COMPRESSIONS

La course à l’austérité

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Une course qui mène le gouvernement Couillard droit au précipice

Le gouvernement Couillard aurait voulu enterrer le rapport de la Commission de révision permanente des programmes, présenté dimanche par sa présidente, Lucienne Robillard, qu’il n’aurait pas agi autrement. Hyperactif, il a multiplié les annonces tout juste avant et toute la semaine durant. Et ce n’est pas l’habileté que manifeste le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, pour nier les évidences qui empêchera le rapport d’être, pour l’essentiel, remisé sur une tablette.​

L’apport original de la commission Robillard, ce fut sans nul doute de proposer de hausser à 35 $ le tarif journalier des services de garde subventionnés, afin de maximiser les crédits d’impôt fédéraux et ainsi de récupérer une somme de 149 millions. Ce mode de tarification est calqué sur celui des garderies non subventionnées ; il présente le désavantage de grever les liquidités des parents, le temps qu’ils récupèrent le crédit d’impôt fédéral un an plus tard. La commission est d’avis qu’il faut mettre les deux types de service de garde, subventionné et non subventionné, sur le même pied, question de stimuler la concurrence.

Sans grands égards pour les commissaires et, parmi eux, pour les deux économistes, Robert Gagné et Claude Montmarquette, qui se sont échinés à faire les calculs, le premier ministre, Philippe Couillard, et la ministre de la Famille, Francine Charbonneau, ont annoncé la décision du gouvernement quatre jours avant que le rapport ne soit rendu public : une modulation du tarif selon les revenus des parents, plafonnée à 20 $ par jour. La recommandation de la commission Robillard avait été soumise au caucus, qui l’avait jugée invendable.

Outre cette recommandation, les constats que la commission Robillard a faits sur les services de garde sont tirés intégralement de rapports du ministère de la Famille. Les commissaires ont énoncé une autre recommandation pour le moins singulière : celle de surseoir à la création de nouvelles places en recourant aux 20 000 places vacantes dans les garderies non subventionnées. C’est oublier que ces places sont concentrées dans la grande région de Montréal et ne sont souvent pas réparties dans les quartiers où les besoins existent.

Indignation

« Il y a quelque chose d’irréel », a dit le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, Pierre Paradis, au sujet du rapport de la commission. En matière d’agriculture, les commissaires ont tout simplement proposé d’éliminer la contribution de l’État à l’assurance-stabilisation des revenus agricoles, une ponction de 300 millions. « Ça n’a pas de bon sens », s’est-il exclamé, présentant l’agriculture comme un secteur économique d’avenir qui, bien que subventionné, est rentable. « Le rôle de l’État, que ce soit au Québec ou ailleurs sur la planète Terre, a toujours été de soutenir son agriculture, a avancé le ministre. Les économistes ont raison quand ils disent que ça coûterait meilleur marché si on ne se nourrissait pas. Sauf que ça ne durerait pas longtemps », a-t-il ironisé.

Un autre libéral qui a avalé son café de travers en lisant le rapport, c’est le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, Pierre Moreau. La commission a suggéré de retrancher 1,3 milliard des 3,5 milliards versés en transferts aux municipalités : tous les transferts inconditionnels passeraient à la trappe, y compris les compensations de taxes, les taxes que le gouvernement du Québec paie aux municipalités pour ses immeubles. La beauté de la chose, c’est que les villes n’augmenteraient pas les taxes, car elles disposent de toute la marge de manoeuvre voulue, ont soutenu les commissaires. « C’est un peu fort », a euphémisé le ministre, qui, début octobre, avait négocié une réduction de 300 millions du pacte fiscal avec les municipalités. Déjà une grosse commande qui passe mal, surtout en région.

Le budget

Le ministre des Finances, Carlos Leitão, a participé à l’hyperactivité du gouvernement Couillard en présentant son projet de loi pour mettre en oeuvre son dernier budget. Il contenait des éléments qui n’avaient rien à voir avec les mesures budgétaires annoncées au printemps. « Des méthodes à la Harper », s’est écriée la leader parlementaire de l’opposition péquiste, Agnès Maltais.

C’est dans ce projet de loi que les pharmaciens ont appris que le gouvernement diminuait de 14 % leurs honoraires payés par l’assurance-médicaments, afin de récupérer 130 millions.

Le même jour, la ministre Francine Charbonneau a déposé un projet de loi sur « l’optimisation » — un mot à la mode pour désigner des compressions — des services de garde, dont un des buts était de « responsabiliser », a-t-elle dit, les parents. Et quoi de mieux pour responsabiliser qu’une amende de 3600 $ si un parent signe une fiche d’assiduité pour des jours où son enfant n’est pas à la garderie : des amendes pour contrer le phénomène bien réel des places fantômes. À voir les explications qu’a dû fournir la ministre depuis et le recul qu’elle a signifié vendredi, la précipitation semble être mauvaise conseillère quand vient le temps de rédiger un projet de loi pour régler un problème administratif. Chose certaine, la possibilité de mettre les parents à l’amende a fait passer au second plan la contestation de la modulation des tarifs.

Pour sa part, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, a prouvé que, s’il ne craignait pas de se faire des ennemis chez les pharmaciens, il en était de même pour les membres de sa profession. Rapide sur la gâchette, il a déposé son deuxième projet de loi de la session avant même de présenter, comme promis, les amendements à son projet de loi sur la réorganisation du système de santé. Il se propose de réduire de 30 % la rémunération des médecins qui travaillent à temps partiel, une mesure franchement très imaginative. Il sabre aussi dans le programme de fécondation assistée, une autre économie en ces temps d’austérité.

Un autre siècle!

Le président du Conseil du trésor, Martin Coiteux, n’a pas été en reste, annonçant, non sans emphase, l’avènement de « l’État XXIe siècle ». Plus prosaïquement, il s’agit d’une coupe de 689 millions qui est de la même eau que les compressions annoncées au printemps. Après 2 % de « gains de productivité », un terme savant pour parler d’une réduction de personnel, il impose une autre compression de 2 %, assortie d’une foule d’économies de bouts de chandelle. L’État du XXIe siècle attendra quelques mois encore, puisque le ministre a promis que le gouvernement s’attaquera aux structures de l’État dans le prochain budget.

Depuis le début de la session et durant la dernière semaine en particulier, on assiste en quelque sorte à une course à l’austérité où les ministres rivalisent d’ingéniosité pour rogner les dépenses publiques. On s’attend à ce que Carlos Leitão, à la faveur de sa mise à jour économique et financière, apporte, mardi, sa contribution avec d’autres coupes du côté des crédits d’impôt aux entreprises. Toutes les décisions du gouvernement, ou presque, visent à atteindre l’équilibre financier en 2015-2016, un objectif incontournable, répète Philippe Couillard. Quant à Martin Coiteux, on attend toujours qu’il demande à la commission Robillard, qui dispose d’un budget allant de 2 à 3,8 millions, selon les versions, d’en faire plus avec moins.


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