La leçon japonaise

Crise mondiale — crise financière

Radar 7 avril 2008 : la leçon japonaise

Au moment où cette crise a éclaté, le Japon sortait péniblement du cycle déflationniste de dix ans provoqué par l’éclatement d’une bulle immobilière et boursière. On y connait donc parfaitement, pour les avoir durement éprouvés, les mécanismes à l’oeuvre en ces circonstances.
Le document ci-dessous, préparé par Richard C. Koo, économiste à la banque Nomura, résume en quelques phrases simples pourquoi il est essentiel de nettoyer le secteur bancaire au plus vite pour retrouver un semblant de stabilité.
Tant que la facture de la bulle n’aura pas été soldée, tous les fonds qui en temps normal auraient irrigué le système des échanges via le secteur financier y resteront prisonniers en raison de la paralysie provoquée par le processus de deleveraging, de liquidation et de désendettement.
Cette « fuite » d’une partie des revenus en un stock improductif continuera d’appauvrir les sociétés, cherchant aveuglément un point bas qui porte un nom : dépression.
Au Japon, la destruction de valeur patrimoniale a atteint 15 000 milliards de dollars, soit trois fois le PIB, ce qui correspondrait à 45 000 milliards aux USA.
Le FMI s’apprête à publier une nouvelle estimation du total des actifs douteux en circulation : 4000 milliards de dollars.
Aujourd’hui, moins d’un milliard de pertes ont été constatées. Si la pente s’arrêtait là, les trois quart du chemin seraient donc encore à parcourir.
Aux USA, les plus grandes banques sont sans aucun doute virtuellement en faillite, mais en raison de l’impossibilité pour des hommes formés à Wall Street de remettre en cause leurs croyances, de renoncer aux mythes du marché, la solution consistant à forcer sous la contrainte de l’Etat le nettoyage du système n’est toujours pas appliquée.
Dans un monde financier aussi interconnecté, croire que l’Europe serait miraculeusement à l’abri relève du voeu pieux ou de l’inconscience.
Alors que l’économie mondiale est déjà en chute libre - sur un rythme plus rapide encore que durant la crise de 29, comme le montrent les graphiques préparés par Barry Eichengreen et Kevin H. O’Rourke reproduits ci-dessous - les gouvernements occidentaux tablent sur une reprise qui ferait l’impasse sur la nécessité de la restructuration de la dette à marche forcée.
Richard C. Koo - tout comme Keiichiro Kobayashi, dont nous reproduisons également un écrit - pensent qu’ils se trompent. Lourdement.
The Age of Balance Sheet Recessions : What Post-2008 U.S., Europe and China Can Learn from Japan 1990-2005
- Les « récessions de bilan » apparaissent à la suite de l’éclatement d’une bulle généralisée du prix des actifs, qui laisse de nombreux bilans du secteur privé chargés de plus de dettes que d’actifs.
- Afin de restaurer les bilans, le secteur privé abandonne l’objectif de la maximisation du profit pour celui de la minimisation de l’endettement
- Avec un secteur privé qui veut se désendetter - même avec des taux directeurs à zéro - l’épargne nouvelle et les remboursements de crédits se dirigent vers le système bancaire mais ne peuvent en sortir en raison du manque d’emprunteurs. Le total de l’épargne et des remboursements d’emprunts devient une « fuite » dans les flux de revenus.
- Le gap déflationniste créé par cette fuite continuera à entrainer l’économie dans sa contraction vers un nouvel équilibre jusqu’à ce que le secteur privé soit trop appauvri pour épargner quoi que ce soit. (=depression)
- Dans ce type de récession, l’économie ne retrouvera pas de croissance endogène tant que les bilans du secteur privé n’auront pas été restaurés.


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