La Caisse a gagné son pari: faire croire qu’elle a changé

Lors de la prochaine grande crise, la CDPQ se trouvera sans doute de nouveau du côté des perdants

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Alerte rouge !






Des rendements de 15,2 %, 12,2 %, 14,7 % et 14,6 %, c’est la performance de la Caisse de 2003 à 2006, avant que s’amorce la grande crise financière. Par la suite, il n’aura fallu que quelques années de bons résultats, et quelques déclarations creuses des nouveaux dirigeants, pour que nos politiciens concluent que les risques sont désormais maîtrisés. Pourtant, il faut s’attendre à une autre grande crise dans les prochaines années, qui va ramener la tendance des rendements à un rythme soutenable.


 

Les actuaires qui conseillent les gestionnaires de régimes de retraite au Québec et ailleurs évaluent à environ 6 % le rendement qui peut être attendu de leur placement, en moyenne sur une longue période, compte tenu de la croissance de l’économie réelle. Depuis quelques dizaines d’années, les marchés financiers ont tendance à connaître des bulles de rendements très élevés suivies de fortes corrections.


 

Le manque de rigueur qui sous-tend ces bulles financières peut s’expliquer par la forte demande pour les produits d’investissement. En effet, l’économie globale actuelle est caractérisée par le fait qu’une grande partie des biens vendus à prix compétitif dans les pays développés est produite par des travailleurs à très faible salaire dans les pays pauvres. Ce commerce génère des profits énormes pour les entreprises qui y sont impliquées. Il en résulte une épargne excessive au niveau global qui reflète aussi le fait que les travailleurs à bas salaire n’ont pas de revenus suffisants pour consommer l’équivalent de leur production.


 

Quoi qu’il en soit, des attentes de rendement supérieures à 10 % sont devenues la norme, tant pour les gestionnaires de fonds qui offrent leurs services que pour les investisseurs qui leur confient des fonds. Les firmes de gestion, dont la Caisse, ne se soucient guère des corrections à venir, corrections qu’elles ne peuvent ignorer. Tous les gestionnaires impliqués, y compris les hauts dirigeants, reçoivent de généreuses primes proportionnelles aux rendements quand tout va bien, rimes qui ne sont nullement compensées par des pénalités lorsque des rendements négatifs ou catastrophiques surviennent.


 

En cas de désastre, un certain nombre de gestionnaires peuvent perdre leur emploi, sans atteinte à leur réputation et parfois avec une indemnité de départ, puisque tout est la faute des marchés. Quelques-uns peuvent être accusés de fraude ou de négligence pour avoir caché de l’information ou ne pas avoir respecté leur mandat d’investissement. Par contre, au Québec, à la suite de la débâcle à la Caisse, on ne s’est même pas donné la peine d’enquêter sérieusement sur de possibles fautes majeures malgré les indices évidents de manquement à des règles élémentaires de prudence. L’incitation à prendre des risques pour gonfler les rendements est donc sans limites. C’est d’autant plus dangereux que dans lesmarchés affectés par des bulles de rendement, les mesures de risque ne sont plus fiables.


 

Depuis 2009, la forte progression des marchés boursiers nord-américains a été suffisante pour satisfaire l’appétit des gestionnaires. Cette croissance a mené les indices boursiers à des niveaux extrêmes, comme on peut le constater facilement dans les graphiques disponibles sur Internet, des niveaux qui n’ont rien à voir avec les bénéfices futurs attendus de la part des entreprises représentées par les indices. Pour maintenir des rendements supérieurs à 10 %, des sommes massives de capitaux seront orientées vers des activités considérées comme plus risquées, soit les pays émergents, l’immobilier, les infrastructures ou certains produits dérivés. En 2007-2008, c’est l’explosion de la bulle dans les titres adossés à des créances qui a provoqué la débâcle dans tous les marchés. Pour la prochaine crise, ça reste à voir.


 

Les informations diffusées récemment nous permettent de croire que la Caisse se positionne pour profiter des rendements intéressants offerts par les prochaines bulles spéculatives. Au-delà des incitatifs à la performance qui y sont aussi présents, la Caisse veut offrir à ses déposants des rendements compétitifs avec la norme du marché. Est-il approprié que la Caisse adopte la stratégie de gestion des grandes institutions financières internationales ? On peut en douter.


 

La Caisse n’a pas l’envergure des plus grandes institutions financières qui mènent le jeu et qui peuvent retirer leurs billes avant tous les autres. Contrairement à la Caisse, la plupart des grands investisseurs internationaux gèrent l’argent de clients et ils ne mettent pas à risque leurs avoirs propres. Ils peuvent même obtenir une aide massive des gouvernements en cas de crise parce que leur faillite menacerait la survie du système financier. La Caisse risque de se retrouver du côté des perdants, et ses déposants d’encaisser toutes les pertes, comme en 2008.


 

Dans le présent contexte, les défis sont énormes pour l’exécutif de la Caisse et il devrait être délesté de certaines responsabilités. Les grandes orientations, tel le taux de rendement recherché, devraient être discutées sérieusement au conseil d’administration et éventuellement à l’Assemblée nationale. De plus, un conseil d’administration fort, appuyé comme il se doit par des comités d’experts, devrait suivre de près la gestion courante et s’assurer que toutes les balises de gestion sont respectées. Un tel conseil d’administration n’existait pas avant 2008 ; il n’existe pas plus maintenant ! Et c’est pourquoi on se dirige vers le même résultat.







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