Nous sommes les prisonniers de la démocratie de représentation

La démocratie directe sera le passage obligé de la libération des Québécois

En hommage à la contribution essentielle de Gabriel Nadeau-Dubois

Tribune libre

Le Printemps Érable a mis en lumière l'obsolescence de la démocratie de représentation. Si cette affirmation est exacte, le prochain exercice électoral pourra peut-être parer au plus urgent mais ne produira pas d'effet durable susceptible de régler la crise politique profonde que traverse le Québec et qui ne pourra être résolue à long terme que par le remplacement de l'institution obsolète de la démocratie de représentation.
La caractéristique de la démocratie de représentation qui soutient l'oligarchie des partis politiques lesquels s'entre-déchirent présentement sous nos yeux sans pour autant répondre de façon satisfaisante à nos aspirations, est la délégation du pouvoir à des représentants qui exercent les pleins pouvoirs pour quatre à cinq ans. Cette pratique réduit les citoyens entre deux élections, à la passivité faisant d'eux alternativement des spectateurs, contribuables, consommateurs et bénéficiaires. Les élus se partagent et exercent les pleins pouvoirs.
Seule l'expérience de la démocratie directe telle que mise en pratique par certaines associations étudiantes constitue un exercice qui, s'il était répétée progressivement par l'ensemble des citoyens à l'échelle des quartiers, des municipalités, des syndicats, des coopératives, des comtés et de l'ensemble du Québec serait la seule alternative envisageable et efficace au blocage actuel de notre société qui ne se reconnaît plus dans ses représentants fussent-ils étiquetés de gauche, de droite, fédéralistes ou indépendantistes.
L'application de la démocratie directe à l'échelle du Québec ne pourrait être que progressive. Elle demanderait de longues années et l'implication active du plus grand nombre: il ne peut reposer que sur le renforcement du système éducatif, élément essentiel du développement de la citoyenneté. Les nouvelles technologies pourraient fournir des moyens précieux de favoriser la communication à la condition qu'elle s'émancipe de l'esprit partisan et des partis eux-mêmes qui polarisent les idées au lieu de favoriser la réflexion et la résolution des problèmes dans l'intérêt du bien commun.
Voilà ce qu'une nouvelle génération, celle des étudiants du Printemps Érable a compris et expérimenté et que les médias, les politiciens et les partis politiques qui partagent le paradigme de de la démocratie représentative n'ont pas été en mesure de comprendre ni admettre puisque cette forme de démocratie authentique est à l'opposé de leur propre paradigme.
Aristote (cité par le philosophe Cornelius Castoriadis) disait : "LES ESCLAVES SONT CEUX QUI NE PEUVENT PAS SE GOUVERNER EUX-MÊMES". À la suite du décès le 29 juillet dernier du cinéaste Chris Marker, Médiapart a diffusé la vidéo d'une entrevue de Cornélius Castoriadis réalisée par Marker en 1989 qui constitue la meilleure synthèse qu'il m'ait été donné d'entendre à propos de la différence entre la démocratie directe et la démocratie de représentation. Cet entretien constitue sans doute selon moi, la clé qui permet de comprendre le mieux l'état actuel de notre pays non abouti.


Médiapart a aussi publié en format PDF la retranscription de cette entrevue.


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5 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 août 2012

    La démocratie directe est le cheval de bataille sur lequel je suis monté depuis l'année dernière, tous mes efforts allant dans ce sens. J'ai même conçu un site web qui peut servir de prototype ou de lieu de départ pour instaurer une telle démocratie en-ligne (http://www.vigile.net/Le-plus-gros-chantier-collectif-au).
    Je suis bien content de voir M. Cloutier pencher en faveur d'un tel système, lui qui mettait en doute (non sans raison) les chances de succès d'un tel système dans le court terme.
    Le développement du site est présentement en suspens par manque de temps à consacrer à cet effet dans l'instant présent, me concentrant surtout ces temps-ci à la recherche d'informations légales soutenant ce projet afin de pouvoir livrer ces informations au plus grand nombre possible de la manière la plus simple possible, et par la suite espérer que de plus en plus de gens s'intéresse à ce projet et s'y investisse. Cette quête d'information tire à sa fin et je serai bientôt en mesure de publier mes résultats concernant ceci.
    Pour l'instant, je n'en dirai que ceci :
    - une telle réforme se devra de se faire directement par l'implication de citoyens dans la réalisation d'un tel projet; il est vain et futile d'attendre après nos institutions actuelles pour implanter une telle réforme
    - une telle réforme ne peut qu'engager que ceux qui en manifeste le désir; il est donc inutile d'attendre qu'une certaine "majorité" décide d'y adhérer avant de la mettre en place. Une fois le matériel éducatif et les outils démocratiques mis à la disposition de la population, celle-ci sera à même en mesure de faire un choix éclairé, sur une base individuelle
    - les lois actuelles présentement en vigueur au Canada confirment la légitimité de procéder ainsi, en dehors du cadre législatif du Canada, qui ne s'applique qu'au corps gouvernemental de toute façon et non au citoyen ordinaire (Article 32 de la Charte des Droits et Libertés, jurisprudence "r v dell 2005" Cour d'appel de l'Alberta)
    - le principe sous-jacent permettant d'agir ainsi concerne le patrimoine lié à notre acte de naissance, présentement détenu en fiducie par le gouvernement. C'est de ce patrimoine que nous tirons notre légitimité, et c'est par ignorance de l'existence de ce patrimoine que le système actuel se targue de sa légitimité, tirée du patrimoine qu'il détient en fiducie en notre nom à notre insu
    - concernant l'écriture de la constitution de cette nouvelle entité nationale et de la formation d'une assemblée constituante à cet effet : j'ai beaucoup de difficultés avec le principe d'une assemblée constituante qui ne comprendrait que quelques centaines de personnes, tirées au sort ou non. Ceci me donne l'impression de vouloir tout de go retourner à un système de représentation où l'assemblée constituante a le mandat de parler au nom du peuple. Selon moi, puisque c'est le peuple qui détient la légitimité, il est normal que ce soit le peuple qui soit considéré comme l'assemblée constituante légitime. Le site kebek2point0.org contient justement une section Wiki qui permet justement l'écriture collective d'un tel document
    Le temps est venu pour ceux en faveur de la mise en place d'un tel système politique de cesser d'en contempler la possibilité et de s'engager activement dans la réalisation de celui-ci, en dehors des structure politiques actuelles. En ce sens, j'espère que des volontaires se joindront à moi dans l'élaboration et la mise en place des outils techniques et légaux nécessaires pour en arriver à un tel résultat, parce qu'il m'est apparu de manière cruelle au cours des derniers mois que je ne peux pas tout faire tout seul. Il est temps que des gens de bonne foi sortent de leur zone de confort et s'investisse dans un tel projet plutôt que de se contenter du rôle de spectateur curieux et attentif .
    Si l'on a les gouvernements que l'on mérite, et que l'on croit qu'on mérite mieux, alors c'est à nous que revient la tâche de se doter du gouvernement que l'on croit mériter.

  • Gérald McNichols Tétreault Répondre

    10 août 2012

    @Jean-Louis Pérez-Martel:
    C'est trop drôle. Relisez-vous quand vous écrivez : "Un Pouvoir Mafieux qui serait inéluctablement contrôlé par une caste imposant à l’immense majorité soumisse à leur pouvoir oligarchique la servitude primaire, telle que vécue par les peuples qui se s’ont fait avoir (...)" Tout ce que vous citez ainsi de Normand Lester décrit la situation exacte dans laquelle nous a placé votre démocratie représentative. C'est le monde dans lequel nous vivons; un monde duquel aucun parti politique de la démocratie représentative ne pourra nous sortir.
    Contrairement à ce que vous écrivez, la démocratie directe ne vient pas du 19e siècle mais de la Grèce Antique. Elle était encore pratiquée en France au 16e siècle lors de la convocation des États généraux. Vous essayez de "faire peur au monde" parce que vous avez peur du monde comme le font les représentants des oligarques. Mais la rue qui fait le plein de jeunes gens instruits et cultivés n'a plus peur et les oligarques tremblent.
    L'argument des défenseurs de la démocratie représentative est toujours que le peuple ne peut pas se gouverner lui-même. Entre l'opinion de Normand Lester et celle de Cornelius Castoriadis, le choix n'est pas difficile pour moi.
    Je ne dois pas être surpris de vos mots puisque vous vous définissez-vous-même (Vigile 24-07-2010)en tant que CONSERVATEUR - LIBÉRAL - NATIONALISTE. Pas surprenant donc que vous défendiez le statu quo de la démocratie représentative obsolète.
    Vous réaliserez seulement à qui profite la démocratie représentative le jour ou on fera le forage d'un puits de gaz de schiste dans votre jardin ou le jour ou on vous placera dans un centre d'accueil parce qu'on ne vous jugera plus "profitable" pour la société de production et de consommation et qu'on vous servira trois fois par jour de l'omelette en poudre pour que les entreprises privée qui dirigent les CHSLD tout comme les garderies puissent donner plus de profits à leurs actionnaires.
    @ Pierre Cloutier :
    Bien sûr, bien sûr le choix des magistrats par tirage au sort, mais tout cela suppose d'abord une éducation civique qui n'est pas offerte présentement. L'instauration de la démocratie directe commande un changement de culture et de paradigme de l'ensemble de la société. Il faut commencer à petite échelle avec des expériences locales qui font aussi oeuvre éducationnelle. C'est pour cela qu'il faut commencer par l'éducation.
    Pas surprenant que la crise du Printemps Érable ait été amorcée par les étudiants instruits et cultivés qui ont eu cette formation civique notamment par la philosophie, l'histoire et les sciences sociales et humaines. Tous les citoyens doivent avoir accès à cette formation pour que la démocratie directe puisse fonctionner. Et aussi que la politique, la chose publique redevienne un objet de passion en dehors de la partisanerie actuelle à laquelle se limite la politique de la démocratie de représentation. Le rétablissement de la démocratie directe nécessaire à la libération des Québécois est un chantier de longue haleine.

  • Jean-Louis Pérez-Martel Répondre

    10 août 2012

    Monsieur McNichols Tétreault,
    La démocratie directe ―une formule anarchiste du début du XIXème siècle― que vous préconisez, vous appuyant sur le mouvement anarcho-marxiste la CLASSE (lire Normand Lester : Le manifeste de la CLASSE: Mussolini serait fier! http://fr-ca.actualites.yahoo.com/blogues/la-chronique-de-normand-lester/le-manifeste-de-la-classe-mussolini-serait-fier.html ) ne conduirait qu’à l’anarchie socioéconomique et à un POUVOIR TOTALITAIRE. Un Pouvoir Mafieux qui serait inéluctablement contrôlé par une caste imposant à l’immense majorité soumisse à leur pouvoir oligarchique la servitude primaire, telle que vécue par les peuples qui se s’ont fait avoir par le leurre de la ‘’démocratie directe’’ (sic).

    JLPM

  • Archives de Vigile Répondre

    10 août 2012

    Il est évident que la démocratie actuelle n'est pas une véritable démocratie. La légitimité du pouvoir est très discutable au Québec.
    Dans cette vidéo, monsieur Étienne Chouard fait le procès de nos démocraties occidentales et nous orientent vers la démocratie par tirage au sort comme solution afin d'avoir une véritable démocratie:
    http://www.youtube.com/watch?v=M2ADw7hZiT0

  • Archives de Vigile Répondre

    10 août 2012

    La démocratie directe implique aussi le tirage au sort et le référendum d'initiative populaire. Le meilleur site pour comprendre tout cela c'est celui du professeur Étienne Chouard ici : http://etienne.chouard.free.fr/Europe/
    Quand on prend conscience de tout cela, on ne voit plus la démocratie de la même façon.
    La clef de tout cela c'est la constituante et une constitution moderne et progressiste écrite par et pour les citoyens et non pas par et pour les politiciens professionnels élus.
    Pierre Cloutier