La gauche péquiste fustige Marois

Le SPQ Libre n'a pas digéré ses récents propos sur le «dégraissage» du secteur public

Négociation 2010

Québec — Les sorties des derniers jours de la chef péquiste Pauline Marois sur les syndicats et sur le «dégraissage» du secteur public ont ulcéré la gauche du Parti québécois. «J'étais surpris et choqué de ça. On n'est absolument pas contents», a confié Marc Laviolette au Devoir hier. M. Laviolette est président du SPQ Libre, les Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre, club politique de gauche créé au PQ en 2004. Depuis l'arrivée de Mme Marois à la tête du PQ, en mai 2007, le groupe s'était montré très réservé dans ses critiques à l'égard de la chef; contrairement à l'époque où André Boisclair fut chef et dont il avait à un moment réclamé la tête.
Au caucus du PQ cette semaine à Orford, la chef péquiste a qualifié d'«un peu élevées» les demandes de hausse salariale de 11,25 % sur trois ans du front commun des employés du secteur public. «C'est du monde ordinaire dans le secteur public!», s'est indigné M. Laviolette, avant d'ajouter: «Dire qu'ils demandent trop... Quand les riches de la société, tous des pourris, comme ceux qui ont pris le beurre à la poignée, les Norbourg ou l'autre Jones, tout le racket de la construction, les PPP et ceux qui ne paient pas leurs impôts... C'est eux qui demandent trop! Pas les simples travailleurs qui se dévouent pour soigner la population du Québec. Au PQ, on devrait se déchaîner là-dessus plutôt que de dire "ils en demandent un peu trop"!»
À la défense du secteur public
Pour le vice-président du SPQ Libre, Pierre Dubuc, les quelque 475 000 syndiqués du secteur public «s'attendent à ce que leur parti politique défende le secteur public». Selon lui, «il faut que le message soit très clair et ce n'est pas celui qu'on a entendu cette semaine». M. Laviolette, ex-président de la CSN, y voit un risque: «Si tu tires sur tes amis, il ne faudrait pas se surprendre à un moment donné qu'ils ne soient pas là quand tu en as besoin.»
Pierre Dubuc estime qu'il est temps qu'on «revalorise le rôle de l'État au Québec», et que cela passe par «la revalorisation de ses employés». Et pour ça, «ça prend des bons salaires», dit-il. En plus, des augmentations, ça aide l'économie: «Si Mme Marois s'oppose à une augmentation de la TVQ sous prétexte qu'il faut continuer à stimuler l'économie, alors raison de plus pour donner de bonnes augmentations de salaire au secteur public. Ça serait un stimulus économique important et ça aura un effet d'entraînement sur le secteur privé.»
M. Dubuc explique la position de sa chef ainsi: «Je pense qu'elle se colle sur les sondages.» De l'avis du directeur de L'Aut'Journal, «si on veut gouverner le Québec, il ne faut pas fonctionner avec des sondages à la petite semaine. Faut être capable d'avoir de la vision. [...] Ce n'est pas en faisant de la politique à la petite semaine qu'on va devenir indépendant».
Le SPQ Libre n'a pas non plus aimé que Mme Marois qualifie d'«intéressantes» certaines idées des fascicules préparés par les économistes du comité consultatif de Raymond Bachand. La plupart d'entre eux — Pierre Fortin, Luc Godbout, Claude Montmarquette et Robert Gagné — sont étiquetés comme des «lucides», fait-il remarquer. Mme Marois, comme son critique en matière de finances, Nicolas Marceau, ont soutenu jeudi que le gouvernement devrait «dégraisser» le secteur public, et notamment celui de la santé, avant de considérer toute hausse de taxe, de tarif ou d'impôt: «Ce n'est pas le temps de parler de "dégraissage" dans la santé quand tout le monde sait dans quel état est le système de santé, même si on vise une strate de bureaucrates, réplique M. Dubuc. Ce n'est pas le message qu'il faut; le message, c'est de dire qu'on a besoin d'investissements en santé. Le personnel est à bout!»
«Provincialiste»
Marc Laviolette estime pour sa part que l'expression «dégraissage» révèle une manière «provincialiste» et non souverainiste d'aborder les problèmes, car cela revient à penser les problèmes avec une «partie seulement de notre argent», l'autre partie étant remis au fédéral. «Quand on pense les problèmes de sociétés en provincialiste, on aboutit à des solutions provincialistes: "On va couper, on va dégraisser". Penser en souverainiste, c'est de dire: "Il faut aller chercher notre argent où il est, à Ottawa".»
L'ancienne président de la CSQ Monique Richard, maintenant députée de Marguerite-D'Youville, est membre du SPQ Libre. À une question sur les négociations dans le secteur public, elle avait soutenu mercredi que «la proposition du gouvernement est faible, à mon avis». Jointe hier, elle a refusé à la fois de commenter les propos de ses collègues du SPQ Libre et de se prononcer sur les demandes syndicales, disant refuser de jouer la «gérante d'estrade». Tentant d'atténuer le désaccord, elle a rappelé que Mme Marois avait affirmé que les employés de l'État avaient droit à un rattrapage salarial par rapport au privé. Quant au mot «dégraissage», elle estime qu'on le dit «dit souvent très rapidement» et que «ça ne signifie pas qu'on a toutes les solutions en main».
Renouvellement
Pierre Dubuc était le candidat du SPQ Libre, en 2005, lors de la course à la chefferie. Il n'avait obtenu que la cinquième place avec 1,22 % des voix, soit 1282 votes. Plusieurs observateurs soutiennent que les seuls «vrais membres» du SPQ Libre sont MM. Laviolette et Dubuc: «C'est le PQ qui laisse circuler ça», répond M. Dubuc, qui soutient que le club est actuellement en «campagne de renouvellement» et a les 200 membres requis pour être reconnu par le parti. S'est joint récemment au conseil d'administration, note-t-il, Alain Dion, ex-président de la Fédération autonome du collégial et aujourd'hui président du PQ de la circonscription de Rimouski.
MM. Laviolette et Dubuc promettent de se faire entendre au prochain colloque du PQ, à Lévis, les 13 et 14 mars, dont le thème sera «Création de la richesse». Les colloques préparent le congrès de 2011. «Vous allez voir qu'on va être nombreux au congrès», a ajouté Pierre Dubuc.


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