La chute du pétrole menace le retour à l'équilibre budgétaire

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La péréquation en jeu à moyen terme

La baisse du prix du pétrole en général et des carburants en particulier entraînera un manque à gagner d'environ un demi-milliard l'an prochain, alors que Québec tient à tout prix à renouer avec l'équilibre budgétaire.
On considère en général qu'une baisse du prix des carburants ne comporte que des avantages pour une province importatrice.
Pour le consommateur, elle équivaut à une réduction d'impôt avec effet immédiat puisqu'il en coûte beaucoup moins cher de faire le plein à 1,10$ le litre plutôt qu'à 1,40$.
Pour l'économie, elle diminue le déficit commercial puisque l'or noir est la première importation du Québec. En octobre, alors que le prix du baril de brut était aux environs de 80$US, le Québec en a acheté pour près de 700 millions de dollars. Ces jours-ci, le baril se vend en bas des 50$.
Toutefois, les variations du prix du pétrole agissent aussi sur la valeur de la monnaie. Un dollar plus faible augmente le prix des biens importés, réduisant le pouvoir d'achat des ménages, et augmente les coûts d'équipements d'une entreprise. Bref, l'effet positif économique est tangible à court terme, mais ténu à plus long terme.
Un prix du pétrole plus faible diminue aussi à court terme la valeur de l'ensemble des biens et services que les Québécois et leurs entreprises produisent. C'est ce que les économistes appellent le produit intérieur brut nominal, dans leur jargon.
Or, les variations du PIB nominal sont le meilleur indicateur de la progression de l'assiette fiscale des gouvernements. Une différence d'un point de pourcentage représente 500 millions en plus ou en moins aux revenus autonomes du Québec.
La baisse actuelle du prix du pétrole agit sur l'économie du Québec de deux façons opposées: elle stimule la croissance de la taille de l'économie (le PIB réel) en améliorant, par exemple, la balance commerciale et le pouvoir d'achat des ménages, mais elle freine l'augmentation du PIB nominal en ralentissant l'inflation.
Pour mieux comprendre, rappelons que le ministre des Finances Carlos Leitao a prévu, dans son minibudget de décembre, que la croissance réelle de l'économie atteindra 1,9% en 2015 alors que le PIB nominal doit grimper de 3,8%.
La semaine dernière, une étude de BMO Marchés des capitaux a relevé à 2,1% la prévision d'expansion réelle du Québec, tout en ramenant à 2,8% seulement la croissance de son PIB nominal.
Mince consolation, BMO diminue à 2,1% la progression réelle du Canada et à seulement 1,1% celle de son PIB nominal.
On comprend mieux ainsi le casse-tête du ministre Joe Oliver qui prévoyait en décembre un surplus budgétaire pour 2015-2016 sur l'hypothèse d'une croissance de 4,4% du PIB nominal.
Si la prévision de BMO tient, ce qui suppose que les prix du pétrole ne remonteront pas de sitôt, sinon de bien peu, alors l'assiette fiscale de Québec diminuera aussi en 2015-2016, cible du déficit zéro.
M. Leitao a fait l'hypothèse que les revenus autonomes augmenteront de 3,4 milliards pour le prochain exercice et permettront le retour à l'équilibre.
Si le PIB nominal augmente plutôt de 2,8% comme le prévoit BMO au lieu de 3,8% selon les hypothèses de M. Leitao, les revenus autonomes sont susceptibles de diminuer d'un demi-milliard, même si le PIB réel est un peu plus élevé que prévu.
Le premier ministre Philippe Couillard a indiqué dernièrement qu'il n'était plus question de hausses d'impôts, après celles de 600 millions annoncées en décembre.
Il faudra bien aller chercher ce demi-milliard quelque part: si ce n'est pas dans les recettes, alors ce sera dans les dépenses.
Le gouvernement ne peut compter sur une augmentation des transferts fédéraux. Malgré le casse-tête de M. Oliver, qui a vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué pour 2014-2015, Québec et les autres provinces ont au moins l'assurance que les montants au chapitre de la péréquation et des transferts en santé et services sociaux annoncés en décembre seront honorés. Québec peut donc compter sur 19,25 milliards en 2015-2016.
Pour 2016-2017, en revanche, et les années suivantes, la donne va changer. Au chapitre de la péréquation, l'augmentation des paiements est plafonnée à la variation moyenne du PIB nominal fédéral des trois années précédentes, avec un décalage de deux ans. L'année 2014-2015 affectera donc les versements de 2016-2017, 2017-2018 et 2018-2019.
Il est plausible, et on doit le souhaiter, que la baisse des prix des carburants se soit assez diffusée dans l'économie pour avoir stimulé la production manufacturière et les exportations.
Québec dispose aussi de deux atouts.
D'abord, il y a le rapport de la Commission d'examen sur la fiscalité québécoise attendu d'ici le 17 février. Son président, Luc Godbout, et son équipe doivent formuler maintes recommandations pour augmenter l'efficacité fiscale, susceptible de stimuler l'économie et les recettes de Québec.
Le gouvernement tire aussi profit de la baisse ahurissante des taux d'intérêt obligataires sur les échéances de 10 et de 30 ans qu'il privilégie pour ses emprunts. Québec a déjà emprunté 4 milliards pour combler ses besoins de financement de 2015-2016.
Cela diminue la croissance du service de la dette pour les prochaines années. Québec a prévu en décembre verser 11,07 milliards en intérêt sur la dette en 2015-2016.
Ce sera quelques dizaines de millions de moins, mais pas 500...
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VARIATION ANNUELLE DU PIB NOMINAL
(EN MILLIARDS DE DOLLARS)

Canada | Québec
2010 | 6,1 | 4,5
2011 | 6,5 | 4,9
2012 | 3,5 | 3,4
2013 | 3,4 | 1,5
Canada | Budget fédéral | Québec | Budget provincial
2014* | 4,3 | 4,4 | 3,5 | 3,1
2015** | 1,1 | 4,3 | 2,8 | 3,8
Prévisions : *VMBL, **BMO Marchés des capitaux
Sources : Statistique Canada, VMBL, BMO Marchés des capitaux,
Finances Canada et Québec
L'augmentation plus faible que prévu du PIB nominal en 2013 avait transformé le déficit zéro anticipé pour 2013-2014 en déficit de 2,82 milliards de dollars. En 2015, l'augmentation du PIB nominal sera plus faible que la prévision de 3,8% du ministre Carlos Leitao. Le déficit zéro reste-t-il raisonnablement atteignable ?


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