La capacité de réaction du gouvernement Couillard mise à rude épreuve

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La passivité du gouvernement Couillard est sans appel






Frappé à répétition par la crise et la controverse, le premier ministre Philippe Couillard n’a eu d’autre choix que de se replier en défensive durant toute la période des travaux parlementaires, qui s’est terminée vendredi. De l’attentat à la grande mosquée de Québec aux crues printanières, en passant par l’immobilisation de centaines d’automobilistes sur l’autoroute 13 — sans oublier la mise au jour d’une enquête criminelle visant l’ex-premier ministre libéral Jean Charest et de courriels entre Philippe Couillard et Marc-Yvan Côté —, la capacité de réaction du gouvernement libéral a été mise à rude épreuve.


 

« La politique, ce n’est jamais un fleuve tranquille », a philosophé M. Couillard à l’occasion de la présentation de son bilan vendredi. « Ce que les Québécois ont vu, c’est un premier ministre qui parcourt les régions pour aider le monde. Et c’est ça que les gens veulent », a poursuivi le disciple d’Héraclite.


 

Au gouvernail, le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, a navigué à vue au cours des derniers mois. Le meurtre de six fidèles de la grande mosquée de Québec, le 29 janvier, l’a convaincu d’accélérer l’étude du projet de loi visant à faciliter l’intégration des personnes immigrantes au marché du travail — après bonification — et à reporter une nouvelle fois l’examen du projet de loi controversé sur la neutralité religieuse de l’État. « Le premier ministre Couillard […] rejeta, comme de l’intolérance, la volonté de ses autres partenaires de l’Assemblée nationale de travailler ensemble », a déploré le chef de l’opposition officielle, Jean-François Lisée.


 

Les inondations printanières, qui ont jeté à la rue des milliers de Québécois dans 15 régions, ont ensuite permis à l’État de faire oublier les sérieux ratés de l’opération de sauvetage des automobilistes coincés sur l’autoroute 13 quelques semaines plus tôt. M. Couillard a réitéré vendredi ses excuses aux victimes de cette « situation inacceptable ». « Ces événements nous amènent à poursuivre nos efforts pour lutter contre les changements climatiques », a-t-il fait valoir.


 

Montrant qu’il agit, le gouvernement libéral a appuyé sur l’accélérateur afin d’assurer l’adoption de la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques avant la relâche parlementaire.


 

Il a aussi dû juguler la crise des délais en matière de justice criminelle et pénale — qui le rattrape chaque fois qu’un prévenu est libéré après avoir brandi l’arrêt Jordan. Depuis cette décision de la Cour suprême, le gouvernement libéral refuse de recourir à la clause de dérogation de la Charte des droits et libertés afin de ne pas être assujetti aux délais maximaux de traitement des dossiers criminels. La ministre de la Justice y verrait un aveu d’échec. « Pour un temps limité, on abdique. Ce n’est pas ce qu’on souhaite faire », a-t-elle dit vendredi.


 

Mme Vallée a aussi écopé du conflit de travail des juristes de l’État, qui ont considérablement ralenti l’action législative du gouvernement depuis le coup d’envoi de leur grève, le 24 octobre.


 

C’est toutefois le président du Conseil du trésor, Pierre Moreau, qui a maté les grévistes en les forçant à rentrer au boulot au moyen d’une loi spéciale le 28 février, et ce, après avoir mis la maladie K.-O.


 

Sous pression, Mme Vallée a aussi pris à bras-le-corps le projet de loi facilitant les recherches des personnes adoptées. Il a passé la rampe de l’Assemblée nationale in extremis vendredi.


 

Le spectre d’anciens libéraux


 

L’équipe libérale a aussi dû gérer la mise au jour d’une enquête sur l’ex-premier ministre Jean Charest et d’échanges entre M. Couillard et l’ex-collecteur de fonds Marc-Yvan Côté, qui a été banni à vie du Parti libéral du Canada.


 

Martine Ouellet, qui a quitté le caucus du PQ afin de diriger celui du Bloc québécois, a accusé M. Couillard — « le plus fédéraliste des premiers ministres libéraux du Québec » — d’avoir dévoilé, le 1er juin dernier, sa Politique d’affirmation et de relations canadiennes afin de « faire oublier ses amitiés fumeuses avec Marc-Yvan Côté » et de « déshabiller la CAQ de son programme nationaliste ».


 

La tourmente dans laquelle le PLQ a été plongé a amené M. Moreau à évoquer « un tir groupé [de journalistes], qui est presque une position politique à l’encontre du parti qui représente le gouvernement ».


 

Il faisait référence à des reportages de Québecor, une entreprise qui appartient à l’ex-chef péquiste Pierre Karl Péladeau. Le ministre Jean-Marc Fournier a quant à lui dénoncé le travail d’un journaliste qui, selon lui, cherchait à l’attaquer plutôt qu’à trouver de l’information. « On réalise que votre travail comporte aussi la critique du gouvernement, mais je n’ai pas, absolument pas l’intention d’engager une polémique avec les médias », a assuré le premier ministre.


 

Il a cependant servi une réponse différente au micro d’une radio de Québec mardi. « C’est clair que, quand on a un gouvernement qui réussit, […] on a une campagne, toujours en fin de mandat, de dénigrement et de harcèlement systématique, mais je n’entends pas faire de guerre aux médias », a-t-il déclaré au 93,3 FM.


 

L’équipe libérale a aussi dû se distancier des membres de ses rangs visés par des allégations d’inconduite : Gerry Sklavounos à l’automne et Pierre Paradis à l’hiver.



Les exclus de la session


Claude Surprenant, 24 janvier

Expulsé du caucus de la CAQ en raison d’une enquête sur la gestion de ses dépenses



Pierre Paradis, 26 janvier

Expulsé du caucus libéral pour inconduite sexuelle alléguée



Martine Ouellet, 5 février

Quitte le Parti québécois pour siéger à titre de députée indépendante



Gerry Sklavounos, 14 février

Ne peut réintégrer le caucus libéral en dépit de son acte de contrition dans la foulée d’allégations à caractère sexuel



Gaétan Lelièvre, 16 mai

Exclu du caucus péquiste en raison des révélations entourant les faveurs de la firme Roche, reçues alors qu’il était directeur général de Gaspé



 

Élections anticipées ?


 

Malgré les crises, les libéraux ont conservé leur avance dans les sondages. Les mers houleuses ont tout de même profité à la Coalition avenir Québec, qui s’est installée en deuxième place dans les intentions de vote au mois de mai.


 

De 3 % des intentions de vote en décembre, le Parti québécois est passé à 23 %. Mais son chef n’estime pas que son parti est en perte de vitesse pour autant. « Dans les 14 partielles qui ont eu lieu depuis le début de ce mandat — ce qui est beaucoup trop —, la CAQ a perdu des points dans 10 des cas, […] le PQ a progressé dans 9 des cas sur 13 parce qu’on n’était pas dans Gouin », a-t-il fait valoir.


 

Le PQ a fait élire un candidat dans 5 des 13 circonscriptions où il a présenté des candidats. Reste qu’il ne souhaite visiblement pas que des élections générales soient déclenchées avant l’échéance du 1er octobre 2018 prévue par la loi.


 

« Si le premier ministre veut prendre le risque de choquer les Québécois en déclenchant une élection parce qu’il n’est plus capable de gouverner, bien il aura à payer le prix de l’irrespect de cette loi », a-t-il déclaré, après s’être tout de même dit prêt « à tous les scénarios ».


 

Le chef caquiste n’aurait quant à lui aucun problème à écourter ses vacances pour profiter des vents favorables à sa formation politique. « J’ai demandé à toute mon équipe […] d’être prête pour le 15 août. Donc les autobus, les pancartes, les candidats, etc. », a-t-il révélé.


 

Manon Massé, de Québec solidaire, a souligné la bataille qu’elle a menée pour éviter la disparition de sa circonscription de la carte électorale. « Plutôt belle session pour Québec solidaire et pour moi. Ah oui ! Puis lui, il est arrivé, quand même », a-t-elle lancé en se retournant vers son nouveau collègue, Gabriel Nadeau-Dubois.


 

L’entrée de ce dernier à l’Assemblée nationale est survenue au moment même où QS rejetait la possibilité de discuter d’alliances électorales avec le PQ.


 

Mais les solidaires ont tourné la page et s’attardent aux défis qui les attendent. « Il faut faire plus de travail sur le terrain, aller chercher des bonnes candidatures en région, et aussi, il faut continuer à mettre en avant notre discours économique », a énuméré M. Nadeau-Dubois.


 

De son côté, M. Couillard a cherché à dissiper les rumeurs d’élections générales anticipées, notamment en donnant un aperçu des priorités des prochains mois : un plan d’action pour le développement social et culturel des Premières Nations et des Inuits, assorti d’un nouveau fonds d’initiatives autochtones pour les projets à caractère économique, une politique de réussite éducative ainsi qu’un plan de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.


 
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