La dette des Etats: jeu des marchés, défi des politiques

Crise mondiale — crise financière




■ Qu’est-ce qu’un déficit public?
La comptabilité nationale met en balance, d’un côté les recettes (impôts, taxes, etc.), de l’autre les engagements financiers, qui sont de toute sorte et varient en fonction du rôle et du poids que se donnent les gouvernements. On appelle déficit le solde négatif entre les recettes et les engagements. On parle d’excédent dans la situation inverse.
Les engagements d’un Etat relèvent de la politique sociale, des investissements dans les infrastructures, dans la défense, etc., et aussi, comme ce fut massivement le cas ces deux dernières années, de plans de relance économique.
Pour financer les dépenses qui excèdent leurs revenus, les Etats recourent à l’émission d’emprunts obligataires, c’est-à-dire aux marchés, où toutes sortes d’investisseurs achètent ces titres de créance.
S’agissant d’emprunts, l’Etat se doit non seulement de rembourser à échéance, mais aussi de payer chaque année des intérêts, dont le niveau dépend des marchés obligataires, et qui sont autant de charges supplémentaires.
■ Que s’est-il passé en Grèce?
C’est à l’automne 2009 que le budget grec a commencé d’apparaître dangereusement déséquilibré, mettant en péril la capacité du pays à payer ses dettes à court terme, et déstabilisant l’euro du même coup. Bruxelles s’interroge alors sur les mesures à prendre, tandis que les agences de notation entament la dégradation progressive des obligations d’Etat grecques.
Durant les premiers mois de 2010, ces dernières ont été violemment chahutées sur les marchés, leurs taux d’intérêts atteignant jusqu’à 8,5%. Pendant ce temps, les instances européennes tergiversaient sur la manière de résoudre cette crise, l’Allemagne s’opposant fermement à un sauvetage. De son côté, la Grèce s’engage à prendre des mesures de restrictions budgétaires drastiques, soulevant en son sein une série de violentes émeutes.
Dans la nuit du 9 au 10 mai, alors que la tension sur les marchés est à son comble, les chefs d’Etat de la zone euro s’accordent sur la mise en place d’un fonds de stabilisation monétaire de 750 milliards d’euros, sous forme de prêts et de garanties, dont 250 milliards d’euros apportés par le Fonds monétaire international. D’autres membres de la zone euro pourront y avoir recours en cas de difficulté.
Athènes s’est engagée à réduire son déficit public de 30 milliards d’euros, alors qu’il frôlait l’an dernier 14% du PIB, pour le ramener d’ici 2014 sous le seuil européen de 3%. Cette cure de rigueur combine des hausses des prélèvements obligatoires, notamment de la TVA, et des coupes salariales dans la fonction publique. Les réformes des retraites et du marché du travail, ainsi que la lutte contre une évasion fiscale endémique, doivent compléter ce programme.
■ Régime sec au nom de l’Union
La crise grecque a mis en lumière la fragilité de la zone euro et ébranlé l’union monétaire sur ses bases. Face à la menace d’un éclatement, et sous pression des marchés, où l’euro n’en finit pas de chuter, plusieurs Etats membres ont récemment annoncé des plans de redressement financier. Objectif: ramener dans les meilleurs délais leurs déficits publics au niveau maximal de 3% préconisé par le pacte de stabilité européen.
Alors que se multiplient les appels à une politique budgétaire plus centralisée et plus ferme au sein de la zone, les spéculations se poursuivent sur l’éventuelle sortie d’un Etat membre.
L’Espagne a annoncé en janvier un plan d’austérité de 50 milliards d’euros d’ici 2013 afin de ramener le déficit public à 3% du PIB en 2013, contre 11,2%* en 2009. Mi-mai, le gouvernement a approuvé une accélération de cette cure, avec des économies de 15 milliards dès 2010 et 2011. Cela comprend une baisse des salaires des fonctionnaires en moyenne de 5% dès juin et un gel de la revalorisation de certaines retraites en 2011.
Le Portugal a renforcé en mai ses objectifs de redressement budgétaire, promettant de ramener son déficit de 9,4% du PIB en 2009 à 4,6% dès 2011. Après l’annonce en février d’un programme axé sur une réduction des dépenses, le gouvernement a décidé une hausse générale des impôts.
L’Irlande a adopté en 2009 deux plans d’austérité de 3 et 4 milliards d’euros, pour ramener le déficit public à 11,5% du PIB en 2010, après 14,3% en 2009. Parmi ces mesures figurent une baisse des allocations sociales et une réduction de 5 à 15% des salaires des fonctionnaires.
L’Italie a approuvé fin mai une cure d’austérité de 24 milliards d’euros pour 2011-2012. Il s’agit de deux tiers de réductions des dépenses publiques et d’un tiers de recettes fiscales supplémentaires, tandis que les salaires des fonctionnaires seront gelés pendant trois ans. Le déficit public de l’Italie est resté limité à 5,3% du PIB en 2009, mais la dette, l’une des plus élevées au monde, représentait 115,8% du PIB.
La France s’attend en 2010 un déficit public au niveau record de 8% du PIB. Pour revenir à 3% en 2013, elle a annoncé un gel des dépenses de l’Etat pendant trois ans. D’autres réductions des dépenses sont aussi à l’ordre du jour, ainsi qu’une diminution de cinq milliards en deux ans des niches fiscales.
La Grande-Bretagne, qui n’est pas membre de l’union monétaire, a présenté un premier programme de 6,2 milliards de livres (7,2 milliards d’euros) de coupes immédiates dans les dépenses des ministères, n’épargnant que la santé, la défense et l’aide au développement. Les organismes para-publics seront fortement réduits et les recrutements sont gelés. Le déficit britannique a atteint 11,1% du PIB à la fin de l’année budgétaire achevée fin mars.
* Ces chiffres Eurostat diffèrent de ceux, plus anciens, de l’OCDE sur lesquels se base l’infographie ci-dessous.

■ L’austérité, mais à quel prix?
Durement touchées par la crise financière de 2008, les économies européennes souffrent encore de maigres perspectives de croissance. Pour nombre d’économistes, les mesures d’austérité lancées par les Etats pourraient annihiler les premiers effets positifs des plans de relance pour sortir de la récession.
En coupant dans la fonction publique et en freinant leurs investissements, les Etats devront faire face à une augmentation du chômage qui non seulement affaiblira la consommation privée mais creusera encore les déficits publics. A défaut de croissance, la récession qui s’ensuivra risque d’affaiblir encore les entrées fiscales.
De l’autre côté de l’Atlantique, la situation budgétaire n’est guère meilleure, mais la réponse donnée par le gouvernement américain est très différente. Plutôt que l’austérité, ce dernier choisit de miser sur la croissance pour résorber son déficit, en s’appuyant sur une politique monétaire expansionniste. Quitte à devoir faire face, à terme, à une violente poussée d’inflation.
■ Pourquoi a-t-on peur des déficits publics?
Alors que la reprise économique pointe à l’horizon, la détérioration corollaire des finances publiques est la nouvelle préoccupation des marchés financiers. Constatant des niveaux d’endettement exceptionnellement élevés, et des perspectives de croissance qui restent somme toute maigres dans les pays industrialisés, les investisseurs, à travers les agences de notation, s’inquiètent de la capacité de remboursement de grands Etats.
Il faut pourtant distinguer les problèmes de liquidités à court terme et les problèmes structurels mettant en danger la solidité financière à long terme. Mais sans aller jusqu’à l’extrémité que serait une faillite nationale, un surendettement de l’Etat a déjà des effets négatifs: réduction des investissements publics, incapacité à faire face à des charges sociales grandissantes, etc.
Par ailleurs, alors que des taux d’intérêts au plancher ont longtemps permis de financer la croissance à bas prix, les inquiétudes sur l’avenir font augmenter les taux d’intérêt, c’est-à-dire le prix de l’argent à long terme. Augmentant de fait le coût des déficits publics.
A long terme, le vieillissement de la population est lui aussi un facteur aggravant. Comment faire face, avec une comptabilité nationale déjà surchargée, à ces dépenses dont l’augmentation est inéluctable? En France, où la retraite à 60 ans est un acquis social très défendu, le débat sur la réforme du régime des retraites est central pour comprendre ses perspectives budgétaires.
Enfin, il reste qu’en l’état, aucun pays n’aurait les moyens de réparer les conséquences d’une nouvelle crise financière. D’où l’enjeu que constitue également la réglementation du secteur financier pour tous les pays qui y sont fortement exposés.
■ Quels ont été les effets de la crise financière?
Le surendettement des Etats n’est pas un problème nouveau. Nombre de pays industrialisés – Etats-Unis en tête, Japon, mais aussi Grande Bretagne, Espagne, Italie, Irlande, Portugal, Grèce et plusieurs pays de l’Est européen – ont nourri leur croissance par le crédit. La crise financière de 2008 n’a fait, pour certains, qu’accroître encore une dette déjà gigantesque.
Premier effet de la crise: les Etats, pour éviter de sombrer dans une longue récession, ont massivement investi dans la relance, aggravant fortement leurs dettes. La croissance que l’on voit poindre en 2010 est le fruit de cet effort gouvernemental.
Malgré cela, l’augmentation du chômage n’a pu être évitée. Dans le même temps, le ralentissement économique érode les entrées fiscales. Autant de facteurs qui accablent encore les finances publiques.
Enfin, plusieurs grands pays industrialisés ont dû venir en aide à des entreprises dont la faillite aurait provoqué un désastre économique. Les Etats prennent ainsi en charge des dettes provenant du secteur privé, qui viennent encore augmenter les leurs. Les industries bancaire et automobile en ont été les principales bénéficiaires. Et bien que cet argent soit remboursable à terme, les gouvernements n’en ont pas moins creusé leur déficit.


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