«Gilles Duceppe sera accueilli en héros», prédisait dimanche le bloquiste Pierre Paquette, commentant le retour de son chef au parti qu'il voulait quitter deux jours auparavant.
Un héros? Drôle de héros que ce général qui s'enfuit dès qu'il y a apparence de combat, et qui comptait être couronné plutôt qu'élu!
Mais au fond, le combat, n'est-ce pas ce que Duceppe s'est toujours arrangé pour éviter? En 2005, après la démission de Landry, il s'était dérobé sous prétexte que le Bloc (lequel avait alors le vent dans les voiles) avait besoin de lui... mais aussi parce que les péquistes s'étaient entichés d'André Boisclair. Duceppe n'avait pas l'assurance de l'emporter contre un candidat qui représentait la jeunesse et le renouveau.
Cette fois-ci aurait pu être la bonne: le PQ, désespéré, était sur le point de se livrer pieds et poings liés à qui voudrait le prendre... Hélas! Contrairement à ce qu'il avait calculé, Pauline Marois était prête à revenir, et les premiers sondages lui donnaient l'avantage...
Plus pathétiques encore que cette humiliante retraite sont les raisons fournies par M. Duceppe pour expliquer sa volte-face. Il ne veut pas diviser le mouvement souverainiste... Mais depuis quand une lutte démocratique pour le leadership a-t-elle pour résultat d'affaiblir un parti? Au contraire, le PQ serait sorti renforcé d'une course entre deux candidats sérieux.
Deuxième raison: c'est le temps d'avoir une femme à la tête du parti... M. Duceppe se serait donc galamment effacé pour laisser passer Pauline Marois? Si c'était vrai, ce serait le comble du paternalisme: comme si une femme était incapable de triompher dans une compétition!
Quelques esprits charitables ont supputé que M. Duceppe ne pouvait pas se lancer dans la course parce qu'il n'avait pratiquement pas d'appuis chez les députés du PQ. Pourtant, le frêle Stéphane Dion n'avait que très peu d'appuis dans son propre caucus et cela ne l'a pas empêché de foncer... et de gagner contre vents et marées.
Désolée, mais le portrait réel, c'est qu'il y a d'un côté une femme courageuse, qui a bravement sauté dans l'arène dès qu'elle a senti qu'elle avait de bonnes chances, et qui était prête à courir le risque de se faire battre une troisième fois. Et de l'autre côté, il y a un homme qui a pris la poudre d'escampette dès qu'il a vu que la course serait difficile. On comprend mieux que M. Duceppe se soit si longtemps accroché à la sinécure du Bloc, un parti qui, justement, ne s'engage jamais dans de vrais combats parce qu'il est par définition à l'extérieur du pouvoir.
Dernier chapitre, les députés bloquistes qui, il n'y a pas une semaine, suppliaient Gilles Duceppe d'aller sauver le PQ au nom de la cause souverainiste, découvrent aujourd'hui qu'ils ne peuvent pas se passer de lui à Ottawa. Ce parti n'est pas sérieux.
Place donc à Pauline Marois, aussi bien dire la déesse ex machina. Ce n'est pas la première fois dans l'histoire qu'on fait appel à une femme pour ramasser les pots cassés et faire le ménage au lendemain d'une grande soûlerie.
Si les péquistes n'avaient pas perdu la tête en élisant, en 2005, un beau jeune homme dénué de qualifications particulières, Mme Marois aurait pu hériter d'un parti relativement sain et, qui sait, lui éviter la raclée qu'il a subie le 26 mars. On lui redonne aujourd'hui un parti en lambeaux. Pas d'argent dans la caisse, une piteuse troisième place à l'Assemblée nationale, un programme de masochistes rêveurs.
La revoici donc, et tant mieux. Le Québec ne pouvait pas se permettre de laisser un politicien de sa trempe cultiver tranquillement son jardin. Elle peut maintenant se permettre de poser ses conditions: changement de programme, changement d'attitude.
Ses grandes orientations sont intelligentes et sensées: fini les débats oiseux sur la mécanique référendaire; fini la fiction du «nationalisme civique» qui occultait l'existence de notre vieille nation et une histoire de 400 ans. Le PQ restera souverainiste - le contraire serait impensable, d'autant plus que le créneau de l' «autonomie» est occupé par l'ADQ. Il restera social-démocrate - là aussi c'est un choix incontournable - mais on voudra un État plus «efficace», peut-être moins lourd. Et Pauline Marois, instruite par la montée de l'ADQ, se mettra à l'écoute de la classe moyenne. La recette est bonne, et la cuisinière compétente. C'est déjà beaucoup.
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