IDÉES

La force de l’anglicisme

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Tellement juste !






Les langues se nourrissent tout naturellement les unes et les autres par des emprunts constants. Les mots qui viennent d’ailleurs sont à la fois un enrichissement et l’expression du dynamisme du langage. Cependant, quand tous les emprunts proviennent d’une seule et unique langue, l’anglais, qui s’infiltre un peu partout, sans véritable réciprocité, il faut se poser des questions.


 

Cette invasion devient particulièrement manifeste lorsqu’on substitue un mot du vocabulaire courant par un autre en anglais qui a exactement le même sens. Les emprunts se justifient la plupart du temps parce que le mot étranger apporte une nuance de sens qui n’existait pas dans la langue maternelle. Mais lorsque la substitution se fait sans raison, on peut alors parler d’une domination culturelle qui peut avoir de réelles conséquences.


 

Le Québec, avec ces centaines de millions d’anglophones qui nous entourent, est particulièrement vulnérable à ce genre d’emprunts qui se multiplient. D’autres langues connaissent aussi ce même problème. Dans tous les cas, les traces d’une domination sont évidentes : l’anglicisme s’impose par l’éclat de sa nouveauté, comme si le fait de renommer les choses en anglais leur donnait une portée plus puissante, immédiate et universelle.


 

Par exemple, un « winner » gagne certainement plus qu’un « gagnant », d’autant plus qu’il se dénomme dans la langue du plus fort. « Foodie » rend désuets « gourmet » et « gastronome », des mots pourtant très justes et parfaitement appropriés. « Weird » est plus bizarre que « bizarre », comme « moron » désignerait un degré de plus dans l’idiotie que « niaiseux » ou « imbécile ». Une personne « deep » vaut certes plus qu’une personne simplement « profonde ». Finir sa phrase par « fine ! » plutôt que par « bien ! » donne un petit coté « cool » et bien branché que ne rend pas le piètre mot en français. Pourquoi parler de « liste noire » alors qu’on peut dire « black list », ou se plaindre des effets du décalage horaire alors que les Anglos parlent de « jetlag » ? Un vocabulaire de perdants… oh pardon !…. de « losers ».


 

Même les jurons sont affectés…


 

Si les Britanniques utilisent le terme français « queue » pour une file d’attente, nous les avons heureusement rappelés à l’ordre en lui préférant « line up ». Même les jurons sont affectés : le mot « fucking » que l’on glisse un peu partout dans nos phrases semble plus rageur que nos pauvres vieux sacres ringards. Les exclamations plus inoffensives se font quant à elles supplanter par l’omniprésent « oh my God ! ». (Il faudrait d’ailleurs que je fasse un « back up » — et non pas une « copie » — du dossier où j’ai noté ces différentes expressions.)


 

Il serait possible de continuer longtemps. Sans être un puriste de la langue et sans vouloir faire la morale, il paraît évident que ces nombreuses substitutions sont symptomatiques d’une subtile colonisation du langage qui découle de l’omniprésence de la culture anglo-saxonne, elle-même en revanche très peu ouverte aux productions étrangères.


 
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