La démocratie coûte-t-elle trop cher ?

Crime organisé et politique - collusion (privatisation de l'État)

Depuis quelques semaines déjà, certains journalistes effectuent un travail rigoureux, un travail courageux dans l'analyse de l'apparence d'escroquerie qui flotte au dessus du domaine de la construction au Québec. Les chiffres évoqués par l'émission Enquête, diffusée dernièrement à Radio-Canada, illustrant des écarts de coûts de l'ordre de 40 % pour les projets québécois d'infrastructures comparativement à la moyenne canadienne devraient normalement contribuer à gaver notre cynisme légendaire.

Sur 41,8 milliards d'investissements prévus par le gouvernement québécois de 2008 à 2013, il y a, de toute évidence, l'exposition d'un joli pactole à convoiter pour tous les spoliateurs du bien public. Comment expliquer cette différence phénoménale entre les projets d'ici et d'ailleurs? Je m'imagine déjà les culbutes argumentaires pour nous expliquer que les conditions hivernales pourraient justifier en partie une telle différence dans les sommes investies.
Est-ce que les informations divulguées quasi quotidiennement maintenant suffiront à provoquer la mise en oeuvre d'une commission d'enquête qui servirait à révéler au grand jour les mécanismes d'une culture bien établie de trafic d'influences et de collusion? C'est à souhaiter.
Toutefois, ce sont les lendemains d'un tel exercice qui me laissent prématurément perplexe. Je m'imagine déjà la pléiade de commentaires, d'analyses et d'opinions qui clamant haut et fort que la démocratie a parlé, que le gouvernement québécois, par souci de transparence et d'intégrité, aura contribué à faire la lumière sur les malversations d'une bande de criminels à «caps d'acier». Le rapport sera brandi bien haut et nos élus ressasseront à tout vent un «plus jamais ça» triomphant. Une liste interminable de recommandations sera dressée et l'État se vantera ensuite pompeusement d'être le garant de la justice et de l'équité.
D'autres questions resteront donc probablement en suspens: est-ce que les sommes détournées seront récupérées un jour? À celle-là, nous connaissons la réponse. Par ailleurs, est-ce que d'autres enquêtes seront nécessaires dans 20 ans, 30 ans? Aurons-nous les ressources suffisantes et une volonté durable pour encadrer les mécanismes d'attribution de contrats?
Le présent est-il toujours garant de l'avenir? Pour ma part, la question qui me hante depuis longtemps est: comment assurer le respect et l'intégrité de la masse de salariés décollectivisés que nous sommes maintenant devenus? En effet, qui défend la classe moyenne dont les impôts servent en grande partie à remplir les coffres de l'État? Qui lui rend justice, qui la représente vraiment? Que ferions-nous de cet argent détourné si l'État contrôlait réellement ses coûts dans l'infrastructure? Parlerions-nous aujourd'hui de routes à péages, de hausse de tarifs d'électricité, de services sociaux sous-financés?
Un entrepreneur de la couronne nord de Montréal aurait même laissé entendre qu'en temps de récession, il serait souhaitable d'éviter des élections. Suivant cette logique, la démocratie, cette grande dépensière, serait donc trop onéreuse pour qu'on se la permette. On entend parfois que les Québécois n'ont plus les moyens économiques de leurs ambitions sociales et qu'il nous faudra apprendre à nous «serrer la ceinture». Je demanderais plutôt ceci: connaissons-nous réellement l'état de nos moyens?
Il y aura probablement commission d'enquête, et il y a fort à parier que des procès auront lieu et que d'autres têtes tomberont. Le malheur des uns fait souvent le bonheur des autres, nous dit le proverbe. Évidemment, ce n'est qu'un proverbe...
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Vincent Perron, Montréal, le 9 octobre 2009


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