La diversité : toujours une richesse ?

Kirpan - Québec


L’affaire nous a rappelé la crise des accommodements raisonnables : au moment de se présenter lors des consultations entourant le projet de loi 94, des représentants de la World Sikh Organisation ont refusé de se plier aux règles de sécurité de l’Assemblée nationale en laissant leurs kirpans à la sécurité.
Provocation grossière, plusieurs en ont convenu. L’événement rouvre pourtant la querelle du multiculturalisme, qui repose sur l’inversion du devoir d’intégration et invite la société d’accueil à neutraliser l’espace public pour mieux permettre à la diversité des identités minoritaires de s’y exprimer.
On ne saurait toutefois réduire la crise du multiculturalisme au problème de la place des symboles religieux dans l’espace public. Elle ne s’épuise pas non plus dans la contraction entre la laïcité et les revendications de groupes fondamentalistes.
La référence québécoise
Il suffit de penser au statut de la langue française à Montréal pour le comprendre. Les Québécois francophones sont de moins en moins chez eux dans une métropole qui se désaffilie de la référence québécoise. Ils comprennent le message et s’exilent de plus en plus sur les deux rives du 450, là où leur culture n’est pas marginalisée.
La diversité obligatoire prend même le visage de tensions intercommunautaires, les émeutes de Montréal-Nord en 2008 en ayant donné un signe avant-coureur. À Laval, La Presse (4 janvier) parlait plus récemment d’une « escalade de violence » entre les « Québécois de souche » et les jeunes immigrés.
Une telle description est normalement réservée au portrait des banlieues européennes. On l’espère exagérée dans le cas présent. Elle n’est certainement pas de bon présage. En fait, on risque d’assister à la ghettoïsation de plusieurs communautés qui se sentent étrangères à la société québécoise.
Sauf les spécialistes de la sociologie victimaire qui crient au racisme de manière compulsive, personne ne croit vraiment que la discrimination, l’exclusion, le profilage racial ou le manque d’ouverture soient la cause des tensions intercommunautaires.
Quelles sont nos capacités réelles ?
Ce qui est en question ici, c’est plutôt l’échec de l’intégration. Et c’est se plonger la tête dans le sable que de poser la question de l’intégration sans s’interroger au même moment celle de nos capacités d’intégration. Mais la question est taboue.
Un rappel : en 2007, Mario Dumont a subi les pires comparaisons pour avoir non pas plaidé une baisse des seuils d’immigration, mais seulement leur stabilisation. Péquistes et libéraux confondus l’ont assimilé à la droite populiste européenne, à la figure de Jean-Marie Le Pen !
Ce n’est pourtant pas camper à l’extrême-droite que de questionner nos capacités réelles d’intégration, surtout à Montréal. D’ailleurs, en Europe, même les partis de centre-gauche en sont venus à poser cette question.
Au Québec, plusieurs intellectuels comme Joseph Facal, Christian Dufour et Christian Rioux ont critiqué cette censure de la question des seuils d’immigration du débat public. Aucun des trois n’est pourtant suspect de repli xénophobe.
Il ne s’agit évidemment pas de réhabiliter je ne sais quelle définition ethnique de la nation mais de rappeler une thèse simple : pour que l’intégration fonctionne, il faut que les immigrants côtoient une majorité d’accueil prépondérante démographiquement.
En fait, la nation présuppose un substrat historique qui assure sa permanence, une majorité qui absorbe les nouveaux venus, qui les acculture. Elle ne saurait tenir dans le seul partage de grands principes universalistes. Elle est aussi affaire de mœurs.
On comprend évidemment le Parti libéral de ne pas remettre en question les seuils d’immigration. Sa rationalité est en bonne partie électorale. Quant au Parti Québécois, malgré les apparences, il est encore neutralisé par la rectitude politique.
Pour un débat raisonnable
Le débat public devrait pourtant s’ouvrir à une discussion raisonnable sur les seuils d’immigration. Non pas pour sortir l’épouvantail de l’étanchéité absolue des frontières, que personne n’a jamais souhaité, sauf quelques zigotos intoxiqués par le mythe de l’immigration zéro.
Mais tout simplement pour rappeler que c’est en tenant compte de ses véritables capacités d’intégration que le peuple québécois pourra faire le choix d’une hospitalité aussi généreuse que raisonnable.
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Mathieu Bock-Côté, Échos Montréal, vol.18, no2, février 2011, p.11


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