La dernière carte de François Legault

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Le chant du cygne

Pour un ex-homme d'affaires habitué aux décisions expéditives et aux résultats rapides, plancher trois mois sur un bouquin, y retravailler sans cesse, recommencer, réécrire les chapitres, peaufiner, bonifier, c'est un véritable calvaire!
François Legault est fier de son bébé, Cap sur un Québec gagnant - Le Projet SaintLaurent, qui sort aujourd'hui en librairie, mais ce sera son premier et son dernier livre, prévient-il d'emblée.
«Trois mois, c'est beaucoup de temps et il n'y en aura pas d'autre, ça c'est clair pour moi!», lance François Legault au début d'un long entretien, il y a quelques jours, à son bureau de l'Assemblée nationale.
Cette déclaration n'est pas une boutade, elle traduit bien l'état d'esprit du chef de la Coalition avenir Québec (CAQ). Et ce livre n'est pas qu'un livre: c'est un programme politique de François Legault. Sa dernière carte. Ce sera soit le plan d'un gouvernement Legault, soit son testament politique.
J'ai déjà écrit - c'était même le titre d'un portrait du bonhomme - que François Legault est impatient. Je crois encore aujourd'hui que c'est le qualificatif qui le décrit le mieux. Le chef de la CAQ trouve que le Québec ne bouge pas assez vite et on sent dans son discours, dans son livre et même dans chacun de ses tweets qu'il en a marre de ronger son frein.
Assis devant moi, en bras de chemise, il explique les 13 chapitres (pas superstitieux!) de son livre déclinés sur près de 300 pages.
Il détaille le Projet Saint-Laurent, genre de vallée de l'innovation mêlant nouvelles technologies, universités, développement durable, tourisme, transport maritime, etc., mais il se révèle aussi (un peu), revenant sur son parcours professionnel et sur son entrée en politique. La recette fonctionne bien aux États-Unis, comme en témoignent les best-sellers publiés par Barack Obama (Dreams from my Father et The Audacity of Hope), mais ici, les politiciens écrivent peu, ou alors, une fois à la retraite.
François Legault ne s'en cache pas: ce livre servira de canevas à sa prochaine campagne électorale. Il mise sur le sérieux de sa démarche. «Les gens se diront: au moins, Legault a un plan, un peu comme pour Jean Chrétien et son fameux livre rouge [en 1993]», dit-il.
Retour en arrière
Pas de révélation explosive dans ces 300 et quelques pages, mais M. Legault revient pour la première fois sur son départ d'Air Transat et sur sa relation rompue avec Jean-Marc Eustache, ancien partenaire d'affaires et ami au sein du transporteur bien connu. Les deux hommes sont en froid depuis près de 20 ans et M. Eustache refuse systématiquement toute demande d'entrevue sur ce sujet délicat.
François Legault revient aussi sur des épisodes houleux au sein du gouvernement Bouchard et sur son départ du Parti québécois (PQ).
«J'ai hâte que mes amis du PQ lisent le livre, dit-il, parce qu'ils ne comprennent pas que ce que je fais pour le Québec est mieux que ce qu'ils font.»
Ce livre ne s'adresse toutefois pas qu'aux anciens collègues. Le chef de la CAQ voudrait bien dissiper le flou qui colle à la peau de son jeune parti depuis son lancement, le jour où il avait échappé plusieurs «On verra», donnant l'impression qu'il ne savait pas où il s'en allait.
«J'ai commis une erreur avec le «On verra», ce pourquoi je veux être clair, admet-il. Avec le PQ, c'est Québec seulement; avec les libéraux, c'est Canada d'abord et avec la CAQ, c'est Québec d'abord.»
À mots couverts, il reconnaît que son message de la dernière campagne a rebuté bien des électeurs. «On a beaucoup parlé de ménage, mais on n'a pas suffisamment insisté sur les avantages de ce ménage: plus d'argent dans les poches des contribuables. Je veux faire le ménage, baisser les impôts, sans ajouter de taxe, de tarifs, de péage, rien de tout ça, pas un sou de plus à payer pour les contribuables.»
Priorité au fleuve et miser sur Montréal
Comme son titre l'annonce, le livre de M. Legault fait du fleuve Saint-Laurent la pierre angulaire du développement économique du Québec. Pas seulement les berges, pour les entreprises et le tourisme, mais la Voie maritime elle-même, sous-utilisée, affirme le chef caquiste.
Le chapitre sur le transport de marchandises sur le fleuve a été écrit après consultation, notamment, de l'ex-premier ministre et ex-ministre des Finances du Canada, Paul Martin, PDG de Canada Steamship Lines.
La pièce de résistance du livre, «le projet que nous devons réussir», dit François Legault, touche directement Montréal, soit le développement de la Cité du Havre. Réappropriation des berges, déménagement progressif des activités du port vers Contrecoeur, réaménagement de l'autoroute Notre-Dame... Un immense projet qui ressemble, dans ses grandes lignes, à celui défendu par Richard Bergeron de Projet Montréal (M. Legault spécifie toutefois qu'il n'appuie pas Projet Montréal dans la présente course à la mairie).
Les activités portuaires étant de compétence fédérale, M. Legault et ses conseillers ont entrepris des discussions avec le bureau de Stephen Harper, favorable à un projet de développement, selon le chef caquiste.
«M. Harper voit que le Québec tire la croissance économique du Canada vers le bas, si on lui parle de développement économique, il sera d'accord», avance-t-il.
On peut être d'accord ou non avec les priorités de M. Legault, mais on ne pourra pas l'accuser d'être racoleur, lui qui mise gros sur Montréal, là où ses perspectives de gains électoraux sont à peu près nulles.
Il ne se fera pas que des adeptes, non plus, en plaidant pour le forage «immédiat» à Anticosti, avec la participation de l'État qui rachèterait les droits à Junex et Pétrolia.
Avec ce livre, François Legault lance une opération quitte ou double. Risqué, mais il préfère provoquer des débats avec ces propositions que de se buter aux haussements d'épaule causés pas ce malheureux «On verra»...


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