Commentaire sur l’article de Françoise Bertrand de la Fédération des chambres de commerce du Québec, "Île d'Anticosti : la campagne électorale ne doit pas précipiter les choses", 1er août 2012,
Le sort de l’exploration pétrolière et gazière dans l’île d’Anticosti ne peut être pénalisé par des promesses électorales… il est déjà favorisé par des décisions ministérielles. Par le fait même, c’est plutôt le sort d’Anticosti qui est pénalisé.
Il ne serait pas prématuré d’imposer un moratoire sur les projets d’exploration, il serait plutôt pertinent de le faire. Avant d’explorer, on évalue l’état des lieux. C’est ce qui a été fait dans l’estuaire du Saint-Laurent avec l’évaluation environnementale stratégique qui a conclu que cet écosystème est trop fragile pour supporter les risques reliés à l’exploitation d’hydrocarbures. Dans ce dossier, comme dans bien d’autres d’ailleurs, n’eût été la vigilance citoyenne, cette évaluation n’aurait probablement jamais eu lieu et l’estuaire serait sans doute aujourd’hui à la merci de l’industrie pétrolière et gazière.
On accuse les Québécois injustement de « nonisme » lorsqu'ils s’évertuent à protéger leur environnement et à prévoir les conséquences des gestes posés. Ce qui est honorable et responsable devient un défaut pour les empressés dont l’objectif premier est de faire la piastre rapide sans tenir compte de la valeur écologique du patrimoine naturel. Il ne s’agit pas de bloquer systématiquement tout projet d’exploration, il s’agit de bloquer tout projet d’exploration qui met en péril les éléments vitaux que sont l’eau, l’air, le sol, les forêts et les océans. Nuance!
Oui, le Québec est dépendant du pétrole, comme la plupart des pays du monde. C’est ainsi. Toutefois, ce n’est pas une raison pour le rester. Ce qui est irresponsable, ce n’est pas de priver le Québec du potentiel énergétique de son sous-sol, ce qui est irresponsable, c’est de priver le Québec du développement de son haut potentiel d’énergies renouvelables, c’est de priver le Québec de sa capacité de se libérer des énergies fossiles, c’est de précipiter le Québec dans une avenue énergétique décriée par les plus grands spécialistes du monde scientifique comme étant néfaste à la vie sur Terre.
Que le développement des ressources naturelles se fasse dans les meilleures conditions et dans un cadre réglementaire transparent et stable va de soi, mais il faut en exclure les énergies fossiles, dont le pétrole et le gaz. Même s'il y avait du pétrole et du gaz à la grandeur du sous-sol québécois, les exploiter n'est pas la voie à suivre. Toutes les preuves sont là. Par conséquent, développer la filière des hydrocarbures au Québec comme mesure transitoire, c'est de la foutaise. Ce n’est pas en investissant dans les énergies fossiles que nous allons nous en affranchir. Le Québec possède un énorme potentiel en énergies renouvelables complémentaires qui peut lui aussi engendrer des retombées économiques indéniables pour l’ensemble de la province. Développer une expertise en ce sens pourrait servir éventuellement à aider d’autres pays à se libérer des énergies polluantes. Les Québécois sont ingénieux et inventifs. Pour s’en convaincre, il s’agit de jeter un coup d’œil justement sur les entreprises novatrices qui ont décidé de prendre en main un virage vert. Et dans plusieurs groupes de recherche cogitent des solutions tournées vers l’avenir, loin des énergies fossiles. C’est sur ce savoir et ce savoir-faire qu’il faut miser.
Il semble que le véritable problème soit occulté, encore une fois. L’enjeu entourant les hydrocarbures est planétaire et dépasse largement les frontières du Québec.
Nous devons MAINTENANT développer des alternatives, ne serait-ce que par principe de précaution pour assurer la pérennité des éléments vitaux. La Terre est un système. Lorsqu’on détruit ou endommage l’une de ses composantes, toutes les autres réagissent pour rétablir l’équilibre. La Terre est capable de se régénérer. Elle prendra le temps qu’il faut. Ce sont les espèces vivantes, et principalement la nôtre, qui sont en danger si nous continuons à dégrader les milieux de vie naturels. Est-ce nécessaire de rappeler le nombre d’espèces qui disparaissent à chaque année? Seulement à Anticosti, six espèces d’oiseaux, sept espèces de plantes, une espèce de mammifères terrestres, deux espèces de mammifères marins et une espèce de poissons sont en péril.
Devons-nous privilégier des profits à court terme et une destruction à long terme sur Anticosti ? Le spécialiste Marc Durand, doct-ing en géologie appliquée et professeur retraité au département des sciences de la Terre et de l’atmosphère de l’UQAM, dans un commentaire partagé dans Le Devoir du 31 juillet dernier, explique les faits et les risques encourus :
«Il y a bel et bien des hydrocarbures à Anticosti, mais c'est du "pétrole de schiste". En fait du pétrole diffus dans l'ensemble de l'unité géologique qui couvre plusieurs milliers de km2. L'exploitation ne pourrait se faire qu'en ayant recours à la fracturation hydraulique; ce qui est totalement inacceptable dans le cas de l'Utica pour le gaz de schiste, l'est encore plus dans le cas du "pétrole de schiste", car on devrait fracturer un volume énorme, massacrer tout le paysage et le substratum pour un taux de récupération encore plus dérisoire: de 20% dans le cas du méthane, la technique tombe à moins de 5% d'efficacité de récupération dans le cas du pétrole. Beaucoup de dégâts irréversibles, du profit à court terme pour l'industrie mais des impacts absolument hors de proportion et tout à fait déraisonnables. Il n'y a en fait aucune rentabilité, sauf pour les profits à court terme. Globalement ce serait un désastre financier pour la société québécoise. Les gisements d'hydrocarbures non conventionnels sont de la poudre aux yeux; c'est impossible avec la technique actuelle d'en faire une extraction raisonnable.» (Alexandre Shields, «Projets pétroliers – Moratoire réclamé à Anticosti», Le Devoir, 31 juillet 2012, )
Il faut avoir une vision globale à long terme, et pas seulement une vision économique. Parler uniquement le langage des chiffres devient obscène lorsqu’il est question d’éléments vitaux. Utiliser l’eau douce à outrance (notre or bleu), gaspiller cette ressource limitée et risquer de contaminer les nappes phréatiques de façon permanente, comme dans le cas de la fracturation pour l’extraction du pétrole et gaz de schiste, est inadmissible dans l’état actuel des connaissances que nous avons. La ressource en eau douce est encore plus circonscrite sur Anticosti du fait que ce territoire est une île, lovée au cœur d’une mer intérieure dont l’eau est salée. Au moment où l’on prend conscience partout sur la planète de la pénurie qui nous guette, ici au Québec, avec notre abondance, on en abuse. Cessons de nous leurrer : l’argent ne pourra acheter l’eau douce qui ne sera plus utilisable ou consommable, parce que contaminée. La nature est indifférente à la riche$$e fugitive des humains qui n’auront pas le dernier mot. Si nous insistons, notre propre survivance est en jeu. À nous de choisir... alors faisons les bons choix tandis qu’il est encore temps!
Nous vous invitons à poser un geste concret et à signer cette pétition internationale pour protéger Anticosti : http://www.avaaz.org/fr/petition/Lile_dAnticosti_un_tresor_du_patrimoine_naturel_mondial_en_danger_face_aux_petrolieres/.
Nous vous invitons aussi à découvrir cette île merveilleuse… de quoi vous donner le goût de préserver ce joyau naturel unique issu de l’écrin des profondeurs marines du golfe du Saint-Laurent : http://www.ile-anticosti.ca/.
Nous remercions cordialement le docteur Marc Durand d’avoir autorisé l’utilisation de son commentaire aux fins de cet article.
Marie-France Doucet
_ Écocitoyenne
_ Étudiante en sciences de l’environnement
_ Rédactrice de la chronique environnementale
_ Biomes du Sans Papier, Télé-université
_ http://benhur.teluq.ca/wordpress/sanspapier/?s=biomes
En collaboration avec
Marie-Hélène Parant
vArtiste des nouveaux médias et photographe
_ Initiatrice des groupes Facebook
_ Non au pétrole au Québec et Anticosti, que faire?
_ Initiatrice de la pétition demandant un moratoire sur les gaz de schiste
Commentaire sur l’article de Françoise Bertrand
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