PARTI QUÉBÉCOIS

La laïcité pourchasse Couillard

Le PQ attise le débat à l’aube de la nouvelle session parlementaire

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Il n'est pas sorti du bois

Le débat sur la laïcité a repris de plus belle… au Parti québécois à tout le moins. Le premier ministre Philippe Couillard a une vision faussée de la « réalité québécoise » en raison de son séjour prolongé en Arabie saoudite, suggère le chef intérimaire du PQ, Stéphane Bédard.

« Il a été consultant auprès [de l’Arabie saoudite] à une certaine époque. Il semble [aujourd’hui] très imprégné de ces valeurs, de cette réalité », a-t-il déclaré lors d’un point de presse au terme du caucus présessionnel du PQ jeudi midi. « On peut voir ce qui se passe ailleurs, mais en même temps on lui demande de ne pas importer cette réalité ici », a-t-il ajouté.

Les élus péquistes s’interrogeaient jeudi sur les causes du « refus d’agir » du gouvernement libéral sur le front de la laïcité. « On a proposé des actions concrètes sur l’égalité entre les hommes et les femmes, sur la laïcité, sur la lutte contre l’intégrisme et, chaque fois, monsieur Couillard nous a taxés que ce soit de racisme ou d’intolérance. Il est mal à l’aise avec ces questions », a dit le chef de l’opposition officielle.

Diffamation

Les propos de M. Bédard sont « à la limite de la diffamation », a fait valoir à La Presse canadienne M. Couillard, en marge du Forum économique mondial, à Davos. Il pourrait y avoir matière à poursuite, a-t-il spécifié, manifestement irrité de voir des élus péquistes s’affairer à éveiller des soupçons sur son passé. Mais, il n’a pas de « temps à perdre » avec un « individu semblable ».

M. Bédard ne cherchait « en aucun cas […] à laisser entendre que le premier ministre désire implanter au Québec différentes pratiques qui bafouent les droits humains et qui ont cours en Arabie saoudite », a précisé le cabinet du chef de l’opposition officielle jeudi soir.

M. Couillard a participé à la mise sur pied d’un service de neurochirurgie dans la ville saoudienne de Dhahran entre 1992 et 1996. Il a également siégé au conseil consultatif international créé par le ministre de la Santé saoudien en 2009.

Le Québec est interpellé par le phénomène de l’intégrisme religieux. Pourtant, M. Couillard « laisse entendre que tout va bien », déplore le député de Lac-Saint-Jean, Alexandre Cloutier. « Son expérience personnelle l’invite peut-être à avoir une compréhension qui n’est pas juste de la situation. »

Charles Taylor intervient

Les coprésidents de la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, Gérard Bouchard et Charles Taylor, craignent une instrumentalisation des attaques de terroristes islamistes contre le magazine satirique Charlie Hebdo et l’épicerie Hypercacher, il y a deux semaines à Paris, afin de promouvoir un projet de charte de la laïcité. « Ça risque de peser sur la réflexion, puis de l’orienter vers des directions qui ne sont peut-être pas souhaitables, qui sont peut-être un petit peu plus radicales qu’elles ne le seraient normalement dans un contexte plus calme, plus serein », a affirmé l’historien et sociologue Gérard Bouchard sur les ondes de Radio-Canada Première jeudi matin. « Si les gens croient que le moment est propice à cause des événements de Paris, ils ont grandement tort », a renchéri le philosophe Charles Taylor dans un entretien à La Presse canadienne. Selon lui, il s’agirait d’« une erreur monumentale de mélanger les questions de terrorisme et les questions du vivre-ensemble dans la diversité ». « Du moment où on fait un amalgame comme ça, on est tout droit sur le chemin de la division sociale », a-t-il mis en garde.

Le député de Rosemont, Jean-François Lisée, lui, insiste sur la nécessité de « reconnaître » le « lien entre la laïcité et la lutte contre le terrorisme islamiste ». « Ce que les islamistes radicaux veulent, c’est l’antilaïcité », a-t-il expliqué dans le hall d’entrée de l’hôtel Relais Gouverneur Saint-Jean-sur-Richelieu, tenant à la main un exemplaire de Charlie Hebdo. Il propose notamment d’« assurer l’emploi de la population maghrébine » et « faire la promotion de la laïcité dans nos écoles » afin de « prévenir au maximum l’émergence de djihadistes sur le territoire québécois ».

L’ex-ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques Bernard Drainville exhorte M. Couillard de légiférer une fois pour toutes afin de renforcer la neutralité religieuse de l’État québécois. « Pourquoi est-ce si compliqué de dire : “ Voici les règles qui vont s’appliquer s’il y a des demandes d’accommodement [religieux]. On ne pliera pas sur l’égalité hommes-femmes. […] ” Mets ça dans un projet de loi et déguédine ! » s’est-il exclamé.

Cependant, le dévoilement d’une charte de la laïcité reflétant la position du chef libéral Philippe Couillard en matière d’interdiction du port de signes religieux à un certain nombre d’employés de l’État « ne réglera rien », avertit M. Bouchard. « M. Couillard a déjà affirmé ses positions qui sont très claires, c’est le port des signes religieux partout sans restriction, sauf le voile intégral dans certaines circonstances. À mon avis, ça ne réglera rien. Ça ne passera pas dans la plus grande partie de la population. Puis, ça va être à recommencer. » Le Québec serait alors le théâtre d’une « autre crise » des accommodements raisonnables.


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