Avions de chasse

La bagarre politique commence

Ottawa confirme l'achat d'au moins 60 F-35 sans appel d'offres. Un futur gouvernement libéral suspendra le contrat.

Les marchands d'armes, les mafias, les corporations professionnelles dictent la politique canadian et profitent de la dilapidation des fonds publics. RÉVOLTANT!


Alec Castonguay - L'annonce n'a pas encore eu lieu, mais la bagarre politique est déjà lancée. Le Parti libéral du Canada a affirmé hier qu'il «suspendra le contrat» des nouveaux avions de chasse F-35 destinés aux Forces canadiennes s'il prend le pouvoir dans les prochaines années.
Comme l'a révélé Le Devoir samedi dernier, le Conseil des ministres du gouvernement Harper a approuvé l'achat du nouvel avion de chasse qui remplacera le CF-18. Ottawa va acheter de 60 à 65 appareils F-35 Joint Strike Fighter (JSF) de la multinationale américaine Lockheed Martin. L'annonce sera faite à 11h ce matin, à Ottawa, par le ministre de la Défense, Peter MacKay, le ministre de l'Industrie, Tony Clement, et la ministre des Travaux publics, Rona Ambrose.
Selon nos informations, le gouvernement fera valoir que ce contrat permettra des retombées économiques importantes pour le Canada dans les prochaines années. Plusieurs entreprises aéronautiques seront d'ailleurs sur place. Lockheed Martin aura 20 ans pour réinvestir au Canada un montant comparable à celui du contrat. La multinationale promettrait également d'utiliser davantage d'entreprises canadiennes dans la chaîne de montage du F-35, qui devrait se mettre en branle en 2012, après les derniers tests de l'avion.
Tout indique qu'il s'agira d'un contrat de gouvernement à gouvernement, c'est-à-dire que le Canada va acheter les avions en passant par le gouvernement américain, qui possède un droit de veto sur les acheteurs potentiels en raison des nouvelles technologies de cet appareil. De plus, cela permettra au Canada de bénéficier du prix offert par Lockheed Martin à l'armée américaine, qui a l'intention d'acheter plus de 2400 exemplaires du F-35. Washington a demandé à Lockheed Martin de s'en tenir à une facture qui oscillerait entre 100 et 120 millions de dollars par avion.
Il n'y aura donc pas d'appel d'offres pour cet important contrat, puisque les Forces canadiennes soutiennent qu'au moment de son lancement, en 2012 ou 2013, aucun autre avion sur la planète ne pourra concurrencer le F-35, un appareil de dernière génération, furtif (difficile à détecter au radar) et doté de nouvelles technologies en matière de radar et de communication.
Le PLC se rebiffe
N'empêche, procéder sans appel d'offres fait grincer des dents l'opposition. En guise de frappe préventive, à 24 heures de l'annonce du gouvernement, le Parti libéral a d'ailleurs pris position hier. «Un futur gouvernement libéral mettra en veilleuse le contrat», a dit le député Marc Garneau, porte-parole de son parti en matière d'industrie.
Le PLC souhaite aussi convoquer rapidement le Comité de la défense de la Chambre des communes pour étudier cette décision «prise par les conservateurs en catimini et sans reddition de comptes». «Un gouvernement libéral suspendra ce contrat pendant qu'il passe en revue les mesures d'approvisionnement», a dit le chef libéral, Michael Ignatieff.
Le PLC se garde bien toutefois d'annoncer qu'il va annuler un tel contrat, ne connaissant pas l'ampleur des frais liés à une résiliation. En arrivant au pouvoir en 1993, le gouvernement Chrétien avait annulé une commande de 43 hélicoptères maritimes du précédent gouvernement conservateur, ce qui avait coûté 500 millions de dollars en frais de rupture de contrat. En 2004, le gouvernement de Paul Martin avait finalement passé une nouvelle commande.
Combien?
Il n'est pas certain que le gouvernement va dévoiler le coût total de l'acquisition aujourd'hui. Il semble que les négociations avec Lockheed Martin vont se poursuivre cet automne.
Selon nos sources, Ottawa s'attend à payer entre 6 et 9 milliards de dollars pour l'achat des 65 avions. Ce à quoi il faut ajouter de 6 à 7 milliards en frais d'entretien sur 20 ans. La facture totale du programme devrait donc osciller entre 12 et 16 milliards. Le Canada ne prévoit toutefois pas avoir besoin des F-35 avant 2017, au moment où la flotte de CF-18 arrivera à la fin de sa vie utile. Il n'y aura donc aucune dépense à moyen terme.
Le Canada est un partenaire économique du F-35 depuis 1997 — une décision prise par un gouvernement libéral — en collaboration avec d'autres pays (États-Unis, Grande-Bretagne, Australie, etc.). Ottawa a promis d'injecter 710 millions de dollars dans le projet sur une période de 40 ans afin de permettre aux entreprises canadiennes d'obtenir des contrats dans le développement de cette nouvelle génération d'avions. Jusqu'à présent, 80 compagnies ont obtenu des contrats totalisant 325 millions de dollars. Il n'y avait toutefois aucune obligation d'acheter l'appareil.
Les besoins opérationnels des Forces canadiennes n'ont jamais été rendus publics. Par exemple, le F-35 a un seul moteur, alors que le Canada avait choisi le CF-18 de Boeing à l'époque pour ses deux moteurs en raison des risques de panne dans les grands espaces canadiens. Autre exemple: le Canada a-t-il besoin d'un avion furtif, généralement réservé aux missions offensives en pays hostiles?
Les concurrents de Lockheed Martin font valoir depuis quelques semaines qu'un véritable appel d'offres permettrait au Canada de choisir l'appareil le mieux adapté à ses besoins et de faire des économies. Boeing offre son nouveau Super Hornet, alors qu'Eurofighter offre son Typhoon.
Récemment, les Pays-Bas ont mis sur la glace leur projet d'acquisition du F-35 en raison de l'incertitude liée au coût des appareils. L'Australie, qui est toujours partenaire, a dit qu'elle pourrait acheter moins que les 100 avions prévus si la facture dépasse les 120 millions de dollars l'unité.


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