La laïcité comme remède au vivre-séparé

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Une même loi pour tous et non le vivre-séparés

On n'agit pas pour le bien public lorsqu'on fait des règlements distincts pour chaque communauté. En agissant ainsi, on ne les rapproche nullement, mais on les éloigne les unes des autres. Dans le mot communauté, il y a commun. Une loi doit être commune, c'est-à-dire faite pour tous en effaçant les différences. Il ne saurait y avoir de lois pour chacun, ce qui n'aidera jamais le vivre-ensemble. Pour vivre ensemble, il faut se rapprocher et ce n'est pas se rapprocher que d'exhiber des signes distinctifs. Porte-t-on atteinte à la liberté d'un individu en lui demandant de respecter une loi commune en vue de bâtir une société cohérente et homogène ? Ce sont plutôt les signes ostentatoires qui n'invitent pas au vivre-ensemble.
À l'époque où le Québec était uniquement catholique, il n'y avait aucun problème à exhiber une croix. Dans une société musulmane, les femmes voilées, c'est la normalité. Mais aujourd'hui, à Montréal, où le peuple a déjà fait sa révolution et où plusieurs religions doivent cohabiter malgré leurs divergences, est-ce opportun de les faire s'opposer visiblement par des signes distinctifs? La laïcité demande simplement de s'intégrer à son milieu. Les Romains acceptaient sans problème les immigrants. Ils leur demandaient seulement de faire comme les Romains, c'est-à-dire d'obéir aux lois de Rome. Est-ce trop demander à quelqu'un qui désire s'établir à l'étranger?
Aucune loi ne devrait être adaptée à l'immigrant. Cela me semble relever du bon sens et j'ai du mal à comprendre que ce soit devenu un sujet de discussion. Car ce n'est pas attenter à la liberté d'autrui que de lui demander de faire comme les autres, d'autant qu'il a librement choisi de venir s'installer dans le pays d'accueil. Personne ne l'y a obligé. En outre, il peut librement pratiquer sa religion dans des lieux de culte réservés à cette fin. Il peut tout aussi bien prier chez lui quand il le désire. Pourquoi faire de l'espace public commun un lieu où les religions doivent s'afficher ? Le paraître prend ici nettement le pas sur l'être, qui aurait dû primer, surtout en matière de religion qui fait appel aux croyances les plus profondes et les plus personnelles d'un être humain. De surcroît, le Québec a déjà fait il y a longtemps sa révolution en matière de laïcité. Il est étrange que dans un territoire où les églises se sont vidées, on veuille maintenant remplir les rues de signes religieux!
Les accommodements de messieurs Taylor et Bouchard me semblent donc franchement déraisonnables, car ils envoient un message d'exclusion et non pas d'inclusion, ce que fait par contre la laïcité. Lorsque je croise un signe religieux ostentatoire, je ne me dis pas : quelle société ouverte et tolérante! Comme le Québec est accueillant ! J'ai plutôt l'impression légèrement déprimante qu'on a érigé entre l'autre et moi une barrière où il serait écrit: T'approche pas de moi, t'es pas de mon bord!
Est-ce cette société morcelée, ce vivre-séparé où chacun est enfermé dans sa bulle et étranger à l'autre que veulent construire MM. Taylor et Bouchard? Ou un milieu ouvert et fraternel où les gens seraient proches les uns des autres dans un vrai vivre-ensemble? La liberté, ce n'est pas faire tout ce qu'on veut, mais plutôt ce que permet la loi, qui devrait être, répétons-le, la même pour tous. C'est ici qu'intervient l'égalité, mais nos deux auteurs semblent avoir oublié cet élément au profit d'une pseudo-liberté. Permettraient-ils à un renard d'entrer dans un poulailler au nom du même principe? Je m'empresse d'ajouter, pour empêcher toute polémique, que je ne compare personne à ces animaux. C'est juste une métaphore. Mais cette précision est nécessaire à une époque de régression où il devient, hélas, de plus en plus difficile de parler librement.
Rapprochez-nous, Messieurs les accommodeurs, au lieu de nous éloigner, et puis laissez, de grâce, la religion en dehors de l'espace public. Il existe des endroits où le croyant peut aller tranquillement et librement prier, se recueillir, méditer et porter tous les signes qu'il désire.
Claudel disait: «La tolérance, il y a des maisons pour ça.» Je vous dirai moins brutalement et en toute amitié qu'il y a une bonne et une mauvaise tolérance. La vôtre appartient très clairement à la seconde catégorie.


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