La conquête de la planète

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CAQ=PLQ, Legault=Charest

La dernière campagne électorale avait mis en scène François Legault le comptable, qui allait faire le ménage dans l’appareil gouvernemental. Cette approche a démontré ses limites le 4 septembre. Avec le « projet Saint-Laurent », le chef de la CAQ a trouvé le registre qui lui convient le mieux : celui de l’entrepreneur à succès, qui a fait ses preuves avec Air Transat.
Même s’il était un ministre important dans les gouvernements de Lucien Bouchard et de Bernard Landry, M. Legault trouvait parfois qu’on le regardait de haut au PQ, comme s’il était trop terre à terre pour bien apprécier la substantifique moelle de la souveraineté. Il a un peu abusé du mot « vision » dans ses discours de la fin de semaine, mais ils étaient nettement plus inspirants que ce qu’on entend depuis des mois au PQ, dont l’ancienne ferveur est maintenant l’apanage d’Option nationale.
Bien sûr, il y a une bonne part de mirage dans cette verte Silicon Valley du nord, où se multiplieront les « zones d’innovation » qui offriront une qualité de vie idyllique, avec leurs parcs, leurs garderies et, tant qu’à y être, leurs plages sur le fleuve. La CAQ a néanmoins réussi en fin de semaine ce qu’elle n’avait pas plus fait depuis l’arrivée-surprise de Jacques Duchesneau l’été dernier : attirer l’attention. C’est déjà beaucoup.
Il était difficile de ne pas sourire en voyant M. Legault étendre la vallée du Saint-Laurent à l’Abitibi-Témiscamingue, mais son projet n’est pas tellement plus élastique que l’était le Plan Nord. Il est surtout bien plus consensuel. Quand on voit Philippe Couillard s’empêtrer d’entrée de jeu dans le dossier constitutionnel, il semble tout à fait justifié que M. Legault conteste au PLQ l’étiquette de parti de l’économie. Après tout, pendant qu’il bâtissait la plus grosse compagnie d’aviation québécoise, son homologue libéral fondait un service de neurochirurgie en Arabie.
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Gérard Deltell a exagéré en déclarant que la CAQ venait de prendre le contrôle de l’« agenda politique » au Québec. Il est vrai qu’elle est première à annoncer ses couleurs en vue de la prochaine élection, mais M. Legault devrait prendre garde de ne pas trop en mettre. À l’entendre, le Québec pourrait devenir non seulement la Mecque de l’économie du savoir, mais aussi une nouvelle Norvège, grâce au pétrole du golfe, et une des premières destinations touristiques mondiales. La vallée du Saint-Laurent ne serait rien de moins que le point de départ de la « conquête de la planète ». Wow !
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois qu’on nous prédit un avenir radieux. En 2000, le magazine de tendances américain Wired classait déjà Montréal au cinquième rang des grands pôles de haute technologie, derrière Silicon Valley, Boston, Londres et Stockholm.
Il faut toutefois se méfier de ces fins renards qui louangent notre plumage. En mai 2002, le président de l’entreprise américaine Ideas and Associates, Arthur Gutch, avait volé la vedette d’une conférence de presse organisée par Bernard Landry pour annoncer la création d’emplois dans la cité du commerce électronique, en qualifiant la métropole de « Silicon Valley sous la neige » et de « secret le mieux gardé en Amérique du Nord ». Ideas and Associates s’était engagée à créer 730 emplois. Trois semaines plus tard, elle fermait ses portes et M. Gutch avait disparu.
Il ne suffira peut-être pas de faire le ménage dans les crédits d’impôt consentis aux entreprises afin de décontaminer des terrains. Tous les grands clusters internationaux se sont développés autour d’universités qui ont consacré des sommes énormes à la recherche et au développement, tandis que les investissements dans les universités québécoises se font au compte-gouttes.
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Il fut un temps où M. Legault aurait dit qu’un projet comme le sien ne pourrait être réalisé sans que le Québec dispose de tout son coffre d’outils. En fin de semaine, la moitié semblait lui suffire, même s’il a présenté l’indépendance économique comme la clé de l’indépendance tout court. Pas une fois dans ses discours il n’a fait la moindre allusion à une éventuelle participation du gouvernement fédéral, qui a pourtant compétence sur le Saint-Laurent.
Le débat soulevé par les mesures du budget Flaherty concernant la formation professionnelle, directement liée à l’innovation, montre également la nécessité d’une étroite collaboration entre les deux niveaux de gouvernement.
Il ne faudrait pas croire que le Québec est la seule province canadienne qui s’intéresse à l’économie du savoir. L’Ontario et la Colombie-Britannique sont tout aussi désireuses de voir des entreprises de haute technologie s’installer chez elles.
La subvention de 920 millions que M. Flaherty a accordée à l’Agence économique du sud de l’Ontario pour y soutenir l’industrie manufacturière, alors que le Québec a dû se contenter de peanuts, montre bien qui aura le plus de poids le jour où Ottawa devra trancher.


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