire de victimes. Est-ce qu’il y a quelqu’un qui pense encore que Bouchard-Taylor serait applicable dans le Canada du premier ministre Trudeau ?

Depuis 10 ans, on parle très émotivement de l’immigration et au final, il ne se passe rien et les frustrations bidirectionnelles s’accumulent. J’ai bien dit des frustrations bidirectionnelles, parce que nombreux sont aussi les immigrants qui pensent qu’il y a des problèmes. Demandez à ces néo-Québécois qui n’ont que le chômage comme option, qui butent sur les forteresses des ordres professionnels ou se font carrément discriminer à l’emploi, s’ils trouvent que l’immigration est juste une richesse ?

Quand la Chambre de commerce et le Conseil du patronat nous chantent cette rengaine du « plus c’est mieux », c’est parce qu’ils savent, comme disait l’autre, que l’avenir appartient à ceux dont les employés se lèvent tôt, et encore plus quand la main-d’œuvre est abondante, et donc à bon marché. Qu’est-ce qu’on veut ? Ouvrir la porte du bungalow à toujours plus de gens et en entasser une bonne partie dans l’humidité du sous-sol, ou en inviter à la hauteur des capacités d’accueil de notre cuisine et salle à manger pour se donner la chance de partager un repas dans la fraternité ? En quoi est-il condamnable de se poser cette question ? En quoi est-il condamnable de dire qu’avant d’augmenter le nombre, il faut d’abord s’occuper de ceux qui sont déjà arrivés et vivent dans le désespoir total ?

Le Québec a l’avantage d’être une jeune terre d’immigration et il gagnerait à éviter les pièges dans lesquels la France et l’Angleterre, qui ont des façons de faire diamétralement opposées, mais également mauvaises, sont solidement engluées. Là où la France hurle sa frustration en brassant indélicatement le chaudron, l’Angleterre a toujours vissé solidement le couvercle sur sa marmite. Si en France, la fracture mène tranquillement à cette confrontation interne tant souhaitée par le groupe État islamique, en Angleterre, l’accumulation de pression dans la marmite bien fermée a fini par créer l’explosion génératrice du Brexit.

Le débat sur l’identité et la laïcité est nécessaire, mais seul un dialogue calme, réfléchi et de préférence non partisan peut générer cette indispensable et fine ligne de consensus.

Pour y arriver, je crois que les médias qui carburent aux cotes d’écoute devraient cesser de faire leurs choux gras de la moindre peccadille touchant cet enjeu. 

L’absence d’encadrement est, à mon avis, beaucoup plus néfaste sur l’harmonie interculturelle que la présence de balises bien claires pour tout le monde. Pour cause, devant le vide politique, chaque événement anecdotique sur le sujet fait rougir les lignes ouvertes, qui se transforment souvent en défouloirs populaires sur l’immigration qui font beaucoup de dommages aux ponts que certains essaient de construire.


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