La beauté de la démocratie

Montréal - élection 2009



Benoit Labonté a éclaboussé tout le monde, jeudi soir, à Radio-Canada, y compris son ancien chef, Louise Harel.
Elle aussi, a-t-il affirmé, ferme les yeux sur certaines pratiques condamnables. Voici ce qu'il a confié:
«La responsable du financement, que Mme Harel a nommée en arrivant (à Vision Montréal), ne se cache pas pour dire, en pleine réunion, qu'elle va chercher du financement sectoriel, c'est-à-dire auprès des grandes entreprises. (Pourtant), ce n'est pas permis.»
Jeudi, pendant que la tempête Labonté s'abattait sur les ondes de Radio-Canada, j'ai appelé Vision Montréal pour demander une entrevue avec Mme Harel.
«On vous rappelle.»
Mme Harel ne m'a pas rappelée. On ne l'a vue nulle part, ce soir-là. Elle a envoyé au front Pierre Lampron, son nouveau bras droit qui a remplacé Benoit Labonté après son congédiement.
Un homme qui ne connaît rien à la politique montréalaise, pris dans l'oeil de la tempête. Mauvaise stratégie. M. Lampron n'a pas assisté à un seul conseil municipal.
Pour un homme qui n'a jamais été élu, il a vite maîtrisé les rudiments de la langue de bois. Hier, devant une flopée de journalistes, il a réussi à ne pas répondre aux questions.
Mais revenons à Mme Harel et à son sens de l'éthique. Devant l'accumulation des scandales, elle affirme qu'elle a troqué son balai contre un aspirateur. Elle veut faire le grand ménage à l'hôtel de ville pour mettre fin aux magouilles.
Fort bien. Mais elle devrait peut-être commencer par passer le balai dans son propre parti, pour continuer dans la métaphore domestique. Mme Harel ne cesse de répéter que l'argent recueilli pour financer sa campagne est propre-propre, que tout est transparent et que chaque don apparaît sur son site web plus vite que son ombre.
Sauf que Benoit Labonté prétend le contraire. Joint par La Presse, hier, il a répété son histoire mot pour mot: la responsable du financement de Vision Montréal, Sylvie Bourassa, ne se gêne pas pour dire ouvertement qu'elle recueille des dons provenant des entreprises, une pratique interdite par la loi. Seuls les électeurs peuvent contribuer et le maximum est fixé à 1000$ par année.
Et, je le répète, c'est Louise Harel qui a choisi Mme Bourassa.
Vrai ou faux?
Les dénégations molles de Mme Harel, hier, m'ont laissée perplexe. Elle tournait autour du pot, sans vraiment répondre. Pourtant, les journalistes ont répété leur question au moins cinq fois: Benoit Labonté a-t-il menti?
«On passe à une autre question», a coupé sa relationniste.
Ce n'est pas en esquivant le sujet que Mme Harel va réussir à convaincre les Montréalais qu'elle peut passer l'aspirateur à l'hôtel de ville.
Louise Harel a fait son point de presse sur la place Jacques-Cartier. Quelques centaines de pieds plus loin, un guide montrait l'imposante façade de l'hôtel de ville à une vingtaine de touristes. Il résumait, avec de grands gestes, les scandales qui secouent la Ville. Ahuris, les touristes, arrivés de Paris la veille, écoutaient religieusement.
Ça nous fait une belle jambe.
Tout le monde réclame une commission d'enquête publique. Tous, sauf le premier ministre, Jean Charest, qui préfère se rabattre sur les enquêtes policières.
L'ancien chef de police de Montréal Jacques Duchesneau croit, lui aussi, aux vertus d'une commission d'enquête. Ses arguments sont drôlement convaincants.
«Avec les enquêtes policières, on tombe dans le secret, m'a-t-il expliqué au téléphone, hier. L'huître se referme et ça, c'est malsain. Les gens n'accepteront pas de rester dans le noir.»
«Il faut changer les moeurs politiques et on n'y arrivera pas en arrêtant quatre bandits et en les condamnant à six mois de prison. Les enquêtes de police sont longues. Pour obtenir la permission de faire de l'écoute électronique à l'époque de Carcajou, on avait besoin d'un affidavit de 700 pages. Ça nous a pris deux ans pour le rédiger. Sommes-nous prêts à attendre aussi longtemps et à mettre le couvercle sur les scandales?»
«Une commission d'enquête a des règles beaucoup plus souples. Elle a le pouvoir de convoquer des gens et elle peut les obliger à parler. Dans une enquête policière, tu demandes au gars: «Viens au poste.» Il s'empresse d'appeler son avocat qui lui dit: «Parle pas!»»
Jacques Duchesneau a aussi été candidat à la mairie en 1998. Sa campagne électorale a vite tourné au cauchemar.
«Ce que Benoit Labonté a expliqué, c'est exactement ce que j'ai dénoncé en 1998. Un de mes collaborateurs a été voir le Directeur général des élections au moins trois fois pour lui expliquer la mécanique des magouilles. Ça n'a rien donné. J'étais sonné.»
Certains parlent d'annuler les élections. Mauvaise idée. Les électeurs doivent avoir le dernier mot. S'ils croient que Gérald Tremblay ne mérite plus d'être maire, qu'ils le chassent de l'hôtel de ville.
Les scandales ébranlent sérieusement les Montréalais. Selon le dernier sondage Angus Reid-La Presse, 82% d'entre eux sont préoccupés par la corruption.
S'ils sont ulcérés, qu'ils aillent voter. Un peuple en colère a toujours eu le dessus sur un homme politique.
C'est ça, la beauté de la démocratie.
Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca


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