La bataille de Montréal

CAQ - c'est parti



Dans son mot de présentation de François Legault, qui était le conférencier de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain mardi, le président de la Chambre, Michel Leblanc, s'est réjoui de la création d'un nouveau parti politique, qui permettra enfin à la métropole de devenir un enjeu électoral.
Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ) a saisi la balle au bond, déclarant que cela allait ramener une «saine compétition» entre les partis et «redonner à Montréal son poids politique». Il a bien pris soin d'ajouter — en anglais — que «les électeurs anglophones ont été trop longtemps tenus pour acquis par les libéraux».
Une agglomération qui génère la moitié de l'activité économique et où résident la majorité des ministres peut difficilement être laissée pour compte, mais il est vrai que la métropole ne fait plus partie depuis longtemps des préoccupations des stratèges politiques.
À quoi servirait-il de dépenser temps et argent pour faire basculer une ou deux circonscriptions puisque, de toute manière, ce sont les électeurs de l'extérieur de Montréal qui font et défont les gouvernements?
Seulement 5 des 27 circonscriptions de l'île de Montréal ont changé d'allégeance à une élection ou l'autre au cours des 25 dernières années, si on excepte les quatre circonscriptions anglophones qui avaient temporairement boudé le PLQ au profit du Parti Égalité en 1989.
À titre de comparaison, une seule des 11 circonscriptions de la région de Québec, soit Jean-Talon, est demeurée fidèle au même parti — le PLQ — durant la même période. Même chose à Laval, où les électeurs de Chomedey ont réélu un libéral sans interruption, alors que les quatre autres circonscriptions ont changé d'allégeance au fil des élections.
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Les deux derniers sondages, menés par Léger Marketing, du 14 au 17 novembre, et par CROP, du 21 au 23 novembre, accordent respectivement 34 % et 27 % des intentions de vote à la CAQ dans la région de Montréal.
Selon Léger Marketing, la CAQ mène devant le PLQ (21 %), le PQ (22 %) et Québec solidaire (9 %). Selon CROP, elle arrive deuxième derrière le PLQ (33 %), mais devant le PQ (19 %) et Québec solidaire (7 %). Les deux maisons attribuent à la CAQ 40 % des intentions de vote des francophones dans l'ensemble du Québec, y compris les Montréalais, et au PQ, 24 %.
L'hégémonie libérale ne semble pas sérieusement menacée dans l'ouest de l'île, mais l'entrée en scène de la CAQ risque de transformer l'est de la ville en un véritable champ de bataille, où le PQ est d'autant plus menacé qu'il est également vulnérable sur son flanc gauche. Si QS a pu recueillir 9 % des voix dans Bonaventure, sa progression le long de la ligne orange pourrait être fulgurante.
Malgré la pugnacité des anti-alliancistes du PQ, qui veulent lui «faire la peau» dans Mercier, Amir Khadir sera vraisemblablement réélu. Pire, l'effet Khadir pourrait s'étendre aux circonscriptions voisines de Rosemont, Gouin et même au-delà.
En réalité, le PQ pourrait perdre presque toutes ses circonscriptions à Montréal si les deux partis souverainistes n'arrivent pas à s'entendre sur un partage. Même si la métropole n'est pas aussi inaccessible à la CAQ qu'elle l'était à l'ADQ, le nouveau parti concentrera ses énergies sur le 450. La division du vote souverainiste et progressiste pourrait toutefois lui permettre de se faufiler dans plusieurs circonscriptions montréalaises.
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Dans son discours devant la Chambre de commerce, M. Legault a promis mer et monde à la métropole, notamment de doubler les investissements privés d'ici dix ans et même de «mettre fin aux guerres entre le 450 et le 514».
À l'entendre, la première mesure de redressement serait de se débarrasser du maire Gérald Tremblay, mais la diminution du nombre d'élus municipaux fait partie de la liste des «on verra», qui sont souhaitables sans présenter un caractère d'urgence.
Au rythme où se multiplient les signaux d'alarme sur la situation du français, l'économie et la gouvernance ne seront cependant pas les seules préoccupations des électeurs francophones de la métropole.
Le PQ, qui proposait déjà une «nouvelle loi 101», notamment pour étendre les dispositions de la Charte de la langue française aux cégeps et aux entreprises de 11 à 49 employés, a fait un ajout mardi pour y assujettir également les filiales des sociétés d'État, en particulier la Caisse de dépôt, prise récemment en flagrant délit d'unilinguisme anglais.
M. Legault, lui, s'en tient à sa promesse d'augmenter les ressources consacrées à l'intégration et de renforcer le rôle et les pouvoirs de l'Office québécois de la langue française, sans toutefois renforcer la loi elle-même.
On ne peut pas exiger des fonctionnaires une détermination à défendre le français que les élus eux-mêmes n'ont pas. Depuis 34 ans, la loi 101 a eu amplement le temps de montrer ses limites. Mardi, M. Legault a dit vouloir «accroître le nombre de gestionnaires québécois qui dirigeront de grandes entreprises en français». Encore faut-il se donner les moyens de ses objectifs. Évidemment, ce n'est pas toujours facile à concilier avec les clins d'oeil aux électeurs anglophones.


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