La majorité de la CAQ, la moins représentative de l'histoire du Québec?

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Le Canada anglais tente de décrédibiliser Legault

Le gouvernement de la CAQ de François Legault serait-il celui qui, dans l’histoire du Québec, aurait été appuyé par le moins de gens?


C’est ce qu’avance le Global News aujourd’hui. Permettez-moi de nuancer. Car cette affirmation est exagérée.


Je suis tombé, par Twitter, sur cet article de Global News, de la correspondante à Québec Raquel Fletcher.


On présentait l’article sur le fil Twitter par l’extrait suivant: «Jamais un gouvernement majoritaire n’a été appuyé par si peu de gens [en parlant du gouvernement de François Legault].»


Voilà qui pique ma curiosité. Pourquoi? Parce que dans le cadre de recherches pour un autre texte récemment, j’ai appris que l’élection de 2008 au Québec avait été celle d’une certaine démission démocratique; c’est-à-dire une élection où le taux de participation avait été parmi les plus bas de l’histoire du Québec.


Soit 57% et des poussières.


Pour saisir l’ampleur de cette démission démocratique, il faut revenir à l’élection de 1919 au Québec où le taux de participation n’avait été que de 55,07%!


Pour en arriver à la conclusion que «jamais un gouvernement majoritaire n’a été appuyé par si peu de gens» que celui de la CAQ, voici le calcul qui est avancé dans le reportage de Global News: le parti de François Legault a récolté 60% des sièges disponibles en ne récoltant que 37% des voix exprimées (c’est phrasé ainsi dans le texte). Donc 74 sièges par 37,4% du vote.


Lors de l’élection de 2008, qui faisait suite à l’élection minoritaire de Jean Charest en 2007, rappelons-le, le faible taux de participation s’expliquait, notamment, par le choix de tenir l’élection de 2008 à quelques jours du temps des Fêtes, en décembre.


Voilà une recette parfaite pour faire chuter drastiquement le taux de participation.


Mais cette décision n’était pas fortuite. Et elle était volontairement cynique.


C’est que les stratèges libéraux savaient très bien qu’entre 1976 et 2008, plus le taux de participation augmentait, plus les chances du PLQ de former un gouvernement majoritaire diminuaient. Et comme l’élection de 2008 n’avait pour but que de changer la minorité gouvernementale de Charest en majorité, la meilleure solution était de s’assurer que le taux de participation soit bas.


Et il le fut. De façon catastrophique. Et cynique (surtout quand on a commencé à apprendre l’ampleur des magouilles libérales qui avaient cours avant et qui se sont amplifiées à la suite de cette élection).


Jean Charest a donc récolté 66 sièges et 42% du vote exprimé. En termes de pourcentage simple (simpliste), on dira dès lors que cette majorité est plus faible que celle de François Legault, soit 53% des sièges pour 42% du vote.


Mais on traite dans le texte de Global News du concept «d’appui populaire». Ce qui renvoie au nombre de votes exprimés versus la majorité parlementaire.


Et quand on analyse l’élection de 2008 versus celle de 2018, le portait diffère.


Car il m’apparaît important de nuancer en fonction de l’appui populaire exprimé. En 2008, Jean Charest a arraché sa majorité parlementaire de 66 sièges en ayant 42% du vote, certes, mais seulement par l’appui d’un peu plus de 1,3 million d’électeurs.


En seconde place avec 226 861 votes de moins (très peu), le Parti québécois a récolté 15 sièges de moins que le PLQ. Voilà une incohérence à noter quand même.


En 2018, François Legault a donc reçu l’appui de 37,4% des électeurs, mais en fonction d’un taux de participation plus élevé (mais quand même décevant) de 66,5%. Ce sont donc plus de 1,5 million d’électeurs qui ont porté au pouvoir la CAQ au moyen de 8 sièges de plus que le PLQ de Jean Charest en 2008.


Notons que le 24,8% d’appuis du PLQ lors de la récente élection s’est traduit par 31 sièges en raison de la concentration du vote libéral au sein de comtés où la proportion du vote non francophone l’avantage grandement.


Qu’en déduire?


Que le portrait est beaucoup plus nuancé que cette affirmation selon laquelle «jamais un gouvernement majoritaire n’a été appuyé par si peu de gens» que celui de François Legault.


En fait, je suis retourné aussi loin que possible dans les archives de Global News pour tenter de trouver un texte qui critiquerait le mode de scrutin du Québec comme on le fait dans celui de Fletcher cité ici; je n’ai rien trouvé.


Peut-être parce que ce mode de scrutin a longtemps assuré au PLQ une représentation avantageuse à condition de se tenir à un minimum d’environ 25% d’appuis chez les francophones. Ce faisant, le Parti libéral partait toujours avec un avantage indu comparativement à ses adversaires.


En 2018, l’électorat francophone a rejeté complètement le PLQ. Et en se divisant moins, en appuyant plus massivement un seul parti, la CAQ, c’est l’inverse qui s’est produit; le PLQ a goûté à sa propre médecine.


Et comme le PLQ n’est guère plus que le «Liberal Party of Montreal», pour citer Antoine Robitaille, on la trouve un peu moins drôle dans certains médias anglophones...